Publié le 8 Dec 2016 - 22:35
3 QUESTIONS A… MAURICE SOUDIECK DIONE (DOCTEUR EN SCIENCES POLITIQUES, ENSEIGNANT-CHERCHEUR A L’UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS)

‘’L’Opposition doit gérer ses divergences…’’  

 

Comment analysez-vous les dissensions qui minent l’opposition ?

Ce sont de mon point de vue des dissensions mineures. Car les partis et personnalités qui les portent sont de faible envergure politique et électorale au plan national. Est-ce une façon pour eux de se positionner en se mettant à leur manière au-devant de la scène ? En tout cas, c’est des dynamiques qui semblent pour le moment marginales et périphériques, et les leaders et partis qui les nourrissent risquent de s’exclure eux-mêmes du jeu.

Pour l’heure, il ne semble pas qu’il y ait des divergences majeures sur les questions fédératives de l’opposition, notamment en ce qui concerne la lutte pour la transparence du processus électoral. Les critiques faites à la délégation qui est partie négocier ne me semblent pas fondées, car on ne peut pas vouloir construire un consensus sur les règles électorales, et en même temps refuser d’aller discuter ! Ce serait tout simplement incohérent ! Sauf à vouloir entretenir vaille que vaille les contradictions envers et contre tout ; ce qui ne relèverait pas d’un esprit constructif, démocratique et responsable.

Le Président de la République  a reçu la semaine dernière des membres de la coalition Manko Wattu Senegaal. Une rencontre à laquelle n’ont pas voulu prendre part certains leaders de cette alliance. Quel commentaire cela vous inspire ?

Il y a en effet une délégation de la coalition Manko Wattu Senegaal qui est allée rencontrer le président de la République jeudi dernier. Or conformément à l’idée de délégation, ceux qui sont partis parlent et agissent, en principe, au nom de ceux qui les ont mandatés. Donc on ne pouvait pas s’attendre à ce que tout le monde fût présent ! Au demeurant, il y a certainement des stratégies de communication sous-jacentes, car certains évitent peut-être de se retrouver avec le Président, et donc d’accorder à un futur concurrent un ordre de préséance à lui favorable, et pouvant avoir des effets dans les représentations de l’électorat.

Mais quoi qu’il en soit, on ne peut pas soutenir que la délégation envoyée pour discuter n’est pas celle de Manko Wattu Senegaal. D’autant plus que les problèmes posés pour le moment sont ceux de toute l’opposition. En effet, sur la base du dénominateur commun constitutif de la transparence dans la gestion du processus électoral, les revendications des partis d’opposition se recoupent.

Les discussions ont abouti à des avancées significatives car des accords ont été trouvés sur la majeure partie des revendications. Le dialogue doit se poursuivre, pour qu’on arrive, à terme, à surmonter les désaccords et que toutes les parties prenantes de la négociation se retrouvent sur l’essentiel, c’est-à-dire autour de consensus forts, pour ordonner et régir la concurrence électorale. Car, pour qu’il y ait choc démocratique des ambitions, il faut bien qu’un cadre normatif et institutionnel d’expression des dites ambitions soit défini et accepté par tous les acteurs intéressés.

C’est cela qui permet de consolider les acquis démocratiques du pays, de crédibiliser et légitimer les résultats qui sortiront des urnes et partant, de préserver la paix et la stabilité nationales. C’est tout à fait possible, mais pour cela, il faut qu’on évite, de part et d’autre, du côté du pouvoir comme de l’opposition, de faire preuve de mauvaise volonté : d’avoir des exigences au-delà de ce qui est raisonnable, ou de s’entêter dans un unilatéralisme contre-productif, avec pour conséquences éventuelles de plonger le pays dans des crises politiques futiles et inutiles. De toute façon, les Sénégalais observent et ne manqueront pas, le moment opportun, de se déterminer par rapport aux comportements des uns et des autres.

Manko vient de publier  une  lettre adressée au chef de l’Etat et relative à la gestion des contrats d’exploration du pétrole et du gaz.  Mais cette initiative n’est pas partagée par certains membres de la coalition. A ce rythme des divergences, cette structure de l’opposition  ne risque-t-elle pas de voler en éclats.

En tout cas, parmi les points focaux des revendications autour desquelles s’est constituée la coalition de l’opposition, figurent le respect des droits et libertés, la gestion transparente du processus électoral et la bonne gouvernance, notamment par rapport aux hydrocarbures. Mais après toutes les controverses suscitées par ce débat, jusqu’à ce que l’affaire soit portée devant la justice, on peut se poser la question de savoir quelle opportunité il y a à saisir le Président sur la question. Il fallait peut-être le faire avant. Mais l’opposition est aussi dans son rôle et cherche à redynamiser l’affaire Pétro-Tim pour mettre davantage la pression sur le Président Sall, dont le frère est cité dans cette affaire ; ce qui en fait une question embarrassante.

Par ailleurs, je pense que la composition du Comité stratégique d’orientation du pétrole et du gaz, pouvait être élargie à des députés de l’opposition et à la société civile, entre autres, pour lui donner un caractère plus inclusif qui eût renforcé son autorité et sa popularité. Il reste que les difficultés qui existent dans la coalition Manko Wattu Senegaal peuvent être liées à des options et orientations stratégiques du combat. Mais l’opposition doit gérer ces divergences, afin qu’elles ne soient pas des opportunités pour certains partis et leaders les moins politiquement et électoralement représentatifs, de chercher à se mettre au premier plan.

H-TRAORE

 

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