Sonko brandit un rapport de la gendarmerie et annonce une plainte contre Serigne Bassirou Guèye
De retour de son face-à-face avec le doyen des juges, Ousmane Sonko a donné les détails de son audition et fait de nouvelles révélations sur la thèse du complot.
Pour que nul n’en ignore. L’instruction de l’affaire ''Ousmane Sonko-Adji Sarr’’ est devenue un des secrets les moins bien protégés au Sénégal. Mais pour le plaisir de tous les Sénégalais. Alors que les détails du ‘’face to face’’ entre du leader du parti des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) et le doyen des juges Maham Diallo ont fait, hier, les choux gras de la presse, un des principaux acteurs a tenu à rétablir sa vérité. Avec un coup de maître réservé aux followers de ce passionnant feuilleton juridico-politique : un rapport d’enquête de la gendarmerie nationale accréditant la thèse du complot dénoncé depuis toujours par Ousmane Sonko.
Le document présenté à la presse hier par le maire de Ziguinchor, est le procès-verbal d’enquête interne de la gendarmerie nationale n°063-4/4/HC/CAB du 14 avril 2021 intitulé ‘’Affaire capitaine Touré’’, des feuillets 1 à 18. Il s’agit d’une enquête ordonnée, selon Ousmane Sonko, par Jean-Baptiste Tine, Haut-Commandant de la gendarmerie, au moment des faits et effectuée par les colonels Omar Diouf et Krépin Arsène Sambou. Le leader du Pastef assure que le rapport, versé au dossier par ses avocats, incrimine Serigne Bassirou Guèye, qui aurait travesti l’enquête préliminaire conduite par le capitaine Oumar Touré et le capitaine Diouck : ‘’Il a manipulé le rapport d’enquête pour y introduire des éléments à charge contre moi et y soustraire des éléments à décharge.’’
Les éléments à décharge constituent les doutes sur l’accusation qui aurait demandé à être seule avec celui qu’elle accuse de viols répétitifs. Elle aurait également supprimé des preuves matérielles (les SMS entre elle et Ousmane Sonko) qui auraient pu étayer sa thèse. L’ex-procureur de la République aurait également enlevé du rapport d’enquête tous les éléments qui montrent qu’un dénommé Sidy Ahmet Mbaye a fait le guet devant l’institut Sweet Beauté pendant longtemps.
Un complot au plus haut sommet ?
Plus grave, révèle Ousmane Sonko, ‘’Serigne Bassirou Guèye aurait introduit dans le rapport d’enquête des images attentatoires à la pudeur afin d’accuser la propriétaire de l’institut de proxénétisme et m’atteindre. Il s’agit de photos de femmes à moitié nues qui n’ont rien en rapport avec l’institut Sweet Beauté. La cybercriminalité l’a montré après une demande de mes avocats. Serigne Bassirou Guèye est un criminel, car ses agissements ont coûté la vie à 14 jeunes Sénégalais’’.
C’est ainsi que le candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2024 annonce, dès lundi, une plainte devant la chambre criminelle de la Cour Suprême contre Serigne Bassirou Guèye, ‘’avec preuves à l’appui’’.
Mais l’ancien procureur de la République n’est pas la seule autorité ‘’mouillée’’ par Ousmane Sonko. Devant le doyen des juges, le maire de Ziguinchor a assuré avoir démontré en quoi cette affaire est un complot : ‘’Les acteurs, c’est d’abord l’ancien procureur de la République Serigne Bassirou Guèye. Son bras exécutant, l’ex-chef de la Section de recherches, le commandant Abdou Mbengue ; le commandant de la gendarmerie et directeur de la justice militaire, le général Moussa Fall ; Mamadou Mamour Diallo, ancien Directeur des Domaines ; Me Pape Samba Sow dit Gabi, Me Dior Diagne.’’
Se basant toujours sur le rapport interne de la gendarmerie, le leader du Pastef affirme que les instructions de l’ex-procureur auraient été appliquées par l’ex-chef de la Section de recherches le commandant Abdou Mbengue. ‘’Le rapport montre que le général Moussa Fall, 15 jours avant les faits supposés, avait instruit le commandant Abdou Mbengue de dépêcher un élément sur les lieux pour leur dire qu’il a appris que Ousmane Sonko fréquentait les lieux et qu’une femme mineure y était séquestrée, victime de sévices. Cela m’a été avoué par l’élément lui-même, lorsque j’étais en détention à la Section de recherches, entre le 3 et le 8 mars 2021’’, assure-t-il.
Bassirou Guèye, Mamour Diallo, général Fall aux manettes ?
