Les contours d'un scandale

Détenteur de près de 75 % des actions au niveau de sa filiale sénégalaise, Greentech a fui le Sénégal deux mois à peine après son implantation, sans aucune formalité particulière. Ses responsables soutiennent avoir été victimes d'une “escroquerie” de la part de leur partenaire sénégalaise.
Qu'est-il donc arrivé à la multinationale Greentech au Sénégal ? Présentée comme une entreprise modèle dans le domaine des biotechnologies, l'entreprise française a eu une attitude difficilement compréhensible. Implantée à la fin de l'année 2023, dans un contexte politique assez chargé, elle a vite plié bagage et fuit comme un vulgaire délinquant, laissant derrière une soixantaine d'employés désemparés.
Ex-directeur de l'usine, Serge Gomez témoigne : “Ce que les gens ont fait, c'est lâche. Il y avait dans l'entreprise 65 agents. Des jeunes qui avaient tout abandonné pour venir s'engager dans le projet qu'on avait mis en place. À peine deux mois après le démarrage, l'entreprise refuse de leur payer leur salaire et sans aucune explication. Le partenaire, dit-on, a abandonné le projet. Je trouve que c'est lâche et les responsabilités doivent être situées.”
Maimouna Ndiaye Sow était venue d’Orkédiéré, la tête farcie d'ambitions, à l'idée de rejoindre une si grande et respectable entreprise. Mais ses rêves se sont brisés en un laps de temps, à l'instar de ses autres collègues d'infortune. “La majeure partie, c'est des étudiants à la recherche d'une vie meilleure. Finalement, ce fut une désillusion totale. Certains parmi les étudiants avaient sacrifié leurs études pour venir gagner leur vie. D'autres avaient pris des engagements en se basant sur leur contrat avec l'entreprise. On a vécu un véritable calvaire dans cette entreprise, avec des pères de famille expulsés de leur logement par leur bailleur, des collègues qui peinent même à assurer la dépense quotidienne. C'est triste et nous réclamons notre dû”, a confié Mme Sow.
Le désarroi des travailleurs
Au début, confie la jeune dame, les travailleurs pensaient que les difficultés étaient passagères. Ils ont donc continué à travailler sans salaire. Mais au fur et à mesure, les difficultés se multipliaient et certains commençaient à abandonner, jusqu'à l'arrêt total de l'activité. Les employés tiennent la maison mère pour responsable de ce qui leur est arrivé. Pour eux, c'est la multinationale qui s'est levée un jour et a décidé de ne plus s'occuper de sa filiale. “Madame Habsatou Sy, qui était sa principale partenaire, a essayé pendant un moment de nous soutenir. Elle a été à nos côtés depuis le début, mais on ne sait pas pourquoi le partenaire a abandonné le projet. On ne sait pas non plus pourquoi nos salaires n'étaient plus payés, alors qu'aucune mesure de licenciement ou même de chômage technique ne nous a été notifiée”, confient certaines sources proches de l'entreprise.
Il faut noter que dans cette affaire, Greentech était en partenariat avec une Sénégalaise du nom d’Habsatou Sy. Selon nos informations, la multinationale détenait 72 à 75% des actions de la filiale. À ce titre, soulignent nos sources, elle avait des responsabilités, en tant qu'actionnaire majoritaire, qu'elle n'a pas tenues par mépris du droit sénégalais. “Ce qu'ils ont fait, ils n'osent pas le faire chez eux. Ce n'est pas normal que des entreprises internationales pensent qu'elles peuvent venir dans nos pays, faire ce qu'elles veulent et puis repartir comme ça, sans même respecter les droits des travailleurs”, dénoncent des sources proches de la direction.
Pourtant, indiquent nos sources, la filiale était bien partie, avec des produits bien référencés et des clients de marque comme Auchan. Le directeur de l'usine : “C'était un projet porteur, avec une idéologie que nous partagions à 100 %. C'est comme si l’on nous avait emmenés au milieu de l'océan et l’on nous abandonne là-bas dans une embarcation.”
JEAN-YVES BERTHON, RESPONSABLE À GREENTECH “Nous avons été victimes d'escroquerie et de diffamation” Contacté par ‘’EnQuête’’, le patron du groupe, Jean-Yves Berthon, a donné sa part de vérité sans trop s'épancher sur le sujet. Pour lui, il n’y a jamais eu 65 salariés ni 10 d’ailleurs. “C’est une escroquerie et de la diffamation. Nous attaquons en justice madame Habsatou Sy en France et au Sénégal. La procédure est en cours”, a-t-il réagi. Sur notre insistance, il finit par lâcher, sans autre précision, ce qui suit : “Nous avons investi beaucoup d’argent que nous avons confié à Mme Sy, mais aucun projet qu’elle nous avait présenté et pour lesquels nous avons versé de l’argent n’a abouti. Je ne saurais en dire plus parce que tout nous allons en parler au tribunal”, s'est-il défendu. Parmi ces flops, explique-t-il, il y a la collaboration avec Auchan qui n'a pas produit, selon lui, les effets escomptés. “Auchan devait nous commander pour 20 t par semaine, puis 40 t sur leurs 37 supermarchés. La commande n’a été que de 300 kg sur l’année. J’ai rendu visite à Auchan ; la direction des achats m’a dit que le marché qu’il pouvait nous confier serait faible pour nous, car il y avait des concurrents déjà bien installés. Vous pouvez aller vérifier auprès d'Auchan comme je l'ai fait”, a-t-il renchéri. Greentech est une entreprise présente dans plusieurs pays. Elle produit, à partir des plantes, des ingrédients pour la cosmétique et la pharmacie. À partir de microorganismes, des ingrédients pour la cosmétique et la pharmacie, mais aussi pour l'agronomie et l'environnement. Mais aussi à partir d'algues et de micro-algues, des ingrédients pour toutes ces industries que je viens de citer : l'agro, la cosmétique et la pharmacie, expliquait M. Berthon dans une de ses sorties. |
Par Mor Amar