Publié le 10 Sep 2024 - 10:13

Délinquance des jeunes et insécurité péri-urbaine : priorité à l'éducatif

 

L’augmentation de la délinquance au Sénégal est aujourd’hui un vif sujet d’inquiétude.

Depuis quelque temps nous assistons à un accroissement considérable de ce que nous pourrions qualifier de « délinquance de proximité » : destructions et dégradations de biens, vols commis avec violence, ainsi que coups et blessures volontaires, dont le poids a pratiquement doublé depuis une periode récente.

Or ce qui apparaît clairement aujourd’hui, c’est que de tels actes de délinquance sont commis de manière privilégiée par les mineurs et adolescents, qui sont principalement responsables des vols commis avec violence. Et c’est justement ce type de délinquance qui constitue la source principale du sentiment d’insécurité.

Alors que le dérapage date de quelques années, avec une forte augmentation depuis un moment, les politiques de tous bords, tant par absence de diagnostic réaliste que par aveuglement idéologique, ont constamment cherché à minimiser le problème.

Ils ont d’abord pensé que le sentiment d’insécurité était plus fondé sur une peur collective que sur une réalité étayée. Ils considéraient alors qu’une bonne politique de communication pourrait permettre de renverser le phénomène.

D’autres étaient persuadés qu’une approche sociale du phénomène, accompagnée de programmes préventifs, permettrait de venir à bout du problème. L’erreur de pensée a consisté à croire que seule la prévention pourrait être la solution à la délinquance. C’est un contresens ! Certes, tout doit concourir à la prévention, mais celle-ci est faite pour éviter la délinquance, qui, si elle surgit, nécessite de REAGIR.

Un tel contresens est à la source du paradoxe de la situation . On n’a guère, en effet, réfléchi sur l’affinement des modes de réaction, puisque l’on croyait avoir la solution : la prévention;implantation de caméras de video surveillance sur l'ensemble des zones sensibles. Et cette absence de réaction a provoqué un effet « spirale », qui met à mal toute la politique de prévention.

L’urgence consiste aujourd’hui à réagir de manière pertinente et cohérente aux questions posées par les actes de délinquance commis par les enfants et les adolescents. Certes, réagir ainsi suppose au préalable de développer un effort de compréhension des raisons qui conditionnent l’acte. Mais il faut savoir aujourd’hui dénoncer avec force les effets pervers du discours politico-médiatique, selon lequel la délinquance des jeunes serait uniquement suscitée par des conditions extérieures agressogènes, dont la société est responsable.

En effet, un tel discours, sans doute valide sur un plan sociologique, est désastreux sur un plan pédagogique. Car il ôte toute part de responsabilité personnelle à l’enfant ou à l’adolescent. Lorsque ce dernier s’approprie un tel discours, il est totalement déresponsabilisé.

Le véritable défi à relever dans notre société d’aujourd’hui est d’ordre EDUCATIF.

Une importante cause des difficultés des enfants et des adolescents provient du fait qu’ils circulent tous les jours dans trois lieux : la famille, l’école, la rue. Dans chacun de ces lieux, des adultes font référence : les parents, au sein de la famille, les enseignants, les aînés. On sait en effet la forte influence exercée sur les plus jeunes par les grands dans les quartiers.

Or on voit aujourd’hui ces différentes catégories d’adultes, appelées à faire référence dans la tête de l’enfant, passer leur temps à se discréditer mutuellement.

Lorsque vous rencontrez des enseignants, ils parlent aisément des parents démissionnaires et des voyous de la rue.

Lorsque vous discutez avec les parents, ils s’étonnent de l’incapacité des enseignants à faire face aux élèves et des mauvaises influences exercées par la rue.

Enfin, bon nombre de grands jeunes disent aux plus petits : « Que tu travailles à l’école ou non, tu n’as pas d’avenir.

Autrement dit, chaque jour, l’enfant passe par trois lieux dont les modèles de référence se dénigrent les uns les autres ! Il est important de prendre conscience du lien évident entre de telles incohérences et l’absence de repères qu’on déplore chez bon nombre d’enfants aux comportements marqués par la violence.

L’important ne consiste pas aujourd’hui à trouver des boucs émissaires « C’est la faute aux parents… à l’école… à la société… » , mais à retrouver de la cohérence entre les différents adultes (parents, enseignants, citoyens) qui doivent tous ensemble réinvestir leur mission d’accompagnement de l’enfant sur des chemins d’éducation. « Un débat sur l’éducation, sur la place des jeunes et des enfants dans la société est vraiment indispensable. Il devrait impliquer l’ensemble de ceux qui contribuent à l’éducation des enfants : parents, enseignants, élus, associations, soignants.

Il serait illusoire de croire qu’une solution immédiate, tel le déploiement de forces de police, pourrait être apportée au problème de la montée de la violence. C’est seulement en retrouvant la voie des exigences éducatives que notre société pourra surmonter une telle difficulté.

Mamadou Diop

Consult.Sciences sociales du développement

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