Un fléau gangrène l' enseignement supérieur public senegalais
En effet, l'expérience sénégalaise suggère que la gratuité scolaire a un effet pervers sur la qualité de l'enseignement. Le constat dressé par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche lui-même est que plus de la moitié des étudiants échouent leur première année à l'université . Les coûts de cet incroyable taux d'échec scolaire, s'expriment en termes de démotivation, peur de l'avenir, retard, chômage, etc.
La raison de ce taux élevé d'échec peut se trouver dans la gratuité et la non-sélection à l'entrée.
La gratuité universitaire, accentuée par les bourses d'études, abaisse le coût lié au fait que l'élève renonce alors à une année de salaire qu'il aurait obtenu s'il s'était directement dirigé vers le marché du travail.
Des jeunes adultes qui auraient autrement été employés, ou qui se seraient davantage impliqués dans leur orientation, se retrouvent alors dans des formations qui ne leur conviennent pas ou ne les intéressent pas vraiment.
La non-sélection vient accentuer ce problème.
Mais, de façon peut-être plus importante, la gratuité et la non-sélection ont un effet sur la qualité de la formation, tout particulièrement en première année. Mon professeur Babacar Fall à la Fastef racontait comment les classes de première année au senegal était constituées de groupes difficiles, principalement à cause d'un contingent de près de la moitié des étudiants, voire plus dans certaines filières, qui n'est ni à sa place, ni même intéressé par ses études. Plusieurs étudiants lui ont dit qu'ils n'y étaient « que pour la bourse », ou pour y patienter jusqu'à l'atteinte de l'âge minimal requis pour postuler à certains emplois.
La dynamique pédagogique dans la classe s'en trouve complètement perturbée, et ce même pour les étudiants qui réussiront. Ces derniers n'auront pas accès à un cours aussi dynamique et animé que ce à quoi ils auraient pu s'attendre.
Lorsqu'on prend en compte ces effets sur la qualité de l'enseignement, on se dit que la gratuité scolaire est chère payée.
Mamadou Diop
Doctorant en Sciences Sociales du développement