D’accusé, l’ex-député devient l’accusateur et continue à déballer : ‘’Mamour Diallo a, à maintes reprises, appelé la propriétaire de l’institut Sweet Beauté, et lui a proposé jusqu’à 200 millions de francs CFA pour qu’elle accepte de changer sa version pour me charger. Ce qu’elle a refusé.’’ Maitre Gabi Sow, beau-frère de Mamour Diallo, et Me Dior Diagne sont cités pour avoir assisté la plaignante dans la procédure d’accusation.
Pour la première fois depuis que l’affaire a éclaté en mars 2021, Ousmane Sonko a été entendu sur le fond, le jeudi 3 novembre, à propos des accusations de viols répétés et de menaces de mort portées contre lui par Adji Sarr, une ancienne employée d’un salon de massage. La plaignante, la propriétaire du salon de massage, ainsi que plusieurs témoins du dossier ont déjà été entendus. Mais ce n’est pas suffisant pour l’accusé. ‘’Si le juge veut vraiment une investigation digne de ce nom, il doit convoquer tous ceux que j’ai cités et les entendre sur leurs agissements. Le dénommé MC Niasse doit également être entendu, qui a publiquement déclaré avoir des preuves’’, lance l’ancien inspecteur des impôts.
Ousmane Sonko apprend d’ailleurs que le doyen des juges ne lui a posé que trois questions : ‘’J’ai reconnu avoir fréquenté les lieux et je ne peux pas me souvenir des dates exactes de toutes les fois où j’y suis allé. Il m’a demandé si j’ai entretenu des relations avec la plaignante. J’ai répondu que je ne lui permets pas de me poser ce genre de question vu mon statut d’aspirant à la présidence de la République. En dernier lieu, il m’a demandé si j’accepterai des prélèvements pour un test ADN. Je lui ai dit qu’il n’est pas question que je donne mon sang à des comploteurs. Il ne m’a même pas posé de question sur les menaces de mort qui figurent parmi les accusations.’’
Sonko demande l’audition de l’ex-procureur, du général, de MC Niasse, etc.
Depuis le début de cette affaire, le leader du Pastef ne cesse de dénoncer une cabale politique destinée à l’écarter de la Présidentielle 2024. C’est pourquoi, dit-il avoir défié Maham Diallo : une investigation poussée pourrait le mener jusqu’au palais de la République. Car ‘’tous ceux qui ont refusé de participer au complot ont été sanctionnés : le capitaine Touré a été radié, le général Tine a été sanctionné, l’élément envoyé en repérage a quitté la gendarmerie. Par contre, le général Moussa Fall a été promu, le commandant Abdou Mbengue est passé colonel, Serigne Bassirou Guèye détaché au palais de la République, Mamour Diallo est à la tête d’une direction nationale (DG Onas), etc.’’.
D’ailleurs, Ousmane Sonko a fait part de ses réserves sur le doyen des juges. Ce dernier, retient-il, avait ‘’partagé sur sa page Facebook un article tendancieux à charge contre moi, écrit par un militant de l’APR établi en France et qui se trouve être son beau-frère. Donc, je n’ai aucune raison de lui faire confiance. Nous savons qu’il subit des pressions’’. Une capture d’écran du post, daté au 12 mars dernier, circule sur les réseaux sociaux.
Alors qu’il était en audition dans le bureau du doyen des juges, des éléments de la garde rapprochée leader de Pastef ont été arrêtés par la gendarmerie. Quelques heures plus tard, le procureur de Mbour a déclaré que ces personnes ont été ‘’formellement identifiées comme étant les auteures d’actes de violence ayant occasionné des blessures graves à des personnes et de destruction de biens appartenant à autrui’’, lors d’incidents survenus au village de Tchiky (Mbour), le 30 octobre, pendant le ‘’Némeeku Tour’’ de l’opposant.
Arrestation de sa garde rapprochée : une énième provocation
Mais pour Ousmane Sonko, il ne s’agit, rien de moins, qu’une pure provocation. ‘’Ce sont les éléments les plus proches de moi qui ont été arrêtés. Lorsqu’il se passe un attroupement, ils sont chargés de me protéger. Alors, comment peuvent-ils être impliqués dans une rixe ? Ils ne vont pas laisser seul, leur objet de travail, pour courir derrière des personnes. Le procureur de Mbour les a formellement identifiés comme étant coupables, alors qu’il n’est qu’un maître de poursuites. Ils n’ont rien fait’’, défend-il, tout en dénonçant une volonté des autorités de démanteler sa propre sécurité. Mais, ajoute-t-il, ‘’ma sécurité est assurée par des milliers de jeunes Sénégalais. Personne ne peut la démanteler’’.
Plus que jamais confiant, le leader du Pastef assure que devant ces accusations, le dossier est à 200 % à décharge et qu’il ne comporte aucun élément et aucune preuve attestant le viol et la menace de mort.
D’ici la prochaine étape, il prévoit de continuer son ‘’Némeeku Tour’’, la semaine prochaine.
Lamine Diouf