Pour des prisons plus humanisées
L'Association pour le soutien et la réinsertion des détenus (Asred) a tenu une conférence de presse, hier. Elle milite pour des prisons plus humanistes au Sénégal.
Pour un semblant de bien-être dans les prisons au Sénégal, l’Asred compte bien poursuivre son combat. Hier mercredi, l'association dirigée par Ibrahima Sall a encore remis ça en pointant du doigt, encore une fois, les conditions de détention effroyables prévalant en cellule. ‘’Le Sénégal compte 37 lieux de privation des libertés. Dans ce nombre, 33 ont déjà dépassé leurs limites. Par exemple, la prison de Rebeuss qui était prévue pour accueillir 600 détenus en compte plus 2 000 de nos jours. Il est évident que ce surnombre détériore les conditions de détention plus qu’inhumaines. Cette dernière fait davantage sauter le plafond budgétaire de nos prisons”, relate le président de l'Asred.
Dans son propos M. Sall a rebondi sur la posture adoptée par le ministre de la Justice lors de la mutinerie du Camp pénal. “Il est clair que l'attitude du ministre de la Justice, à la suite de la mutinerie du Camp pénal de Liberté 6, est déplorable. Jusqu'au moment où nous vous parlons, le garde des Sceaux n'a entendu qu'une seule partie. Au moment des faits, il n'avait pas daigné rencontrer les détenus pour entendre leur version des faits. Nous pensons qu’une approche élémentaire dans le milieu judiciaire”.
Ainsi, le chef de l'Asred a convié le président de la République à réserver une visite surprise aux prisons pour tâter le terrain. “Pour des raisons juste humanitaires, nous invitons le président de la République à se rendre dans les prisons de façon inopinée, si possible. Il pourra découvrir ainsi l'enfer que vivent nos compatriotes dans les geôles. Je pense que c'est uniquement avec ce genre d'action que de fortes mesures pourraient enfin suivre afin d'humaniser la vie carcérale”.
Les gardes pénitentiaires chargés
Le mouvement And Gorée book jar, représenté par Naby Rassoul, a plutôt axé sa réflexion sur les lenteurs et les lourdeurs judiciaires. Dans sa communication, il a également fustigé la différence de traitement entre les détenus. “Depuis 2021, il y a eu un fait nouveau. On a comme l'impression que les détenus politiques sont plus importants que les autres. C'est de la discrimination. La justice à deux vitesses a malheureusement de beaux jours devant elle dans ce pays. Sans oublier que les procédures sont de plus en plus lentes”.
Rassoul n'a pas omis de charger l'Administration pénitentiaire. “On parle des téléphones et autres chanvre indien, mais ce sont les gardes pénitentiaires eux-mêmes qui les font entrer dans nos cellules. C'est avec leur concours, leur corruption, si j'ose dire, que cela est rendu possible”, accuse-t-il.
Naby Rassoul poursuit pour en venir aux nombreux cas de récidive. “Pourquoi d'aucuns récidivent-ils et retournent-ils en prison ? La vérité est que les détenus ont été entraînés dans l'oisiveté. Ils passent leur temps à des jeux ludiques, fumer des clopes et à discuter à longueur de journée. Il n'y a pas de perspectives de formation dans ces lieux de détention. Si on reste 5, 10, 15 ans, sans activité, on est souvent déconnecté de la société et les vieux démons ont tendance à revenir”.
Enfin, un dernier point aussi très important a soulevé la question de la récente grâce du président de la République. “La dernière grâce présidentielle a été une grande déception pour nous. Seulement 316 détenus ont été graciés par le président de la République. Ce qui est trop peu, si l'on sait, par exemple, que son prédécesseur mettait fin à la détention pour près de 2 000 prisonniers, chaque fois qu'il en avait l'occasion. Toujours concernant cette grâce présidentielle, beaucoup ont été libérés alors qu'ils n'avaient plus que quelques mois à purger. C'est un coup d'épée dans l'eau”, commente ce membre de l'association Réinsertion des Médinois, Papis Faye.
MAMADOU DIOP