Un "procès de Nuremberg" pour les auteurs
Lorsqu'il était arrivé à la Maison Blanche en 2008, Barack Obama avait pris l'engagement à la fois de fermer la base-prison de Guantánamo et de faire en sorte que les accusés d'un des attentats les plus barbares et les plus spectaculaires de l'histoire aient droit - honneur et privilège des démocraties - à un procès équitable : il souhaitait qu'il ait lieu à quelques centaines de mètres de Ground Zero, l'endroit même où s'élevaient les tours, et que ce soit la juridiction civile de New York qui en soit chargée. "C'est un procès trop important pour être jugé par la procédure douteuse d'un tribunal militaire, qui pourrait être contestée", avait déclaré Barack Obama, en février 2008.
Le président des États-Unis aura eu faux sur les deux tableaux : lui qui, au lendemain de son investiture, avait signé un décret décidant la fermeture de Guantánamo dans un délai de un an a dû céder à la pression de l'opinion et du Congrès, tous partis confondus. En effet, attentifs à des électeurs redoutant de voir certains détenus de la prison de haute sécurité relâchés aux États-Unis, une fois leur peine purgée, les représentants, démocrates et républicains confondus, ont voté, dès mai 2009, contre les crédits de 80 millions de dollars nécessaires au transfert des prisonniers. Certes, la population carcérale de Guantánamo a été petit à petit réduite. Sur 779 détenus, terroristes ou complices d'actes de terrorisme présumés, il n'en reste plus aujourd'hui que 171. Et sur ce nombre, seuls 14 d'entre eux sont des individus jugés extrêmement dangereux. Parmi eux, cinq des responsables des attaques du 11 Septembre, dont Khalid Cheikh Mohammed, le cerveau de l'attentat.
Aveux obtenus par la torture
Conscient que leur comparution serait un procès pour l'Histoire, Barack Obama voulait les faire juger par un tribunal fédéral. Donc une juridiction civile, offrant plus de garantie d'impartialité pour dire le droit et l'appliquer que l'équivalent américain d'une cour martiale. Là aussi, c'est raté. Et pour deux raisons : la première, classique et attendue, est que les élus de New York se sont inquiétés du fait que le procès des responsables du 11 Septembre dans la ville puisse entraîner dangers et représailles éventuelles pour la population de Big Apple.
La deuxième est que l'administration Obama a hérité, malgré elle, du piège dans lequel Bush, mal conseillé par ses faucons, s'est fait prendre. Il a en effet accepté que les talibans capturés en Afghanistan et transférés à Guantánamo, subissent, pour les faire avouer, des traitements plus que musclés. Ainsi Khaled Cheikh Mohammed (dont les Américains contractent le nom en KSM) aurait subi 183 fois le "waterboarding", autrement dit l'immersion prolongée dans une baignoire. Seulement, comme tous les tribunaux des pays démocratiques, les juridictions civiles américaines ne retiennent pas les aveux obtenus sous la torture. Si bien que, en faisant juger KSM et ses complices par un tribunal fédéral, Barack Obama courait le risque de voir les charges retenues contre les responsables du 11 Septembre purement et simplement abandonnées. Éventualité tout simplement impossible !
Les Américains comparent déjà le procès du cerveau du 11 Septembre et de ses hommes à celui qui, à Nuremberg, en 1945, a envoyé à la pendaison 12 responsables du IIIe Reich. À une nuance près : le tribunal a beau être militaire, les accusés bénéficieront de toutes les garanties d'appel que leur accorde la justice américaine, jusqu'au recours devant la Cour suprême. Ce qui pourrait prendre plusieurs années. Ce ne sera donc en aucun cas, même si certaines ONG humanitaires disent le contraire, une justice expéditive.
LE POINT