Le Centre culturel Blaise Senghor au rythme du chanvre... indien
Loin des programmes culturels, le Centre culturel Blaise Senghor semble devenir une plaque tournante du petit trafic de chanvre indien. Son directeur, Baba Ndiaye, accuse un environnement difficile qui serait constitué par les quartiers de Fass, Grand-Dakar, Colobane.
Le Centre culturel Blaise Senghor n'a presque plus de programme culturel. Cela fait un bon bout de temps que la presse n'y est pas invitée à une manifestation culturelle organisée par la direction de l'établissement. Une cérémonie de restitution d'un atelier de théâtre n'a pas eu lieu, la presse ayant juste constaté une remise de diplômes aux récipiendaires. Et pourtant, Blaise Senghor coiffe l'ensemble des centres culturels régionaux du Sénégal. Une situation que refuse d'admettre son directeur général, Baba Ndiaye, qui s'agrippe à ce qu'il appelle «un programme innovant».
La nature ayant horreur du vide, le CCBS, faute d'activités culturelles, est en train par contre de se faire un nom chez les policiers de Grand-Dakar. Depuis une quinzaine de jours, ces derniers y font des descentes régulières, à l'improviste, pour traquer des usagers et/ou trafiquants de chanvre indien. «La police vient presque chaque jour ici grâce à des éléments en civil, renseigne une personne employée de l'institution. Ils fouillent presque tout le monde, et débarquent à n'importe quelle heure.»
«La faute à Fass, Colobane, Grand-Dakar»
Selon nos informations, l'établissement est considéré par la police comme un lieu de trafic de la drogue en question. Cela a abouti à plusieurs arrestations. Et pas n'importe qui, indiquent nos sources. «Les personnes prises à défaut par la police sont des habituées du centre. Et l'une d'elles est un membre du personnel ayant des responsabilités.» EnQuête n'a pu identifier que son nom de famille, c'est un animateur culturel et c'est lui qui a en charge le volet organisation de ballets de Blaise Senghor. La police l'a appréhendé alors qu'il était en plein dans son travail...à son bureau. Déjà traîné devant la justice, il a été jugé pour délit de détention de chanvre indien et condamné à un mois ferme. S'étant adressé au directeur du Centre pour connaître le prénom de ce proche collaborateur, le reporter d'EnQuête s'est vu répondre par Baba Ndiaye : «demandez-le à celui qui vous a révélé son nom de famille...»
Avant cet employé, quatre autres personnes avaient été arrêtées : le jardinier du centre, un danseur de la troupe «Forêt sacrée», un balafoniste, un rappeur habitué des lieux. «La police ne fait que son travail, souligne Baba Ndiaye. J'ai pourtant demandé aux employés de se limiter à leur travail. Mais voilà, il y a eu des débordements.» Des débordements qui, selon M. Ndiaye, s'expliqueraient par la situation géographique du Centre culturel Blaise Senghor. «Le centre se trouve dans un environnement difficile encadré par les quartiers de Fass, Grand-Dakar et Colobane.»
Le budget du centre, 21 millions de francs, va aux salaires
Par ailleurs, le chanvre indien n'est pas le seul mal dont souffre Blaise Senghor à côté de l'absence de programmes. «Au lieu de prendre en compte les propositions des animateurs, indique-t-on, le directeur passe son temps à mettre les locaux en location à des privés pour récolter de l'argent». Baba Ndiaye n'est pas de cet avis et s'explique. «Il y a ici deux volets concernant le programme. Celui qui concerne les offres de services au public et aux artistes ; et celui consacré à la location de l'espace», dit-il. Pour le patron du CCBS, il lui faut procéder de la sorte pour exécuter le premier volet car le budget alloué au centre, soit environ à 21 millions de francs Cfa, sert à payer les salaires des contractuels. «Pour mettre à l'aise le personnel», avance-t-il comme justification. Et l'argent collecté en location ? «Il sert à financer le programme du centre culturel», souligne-t-il.
Dans cette logique, Blaise Senghor est aujourd'hui un repaire d'«experts» en tous genres, tous recrutés par le directeur, disent les mauvaises langues. Un népotisme dont se défend Baba Ndiaye : «Ce personnel mis à l'index travaille avec moi. Ce sont des gens connus et qui font bien leur travail», rétorque-t-il. Ces «experts» ont été engagés «pour accompagner la politique de la direction qui veut faire dans l'innovation en misant sur l'entrepreneuriat culturel.» C'est dans cette perspective d'ailleurs que le programme Padec a été monté au profit de quelques groupements comme le réseau des femmes culturelles et l'association des chanteurs religieux, entre autres.
BIGUÉ BOB
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