0,6%… Oui zéro virgule six pour cent…Par Amadou Tidiane Wone
Les résultats du dernier recensement de la population au Sénégal sont tombés. Entre autres curiosités, une révélation : nous serions, au Sénégal pays de Senghor, 0,6 % de la population qui « utilisent le français comme principale langue de communication » selon le rapport provisoire de recensement de l’ANSD ! (Page 81)
Par la barbe de l’enchanteur Merlin…Comme dirait un personnage célèbre de bande dessinée de notre jeunesse !
Étonnant, déroutant ? Certainement ! Car, cela revient tout simplement à reconnaître qu’une infime minorité de sénégalais parle, comprend et utilise ( ?!) la langue « officielle » du pays et dans laquelle sont rédigées la Constitution et les lois…
Pis, cela rend… tragique ( !) les discours à la nation du Chef de l’État qui s’adresse à son peuple dont 70% ne comprendraient rien de ce qu’il dit ! Il est vrai que, depuis quelques années, il est de tradition de traduire, non pas mot pour mot, mais le contenu du discours présidentiel au gré de la compréhension du traducteur. Or traduire, c’est un peu trahir…
En réalité, les langues nationales, qui sont nos langues maternelles, ont opposé une résistance pacifique mais vigoureuse à la pénétration…française. Cette Résistance culturelle, mentale et morale, explique le rejet par la majorité du modèle étranger imposé. Seules les élites scolarisées à l’école de Jean Dard, subjuguées par les avatars culturels du colonialisme français, ont une peur bleue de couper le cordon ombilical de l’aliénation. Or, comme le disait si bellement Emmanuel Kant, philosophe allemand, « l’indépendance ce n’est pas une récompense, c’est une responsabilité. » Je dirais même plus : c’est une prise de responsabilité !
Il y’ a quelques années j’avais adressé, dans ce sens, une lettre ouverte aux membres de la Commission nationale de réforme des institutions ( CNRI):
https://www.setal.net/Decolonisez-notre-Constitution–Lettre-ouverte-aux-membres-de-la-Commission-Nationale-de-Reforme-des-Institutions-CNRI_a24422.html
C’était en février 2014…
Ce que je constate, depuis que toutes ces questions de Souveraineté sont devenues incontournables face à la montée du racisme et de l’intolérance à travers le monde, mais surtout face à la poussée incompressible du rêve panafricain, c’est la capacité de se résigner des élites francisées africaines.
S’il y’a un frein à la formulation de politiques vigoureuses d’intégration africaine, c’est bien parce que ceux qui sont chargés de les définir et de les mettre en œuvre, ont le cerveau encombré de données et de complexes qui inhibent leur sens de l’imagination, hors des prêts-à-penser des curricula de l’École occidentale. Comme si nous étions, définitivement, des tarés incapables de penser notre présent et notre avenir. Tous seuls. Comme des grands !
Oui ! Il a des sujets qui font peur : la monnaie, le départ des troupes étrangères de notre sol, la renégociation des concessions qui nous défavorisent, la création d’organisations communautaires, hors de la tutelle des ex-puissances coloniales… Les élites africaines ont peur de leur propre ombre sur ces sujets stratégiques devenus incontournables. Convenons-en pour mieux nous préparer : l’occident nous fermera de plus en plus ses portes. Pour des raisons économiques et démographiques. La peur panique du « remplacement » des populations européennes par des races et cultures différentes, est devenue le leitmotiv des extrêmes politiques occidentaux. Et ce discours, qui flatte les bas instincts des populations les plus démunies, a acquis droit de cité. Les résultats, électoraux constamment en hausse de l’extrême droite, en France notamment, en sont une preuve.
C’est donc ici et maintenant, chez nous, que nous devons donner corps aux rêves de nos enfants. Leur préparer un avenir radieux, sur notre continent, si riche et si… pauvre ( !?)
Simplifions dès lors l’équation : Prendre nos responsabilités ou périr…