‘’Tamba reçoit beaucoup d’enfants d’autres pays non vaccinés, il faut les cibler’’
Beaucoup de maladies sont en voie de disparition au Sénégal, grâce au Programme élargi de vaccination. Dans cet entretien, le Docteur Abib Ndiaye explique l’utilité de ce programme, mais aussi identifie le défi que la région de Tambacounda doit relever pour maintenir les performances vaccinales. Notamment, gérer le flux d’enfants qui viennent des pays limitrophes.
Tambacounda a une spécificité. C’est une région très large où les structures de santé sont très éloignées. Quelles sont les stratégies pour faire les vaccinations ?
Une région comme Tambacounda fait une superficie de 42 000 km². C’est une région carrefour, frontalière avec quatre pays. Elle peut être vulnérable à ce niveau. D’autant plus que la carte sanitaire montre beaucoup de zones de vulnérabilité. Dans le Boundou, dans l’axe Goudiri-Kidira-Dianké-Mahame, dans la partie Ferlo de la région. Nous avons développé des stratégies avec la direction de la prévention et des partenaires, pour renforcer les stratégies avancées et les stratégies mobiles. C’est ce qui a fait que les enfants cibles qui sont dans ces zones éloignées, enclavées, sont régulièrement touchés.
C’est vrai que c’est difficile. Cela demande beaucoup de ressources, mais nous comptons sur l’appui des autorités centrales pour renforcer le parc logistique de la région en motos, en véhicules de supervision pour maintenir ces performances. Parce qu’actuellement, nous avons de bonnes performances vaccinales dans la région. La surveillance épidémiologique également est très dynamique. Mais cela demande beaucoup d’efforts. Nous sommes en train de renforcer la case sanitaire avec l’appui des autorités, certainement cela aidera à renforcer les couvertures vaccinales et amoindrir les efforts pour atteindre les cibles. Nos structures font beaucoup de stratégies avancées et mobiles. Donc, c’est beaucoup de ressources qui sont déployées dans la région. C’est le prix à payer pour maintenir les performances et assurer une bonne stabilité.
Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire pour rendre davantage performants ces résultats ?
Globalement nous avons de bonnes performances, mais le défi est dans le maintien. Il arrive des moments où il y a un essoufflement. C’est ce qu’il faut éviter. Il faut que l’on parvienne d’abord à renforcer les ressources humaines avec la carte sanitaire. Il faut également que les structures sanitaires soient renforcées, en créant de nouveaux postes de santé ; affecter du personnel qualifié.
Quel est l’impact de cette vaccination sur les enfants ?
Il est clair que le Programme élargi de vaccination (PEV) au Sénégal a connu des bonds extraordinaires, depuis des décennies. Pendant longtemps, le PEV a été le moteur de la santé publique dans le pays, au point que beaucoup d’autres programmes sont venus apprendre ce management. La vaccination, dans le cadre du PEV, a permis au Sénégal d’enregistrer beaucoup de bonds dans la lutte contre la mortalité infantile. Le pays, pendant longtemps, a été confronté à beaucoup de maladies évitables par la vaccination. Depuis les années 1980 et 1990, elle a fait reculer des maladies comme la rougeole qui faisait beaucoup de ravages dans les communautés. Actuellement, elle est en voie de disparition au point que le pays s’est inscrit dans la dynamique de son élimination. C’est pourquoi la RR (rougeole rubéole) a été lancée pour permettre de verrouiller le risque de transmission des enfants à cet âge (15ème mois).
Parce qu’on s’est rendu compte que beaucoup d’enfants rataient la vaccination du 9ème mois, et ceux qui prenaient cette dose, parfois, n’étaient pas suffisamment immunisés. Et la dose du RR3 vient renforcer l’immunité de l’enfant. Il y a également des maladies qui ont carrément disparu, c’est par la littérature qu’on les apprend. C’est le cas du tétanos, de la coqueluche, de la diphtérie. Maintenant nous sommes dans le cadre du maintien de ces performances. On sait que dans le cadre de la vaccination, si les autres zones ne sont pas surveillées, c’est un problème. C’est ce qui nous est arrivé en 2009-2010 sur la poliomyélite. Le Sénégal était certifié pays indemne, pendant longtemps lorsque, subitement, un cas nous a été importé de la Mauritanie à Joal. Le PEV a beaucoup contribué à la santé des nouveau-nés et des enfants. Mais il est aussi important de continuer les stratégies avancées de vaccination, renforcer la logistique, la chaîne froide, les frigos. C’est ce que l’Etat fait, mais ce sont des efforts qu’il faut toujours maintenir. Ce n’est pas facile, mais avec l’appui des partenaires, c’est dans nos possibilités.
Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des ruptures de produits ?
Non. Il y a une bonne gestion de la logistique et des vaccins au niveau de ce pays. Je disais que c’est un des programmes phares, le programme de vaccination. Il peut arriver qu’il y ait des difficultés dans la programmation des commandes. Ce sont des situations qui arrivent, mais rarement. Nous n’avons jamais de difficultés d’approvisionnement en vaccins.
Quel est aujourd’hui le principal défi que la région de Tamba doit relever ?
Comme c’est une région frontalière qui reçoit beaucoup d’enfants des pays non vaccinés, il faut les cibler. Parce que les dernières épidémies ont montré que ce sont des enfants qui nous venaient des autres pays. C’est ça la difficulté. Avec la circulation des personnes et des biens dans la sous-région, c’est un énorme défi à relever. Il faut arriver à identifier les vagues d’enfants qui arrivent dans nos régions, à travers les autres pays, le Mali, la Guinée notamment, la Gambie.
Quel est l’apport des relais communautaires dans ce combat ?
Extrêmement important. Le programme élargi de vaccination ne pouvait jamais atteindre ces performances sans le milieu communautaire. Parce que dans le schéma de vaccination, le relais joue un rôle important dans la sensibilisation des cibles. Il n’y a pas de performances de vaccination sans implication dynamique, efficace du milieu communautaire. Il n’y en a pas. Parce que l’agent de santé seul ne peut pas tout faire. Il a beau avoir beaucoup de vaccins, une bonne moto, un bon frigo, sans l’adhésion de la communauté, il ne peut rien faire.
VIVIANE DIATTA