Publié le 7 Oct 2024 - 21:19
AVANT-PREMIÈRE DE "BLACK TEA" AU CINÉMA PATHE DE DAKAR

Un hommage à l'humanité et à la diversité culturelle

 

Le cinéma Pathé de Dakar a accueilli hier l’avant-première du long métrage "Black Tea". À cet effet, le réalisateur du film, Abderrahmane Sissako, a convié la presse en amont afin de dévoiler aux journalistes les contours et les thématiques de ce film.

 

Le film "Black Tea", du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako, a été présenté en avant-première le samedi 5 octobre dernier au cinéma Pathé de Dakar. Selon lui, ‘’dans de nombreux pays, notamment en Mauritanie, il n’y a plus de salles de cinéma et les infrastructures manquent’’. En outre, les salles de cinéma ferment leurs portes, faute de soutien. C’est dans ce sens que Dakar a été choisi pour mettre à l’écran "Black Tea", car c'est l'un des pays africains où les salles de cinéma sont ouvertes et qui prône également la vulgarisation des talents et de la culture africaine.

De plus, il nous confie avoir été accompagné par une équipe sénégalaise pour la réalisation, ce qui n'est pas sa première expérience.

Par ailleurs, le film aborde la rencontre humaine entre l’Afrique et la Chine, mettant en avant plusieurs thèmes tels que l’identité culturelle, la migration, les relations de couples mixtes, le mariage, le divorce et même la diversité linguistique. Dans le scénario, une trentenaire ivoirienne, "Aya", qui dit non le jour de son mariage, décide d’aller vivre une autre aventure en Chine. Le film, qui dure 1 heure 46 minutes, a été tourné à Taïwan, où la jeune femme travaille dans une boutique de vente de thé, dont elle est passionnée. Ainsi, de manière concrète, le film aborde une rencontre humaine entre l’Afrique et la Chine à travers l’histoire d’amour entre l’Ivoirienne Aya et le Chinois Gai.

D’après le réalisateur, il voulait présenter la femme comme une battante, que ce soit la femme divorcée, l’entrepreneure ou la professionnelle, car elles arrivent toujours à se battre. ‘’Il était important pour moi de parler de la femme de manière générale. Le personnage d’Aya représente la femme sous plusieurs profils, montrant comment, dans la société, elle peut se battre au quotidien’’, dit-il.

À côté de la femme qu’il présente sous plusieurs facettes, il met également l’humanité au centre des rencontres, des rencontres culturelles et du regard différent sur l’autre. Il explique : ‘’Un acte cinématographique est un acte important. J’ai voulu montrer que le monde est vaste, ce n’est pas seulement Paris ou Washington, et que l’Afrique est ailleurs aussi. Qu’on le veuille ou non, l’humanité ne se construit que par la rencontre, car c’est parce que quelqu’un est parti là que quelqu’un a fait une rencontre et c’est ainsi qu’un enfant naît.’’

Pour lui, c’est ainsi que l’humanité se construit, même si cela engendre parfois des rejets face à l’autre, la méconnaissance de l’autre et même la peur que l’autre peut créer parce qu’on ne le connaît pas. C’est à l’artiste de dénoncer et de sensibiliser face à ces sujets.

Le film met également en avant une pluralité linguistique. Entre le mandarin, l’anglais et le français, on assiste à une diversité culturelle. Il explique que la diversité linguistique est importante, car elle confirme que l’humanité est une rencontre où se croisent plusieurs langues, plusieurs nations et plusieurs personnalités. C’est une dynamique qui montre qu’il faut en tenir compte. ‘’Qu’on le veuille ou non, la langue est une donnée dont on doit tenir compte’’.

Un film engagé, reflet des réalités sociales

L'une des caractéristiques les plus marquantes de "Black Tea" est son engagement social et politique. D’après M. Sissako, les films produits sur le continent doivent aborder des thématiques telles que la lutte pour les droits humains, la question de l'immigration, la justice sociale, l'égalité des genres et les inégalités économiques. Dans une séquence du film, on voit le fils de Gai prendre le parti des Africains qui ont été comparés à des animaux. Ce dernier explique à son grand-père que c’est anormal et qu’ils sont avant tout des êtres humains. ‘’Un acte cinématographique est un acte important. Il faut être le porte-parole de notre continent, bien que je ne sois pas le seul. Mais il est nécessaire que nous soyons les représentants de notre Afrique. Nous devons proposer des films qui racontent nos propres histoires et qui témoignent de nos réalités’’.

Pour lui, les enjeux africains sont présentés sous des angles à la fois poétiques et réalistes. Il souligne que tous les projets des autres réalisateurs incarnent une génération de cinéastes qui souhaitent repenser le monde à travers une perspective africaine, tout en dialoguant avec l'histoire universelle. ‘’Faire un film, c’est aller à la rencontre de l’autre et partager quelque chose afin de changer les choses’’.

Il évoque également la nécessité pour les politiques africaines de soutenir la créativité à travers des financements adaptés et des infrastructures modernes. Il ajoute que ‘’sans une volonté politique forte, l'industrie cinématographique africaine risque de stagner’’. Il est également important de repenser la coopération internationale dans le cinéma, en donnant plus d'espace à des collaborations Sud-Sud, plutôt que de se tourner automatiquement vers l’Occident. ‘’Pour moi, ‘Black Tea’ évoque l’Afrique d’une autre façon : montrer qu’au-delà des difficultés et des conflits, c’est un continent qui arrive à se tenir debout’’.

L'émergence de l'intelligence artificielle a également été mise sur la table lors des discussions. En effet, l’IA représente un nouveau défi pour le cinéma, non seulement en Afrique, mais à travers le monde.

Sissako, cependant, voit dans cette technologie une opportunité plutôt qu'une menace. ‘’Chaque outil qui arrive dans ce monde peut être un bon outil, si on l'utilise dans le bon sens’’, a-t-il déclaré. Il a soutenu que l'IA pourrait offrir de nouvelles perspectives de création en facilitant certaines tâches techniques ou en rendant le montage plus accessible. Cependant, l'authenticité et la profondeur émotionnelle, qui caractérisent le cinéma africain, resteront un atout incomparable face à une technologie qui manque encore de cette ‘’humanité’’ propre à l'art.

Ainsi, le film, qui met en avant la rencontre humaine entre l’Afrique et la Chine, l’amour entre une Africaine passionnée de thé qui migre en Chine et un Chinois qui plante et maîtrise la technique et l’essence du thé, sera suivi d’un amour qui dépassera les nations. Le public sénégalais sera entraîné dans une aventure inédite à partir du 11 octobre prochain. Cette date marquera la sortie officielle du film au cinéma Pathé de Dakar, qui sera également projeté dans 19 pays d’Afrique et près d’une cinquantaine salles de cinéma sur le continent.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE

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