“Je voulais juste mettre la pression... ”

Hier, à la salle 1 du tribunal de Dakar, s’est tenu le procès de la commerçante Khady Thiam. Bien connue grâce à ses tontines et facilités de ventes, elle est poursuivie pour collecte et diffusion de données à caractère personnel. Des faits qu’elle a contestés à la barre en présence des plaignantes qui se sont désistées de leur action.
Khady Thiam, commerçante de son état, est poursuivie pour collecte et diffusion illicite de données personnelles. En d’autres termes, on lui reproche d’avoir publié sur Facebook les photos de clientes qui lui devaient de l’argent. À la barre, elle s’est expliquée, calme, mais déterminée : ‘’Je leur ai clairement expliqué les clauses du contrat. Même en prenant des photos, on leur précise que si elles ne paient pas, leurs photos seront diffusées sur le Net. Ce n’était pas pour les humilier, c’était juste un moyen de pression.’’ Khady Thiam a dit aussi qu’elle ignorait que cette pratique était punie par la loi. Qu’elle a elle-même déposé plainte contre d’autres clientes, sans suite. En face, les parties civiles, elles, se sont désistées de leur action. Mais elles ont tout de même été entendues.
Collé Pouye, coiffeuse, a raconté : ‘’Elle a publié ma photo sur Facebook. Dès que j’ai vu la publication, je l’ai appelée. Je ne voulais pas que mes clients et connaissances tombent dessus.’’ Maïmouna Badji, visiblement plus touchée, a servi la même version : ‘’Elle m’a photographiée pour, disait-elle, au cas où. J’ai signé une décharge sans la lire. Après la publication, j’ai compris qu’il faut toujours lire un contrat. Je ne suis pas d’accord avec ce qu’elle a fait, mais je reconnais que je suis fautive aussi.’’
Le parquet, lui, n’a pas été attendri. Il a rappelé que même si les clientes ont signé un document, cela ne peut rendre légal un procédé illégal. Il a considéré que la collecte est nulle, dès lors que la clause elle-même est illicite. ‘’Le consentement ne suffit pas à blanchir une infraction.’’ Le ministère public a requis trois mois assortis du sursis et une amende de 100 000 F CFA.
En défense, pas moins de sept avocats sont montés au front. Chacun y est allé de sa plaidoirie, défendant la bonne foi, l’utilité sociale et même l’entrepreneuriat féminin de la prévenue. Maitre Tafsir Sy a affirmé que les clientes savaient ce qu’elles signaient : ‘’Elles ont eu connaissance de la photo et de son objet. Le contrat était clair : un iPhone contre 10 % du prix à verser, avec engagement de remboursement.’’ Maitre Ndèye Fatou Sarr s’est appuyé sur un principe connu : ‘’Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Elles ont accepté les conditions. On demande la relaxe pure et simple.’’ Mais c’est Maitre Ramatoulaye Ba qui a donné une autre tournure au procès, presque intime : ‘’Khady Thiam est une ‘warrior’. Elle gère des tontines allant jusqu’à 40 millions. Elle n’a jamais eu de souci avec ses clientes. Elle prend du plaisir à aider. Ce procès ne reflète pas qui elle est.’’ Sa consœur, Mame Coumba Kane, quant à elle, a balayé l’accusation d’un revers de main : ‘’Il n’y a pas eu de collecte illégale ici. Les conditions étaient claires.’’ Et Maitre Moussa Sarr de conclure : ‘’Ce n’est pas la première fois qu’on juge ce type de dossier. Mais ici, rien ne permet de dire que Mme Thiam a commis une infraction. Elle aurait même dû comparaître libre.’’
En attendant le délibéré prévu le 19 mai, le tribunal a ordonné la mise en liberté de Khady Thiam, régulièrement domiciliée à Dakar.
MAGUETTE NDAO