Précisions sur les situations d’applicabilité
Si les deux ‘’nouvelles’’ conventions judiciaires entre la France et le Sénégal font couler beaucoup d’encre, les modalités d’extradition ont été précisées par les textes. Elles ne sont pas aussi évidentes qu’annoncées.
Lorsque Guy Marius Sagna parle, les Sénégalais écoutent. Le 27 août dernier, l’un des plus grands défenseurs des opprimés a saisi le peuple pour alerter. Dire, sur les réseaux sociaux, que ‘’Macron a décidé, ce 24 août 2022, de soumettre au Parlement français deux conventions avec le Sénégal pour que : 1- la France aide Macky Sall à traquer ses opposants radicaux en France. 2- la France livre à Macky Sall ses opposants au Sénégal. Il s'agit d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et d’une convention d'extradition’’.
En effet, ce jour, en Conseil des ministres, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et le garde des Sceaux, ministre de la Justice ont présenté un projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale, entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, et de la convention d'extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal.
Selon le gouvernement français, ces deux conventions visent à établir une coopération plus efficace entre nos deux États, en vue de lutter contre la criminalité organisée transfrontalière et l'impunité, notamment en raison des défis posés par la lutte contre la menace terroriste dans la bande sahélo-saharienne. Dans le détail, ‘’la convention d'entraide judiciaire en matière pénale stipule que les parties s'accordent mutuellement l'entraide judiciaire la plus large possible, afin de faciliter la collecte d'éléments de preuve dans le cadre de procédures pénales transnationales. Elle renforce l'efficacité de l'entraide judiciaire pénale et la lutte contre la criminalité transnationale en organisant et facilitant la transmission des demandes entre les parties, notamment par la transmission dématérialisée entre autorités judiciaires en cas d'urgence’’.
Quant à la convention d'extradition, elle ‘’énonce l'engagement de principe des parties de se livrer réciproquement les personnes qui, se trouvant sur le territoire de l'une d'elles, sont poursuivies pour une infraction pénale ou recherchées aux fins d'exécuter une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre partie à la suite d'une infraction pénale’’.
Et c’est ce dernier accord qui fait couler le plus d’encre, étant identifié comme un moyen de rapatrier des opposants politiques radicaux localisés en France.
L’une des personnes soi-disant visées serait Ousseynou Seck alias ‘’Akhanaton’’. Ce dernier fait l’objet d’un mandat d’arrêt dans l’affaire dite des ‘’Forces spéciales’’ et se trouverait dans l’ancienne métropole. Dans le viseur des forces de l’ordre, il serait considéré comme l’un ou le principal commanditaire de projets d’attaques de grande envergure contre des institutions et des autorités de la République, mais également contre des intérêts étrangers, plus particulièrement français. Ceci devait avoir lieu lors de manifestations interdites de l’opposition.
Toutefois, des informations sur le contenu de ces projets de loi montrent que tout ne sera pas aussi simple que cela dans l’extradition d’individus entre les deux pays.
En effet, le projet de loi, que le gouvernement français a déposé à l’Assemblée nationale du pays, a défini les faits pouvant donner lieu à une extradition. Il s’agit de ceux qui sont punis, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’un maximum qui ne soit pas inférieur à deux ans ou d’une peine plus sévère. Et dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à subir doit être d’au minimum six mois.
D’ailleurs, des motifs obligatoires de refus d’extradition ont été consacrés par le projet de loi. ‘’Classiquement, la remise n’est pas accordée pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions exclusivement militaires, des infractions politiques ou comme des faits connexes à des infractions politiques’’, précise le texte. Dans le même temps, l’extradition est refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de genre, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. Ou tout simplement si la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons.
Toutefois, l’attentat à la vie ou la tentative d’attentat à la vie d’un chef d’État ou d’un membre de sa famille sont exclus du champ politique. Il en est de même pour les infractions pour lesquelles les deux parties ont l’obligation, en vertu d’un accord multilatéral, de soumettre le cas à leurs autorités compétentes pour décider des poursuites ou d’accorder l’extradition.
Une autre porte de sortie pour les personnes visées par cet accord d’extradition est la nationalité. Car le texte précise que ‘’la remise n’est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité de la partie requise. La nationalité étant appréciée à la date de la commission de l’infraction objet de la demande d’extradition’’.
D’autres cas de possibilité de refus d’extradition concernent lorsque l’infraction à l’origine de la demande d’extradition est punie de la peine capitale et des peines contraires à l’ordre public de la partie requise, que la personne ait bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement dans un État tiers, que l’infraction ait été commise hors du territoire de la partie requérante et que la législation de la partie requise n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire, ou encore lorsque la personne est réclamée pour être jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception ou pour exécuter une peine prononcée par un tel tribunal.
Lamine Diouf