Publié le 7 Jul 2025 - 13:35
CONTRÔLE DES TERRITOIRES, TRAFICS, DÉCISIONS ÉTATIQUES, CHANGEMENT CLIMATIQUE

Ces facteurs de standardisation des peuples nomades

 

Le mode de vie des peuples nomades est d’une richesse culturelle inestimable. Mais face aux défis modernes, ces hommes résilients et écologistes, forcés à la sédentarisation,  sont confrontés à de nombreux problèmes, mettant en danger un riche patrimoine.

 

‘’Sur les traces des peuples nomades’’. C’est l’exposition organisée par le Carré culturel dans sa galerie. Cette exhibition retrace l’itinéraire des nomades (route, territoires), leur vie quotidienne (habitats, rites, alimentation) savoir et traditions (chants, contes, artisanat) et les défis contemporains. ‘’Ce mode de vie symbolise l'indépendance et la liberté de ces peuples, autonomes dans leur vie quotidienne, parcourant le Sahara à la rencontre d'autres peuples, pratiquant le troc de marchandises pour satisfaire leurs besoins’’, a souligné la propriétaire du Carré culturel (librairie, galerie d’art, édition, etc.),  Fatimé Raymonde Habré lors du vernissage.

Mais aujourd'hui, le constat est amer. Les nomades sont confrontés à de nombreuses difficultés mettant en péril un patrimoine culturel. ‘’On constate que la mise en place d'institutions étatiques a été synonyme d'un contrôle de l'espace géographique, que ce soit au sein des territoires, qu’au contrôle des populations qui y vivent. Vous comprenez dès lors que dès la colonisation, et après, avec la création de l'État africain, les populations nomades ont eu beaucoup de difficultés par la remise en cause de leur système de vie, de leur mode de vie’’, regrette l'organisatrice de cette exposition qui invite à découvrir une dynamique unique, toujours en réinvention, entre  tradition et modernité.  

Poursuivant, elle note que l’on peut faire le parallèle avec les populations tsiganes en Europe qui, elles aussi, pratiquent le nomadisme avec leurs roulottes. En effet, l'État, dans son contrôle des populations, veut contrôler, surveiller les citoyens, et de plus en plus de nos jours, il a besoin de les fixer. Alors, explique Mme Habré, pour remettre en cause la pratique du nomadisme, les États ont utilisé plusieurs arguments.  

‘’D'abord, la nécessité et l'exigence d'avoir des pièces d'identité, donc d'être rattachés à une adresse, à un lieu déterminé. La nécessité de la scolarisation et de la vaccination de leurs enfants a été aussi utilisée pour limiter les déplacements des nomades. Aujourd'hui, la volonté de les inscrire sur des listes électorales et de les faire voter a été aussi un argument pour les fixer et perturber leur mode de vie’’, a-t-elle relevé.

Les changements climatiques, comme la sécheresse, ont profondément marqué les populations nomades. Dans certains pays, selon Fatimé Raymonde Habré, il y a une sédentarisation forcée pour sauver les châtels décimés. ‘’Aujourd'hui, le bouleversement climatique a provoqué des pluies diluviennes, voire des inondations dans certaines parties désertiques où pas une goutte de pluie n'y est tombée depuis des siècles. On a vu dans certaines régions, au Tchad par exemple, le désert reverdir et l'espoir que les populations nomades puissent continuer leur mode de vie. Dans l'espace sahélo-saharien, les populations font face aujourd'hui à d'importants problèmes de sécurité dans leurs déplacements’’, a relevé Mme Habré.

Plusieurs facteurs dont des trafics de toutes sortes, des contrebandes, des trafics d'armes, le terrorisme ont contribué à un mouvement vers leur sédentarisation, selon elle. ‘’Très perceptibles au niveau des institutions et des autorités publiques, on encourage de plus en plus les gens à se sédentariser. C'est la raison pour laquelle, il nous a paru intéressant de nous y intéresser dans la mesure où d'importants bouleversements ont lieu pour ces populations’’, a-t-elle expliqué.

Une expérience immersive

Ces peuples font partie de ce que l'on a appelé la civilisation du cheptel. L’exposition sur les traces des peuples nomades permet ainsi de découvrir leur culture, d’apprendre à les connaître, entre autres. Il faut dire qu’à l’heure de l’uniformisation, les peuples nomades offrent une alternative : un mode de vie ancestral et harmonieux avec la nature.

Ainsi, la scénographie exceptionnelle de l'exposition offre une expérience immersive invitant au voyage.  On y découvre notamment des objets culturels venus du Tchad : une majestueuse mascotte de chameau, fabriquée par un menuisier métallique sénégalais ; une case construite avec des matériaux démontables, transportables par le chameau et faciles à reconstituer selon leur itinéraire de voyage. Cette case est décorée avec tous les éléments qui la composent. Il y a aussi un couple, en habit traditionnel et bijoux traditionnels pour la femme, montrant la richesse culturelle des peuples nomades.

En outre, des visuels muraux représentant les paysages du nord du Tchad, des photographies, des œuvres d'artistes sur le même thème, mais aussi des grandes fiches d'explications sont apposées  sur les murs de la salle.

L’exposition parle de l’alimentation, soulignant l’importance d’une alimentation saine à base de céréales principalement, des dates très riches en protéines, du lait de chamelle. Elle évoque aussi la gestion de leurs ressources en eau chez les peuples nomades. ‘’L'eau, c'est la vie, dit-on. Dans ce mode de vie, autant pour sa consommation très mesurée, pour arroser dans les oasis, leurs plantations de dattiers, les activités de maraîchage par un système d'irrigation séculaire, on évite absolument le gaspillage de l'eau’’, a soutenu Fatimé Raymonde Habré. ‘’Éviter aussi la surconsommation et l'accumulation de biens de toutes sortes sont des principes de vie pour les nomades, dans la mesure où ils se contentent de l'essentiel. On peut encore s'en inspirer…’’, a-t-elle ajouté.

Ainsi, l'exposition renseigne sur le mode de vie que des peuples nomades incarnent. Un mode de vie en constante évolution où le mouvement, loin d'être une errance, devient une richesse. Leurs déplacements façonnent leur rapport au monde, leur manière d’habiter et de transmettre, de créer. Dans deux semaines, une table ronde sur ce sujet sera organisée au Carré culturel.

BABACAR SY SEYE

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