Publié le 21 Jan 2025 - 19:37
AFFAIRE WARI

Bientôt le bout du tunnel

 

 

L'affaire Wari, dont la décision en première instance a été confirmée par le procureur, est renvoyée en délibéré le 17 février prochain. Les anciens associés de Kabirou Mbodje restent confiants pour avoir gain de cause dans un peu moins d'un mois, dans l'une des sagas les plus importantes du paiement mobile.

 

Kabirou Mbodje contre ses anciens associés, la fin est toute proche. Car le 17 février prochain la cour d'appel donnera le verdict final sur cette affaire qui dure depuis plus d'une décennie. “Il y a eu un jugement qui a déclaré coupable et condamné Kabirou Mbodje à payer cinq milliards à nos clients. Le 17 février prochain, la cour d'appel ne pourrait que trancher en faveur de la partie civile. Car, du point de vue des faits et du droit, la décision en première instance doit tout simplement être confirmée”, soutient ce défenseur de la partie civile des associés, joint par téléphone, Me Abdou Dialy Kane.

‘’Kabirou Mbodje a posé plusieurs actes délictuels”

Dans son commentaire, l’avocat a soutenu que le mis en cause ne disposait d'aucun argument solide en guise d'échappatoire. “La défense de M. Kabirou Mbodje ne tient pas debout. Il n'a mis sur la table que des faits qui se sont déroulés entre 2008 et 2011. Or, dans cette affaire, la période concernée va de 2011 à 2015. En définitive, son argument ne tient pas. Nous avons démontré que Kabirou Mbodje a posé plusieurs actes délictuels”, affirme Me Kane. Ce dernier de donner un exemple précis : “L'activité de Wari était centralisée par la société appelée Interactive. Or, quand M. Mbodje s'est rendu compte que les choses étaient devenues rentables, il a créé sa propre société, Interlink ; une boîte unipersonnelle dans laquelle il est l'unique actionnaire. C'est ainsi qu'il a balancé toute l'activité d’Interactive sur Interlink. En d'autres termes, il a détourné la clientèle d'Interactive vers Interlink. Et du point de vue de la loi, qui le définit clairement, nous sommes en face d'un abus de biens sociaux.”

Selon Me Abdou Dialy Kane qui dépeint la situation, cela n'est qu'une infime partie des actes répréhensibles posés par M. Mbodje. “Plusieurs expertises ont démontré que Kabirou Mbodje émettait des chèques sans nom, sans parler des per diem excessifs lors de ses voyages. Il a aussi fait signer une convention réglementée de façon illégale lui permettant de bénéficier de 8 % du chiffre d'affaires de la société Interactive. Pour y parvenir, il a donné à l'avocat de la société 5 % des actions de la société, Me Babacar Camara, afin d'utiliser les voix de l'avocat pour faire passer des décisions illégales. Il y a une panoplie de faits délictuels”.

À en croire l'avocat, le cofondateur de Wari a tout simplement “détourné tout l'argent de la société”. C'est-à-dire, les associés n'ont jamais reçu de dividendes de 2008 à nos jours. “Alors que l'on sait tous que la société était prospère. La preuve, à un moment donné, Wari était plus liquide que certaines banques. On se rappelle tous l'épisode où Kabirou Mbodje ambitionnait de racheter Tigo. C'est dire à quel point cette boîte était devenue rentable. Aujourd'hui, des regrets peuvent être nourris, dans la mesure où Wari était une belle trouvaille sénégalaise, malheureusement pas bien entretenue”.

Cheikh Tague : “Un combat de principe.”

Joint également par téléphone, l'un des anciens associés de M. Kabirou Mbodje fait d'abord savoir que l'affaire n'est pas uniquement vénale. Il s'explique : “Au-delà de la bataille juridique que nous menons depuis tout ce temps, c'est avant tout un combat de principe, pour servir de leçon à l'avenir. Beaucoup d'éléments parfois invraisemblables gravitent autour de cette affaire. Le degré de corruption dépasse l'entendement. Un juge de la cour d'appel a été pris la main dans le sac. Le 17 février prochain, nous n'attendons rien d'autre que l'expression du droit, de la justice.’’

Monsieur Tague regrette, par ailleurs, que Wari n'ait pas joui d'un soutien adéquat. Selon lui, si les autorités avaient joué leur rôle, cette situation aurait pu être évitée. “Wari, à l'époque, était une belle trouvaille, une innovation de taille d'utilité publique. Et dire qu'en 2015 déjà nous avions commencé à alerter les autorités, la Banque centrale notamment pour que la boîte qui transcendait nos personnes soit protégée. Si la justice avait fonctionné en ce moment précis, nous n'en serions pas là aujourd'hui”.

L'ancien associé d'ajouter : “C'est quand même regrettable, car aujourd'hui, notre système de paiement est géré par des étrangers, alors que ce sont des Sénégalais qui, à la base, ont eu cette idée. Encore une fois, Wari était d'utilité publique, mais n'a pas bénéficié de la protection qu'il fallait. Malheureusement, certains ne voient que l'aspect pécuniaire dans cette affaire, mais comme je l'ai dit tantôt, cela va bien au-delà. Pour les principes et pour la postérité.”

Mamadou Diop

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