5 professeurs, trois disciplines, un patriotisme
Ils sont cinq jeunes enseignants, M. Mbaye, M. Sy, M. Diallo, M. Ndiaye et M. Dieng, fervents militants du Pastef, à se retrouver au lycée de Ogo, par la magie des OS (ordre de service) de l’académie de Matam. Dispensant des cours de SVT, de français, de PC et d'arabe, ces professeurs, de véritables tribuns, distillent sans relâche dans la commune de Ogo et alentours les atouts et atours du Projet Pastef.
Il est 9 h 50 dans la cour déserte du lycée de Ogo. Sous l'arbre, quelques chaises vides attendent d’être occupées. Seul un monsieur, la cinquantaine, est assis, les jambes croisées, savourant le doux ombrage offert par les feuillages. C’est le doyen M. Thiam. Il fait office de surveillant chargé de la reprographie. La sirène retentit pour annoncer la récréation. Les bruits fusent de partout. Les élèves, heureux ou soulagés, se bousculent pour sortir des salles de classe. Les professeurs un à un regagnent le bloc administratif. Ils n’auront qu’un quart d’heure pour avaler un sandwich avant de retourner en classe pour un autre cours.
Durant ces 15 minutes de pause, la salle des professeurs se transforme en une agora. Tous les sujets d’actualité sont passés au crible. En politique, c’est le camp des patriotes, majoritaire dans l’établissement, qui donne le tempo et tire les ficelles des débats. C’est l’occasion de préciser, de réexpliquer une sortie d’Ousmane Sonko ou d'un haut cadre du Pastef.
Dans ce dessein, cinq mousquetaires sont toujours au-devant.
M. Mbaye ou le futur porte-parole du Projet
M. Mbaye, originaire de Mbacké, dans la région de Diourbel, est affecté au lycée de Ogo comme professeur de sciences de la vie sur terre depuis 2018. Présenté comme un homme effacé par ses collègues, Fallou s'est métamorphosé depuis l’avènement du ‘’phénomène Sonko’’ dont il est un inconditionnel. Il porte en bandoulière la doctrine du Pastef. Cultivé, il séduit notamment grâce à sa maîtrise des techniques de communication. ‘’Je me demande comment une personne imbue de valeurs morales pourrait détester Ousmane Sonko’’, répète-t-il dans un grand sourire à ses interlocuteurs, comme une ritournelle.
Pour cet iconoclaste, l’émergence du Sénégal ne fait désormais plus de doute avec l’arrivée du Pastef au pouvoir. ‘’Sonko est une bénédiction pour ce pays. Je commence vraiment à croire que Dieu aime le Sénégal. Si nous n'avions pas eu Sonko, ce pays serait dans le chaos, il y aurait des intouchables qui se permettraient toutes sortes de crimes en toute impunité aux dépens des pauvres Sénégalais’’, martèle-t-il avec conviction.
M. Sy, le révolutionnaire dans les textes
Quand le professeur de SVT n'est pas présent pour ‘’dissiper les éventuels doutes sur le Projet’’, M. Sy le supplée avec toute l’éloquence qui caractérise les professeurs de français. Originaire de la ville de Matam, Mamadou Lamine Sy a toujours servi au lycée de Ogo, où il est considéré comme une référence dans sa discipline. Il aime mettre de la passion dans ses débats, puisqu’il, ‘’parle toujours avec conviction’’.
Sans occuper un poste dans les instances locales du parti, M. Sy ne se gêne pas pour autant pour apporter son concours aux responsables. Souvent en tenue décontractée, ‘’l’homme de Matam’’, comme l'appelle affectueusement son proviseur, peut s'emporter si un opposant s'autorisait à émettre des critiques ‘’non objectives’’ sur son leader. Proche d’Aliou Sène, directeur du Crous de Bambey, M. Sy veut accélérer la cadence de la révolution systémique annoncée.
M. Diallo, l’anticonformiste
‘’Baba Garage’’ est, de tous, celui qui milite officiellement dans le parti Pastef. De son vrai nom Abdoul Wahab Diallo, il porte ce sobriquet depuis qu’il a servi dans cette localité. Revenu dans sa région natale, il a été aussi affecté au lycée de Ogo. À Banadji, dans la commune de Sinthiou Bamambe-Banadji, il est l'un des lieutenants de Bocar Issa Ndiaye, un des responsables majeurs du Pastef de la zone.
‘’Ma vision des choses m'a poussé à m’éloigner de la politique. Je ne conçois pas la politique comme un moyen de se servir ou comme un moyen de duper les populations. Je crois en la morale dans la politique et je pense que la politique et la morale peuvent faire bon ménage’’. M. Diallo est un professeur atypique, il n'est pas adepte de la langue de bois, pour lui, un chat doit être appelé un chat.
Cette franchise et sa perspicacité ne sont sûrement pas étrangères à la belle victoire du Pastef dans le village de Banadji, malgré l’influence du maire Mamadou Talla, ancien ministre de l’Éducation nationale.
M. Ndiaye et M. Dieng, les forces tranquilles du Projet
M. Ndiaye est le professeur de physique-chimie surnommé ‘’Diomaye’’ par ses collègues. Peu bavard, il ne laisse pas pour autant les détracteurs ‘’polluer l’opinion’’. Toujours en casquette, ‘’Diomaye’’ n'est jamais loin des débats politiques ; il est souvent aux côtés d’Oustaz Dieng, le professeur d'arabe.
Fraîchement affecté au lycée de Ogo, Oustaz a réussi à se hisser parmi les grands défenseurs du projet. Sans animosité, ils débattent avec leurs collègues d'autres obédiences politiques, un exemple de tolérance cité dans toute l’académie.
Djibril Bâ