Publié le 19 Oct 2019 - 16:37
AVIS D’INEXPERT PAR JEAN MEÏSSA DIOP

De cette ‘’rencontre secrète’’ entre journalistes et un présumé détourneur 

 

Le débat est en cours – et est un de derrière les fagots - sur la page Whatsapp ‘’Mon Cesti’’ de journalistes issus du Centre d'études des sciences et techniques de l'information, l’institut de journalisme de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Des échanges passionnés et tout de professionnalisme autour d’une information ou d’un ‘’fake news’’ à objectif de manipulation (?) faisant état d’une rencontre entre le sieur Mamour Diallo, ex-directeur des Domaines, accusé par le leader politique Ousmane Sonko, d’avoir détourné 94 milliards de francs. Rencontre ‘’secrète’’ donc entre M. Diallo et des directeurs de publication de la presse dakaroise.

Le site, auteur de l’’’information’’ fortement mise en doute par des journalistes, ne précise ni le lieu de la rencontre ni la feuille de présence, surtout côté patrons de presse. Parce que si le fait est aussi passionnant, c’est justement parce qu’il y a des responsables de publication parmi les protagonistes. Il y a aussi le contexte, celui qui aurait reçu…

Le contexte s’y prêtait-il ? Là, à notre avis, n’est pas la question ou si elle l’est, cela peut bien être accessoire. Une telle rencontre - si elle a existé - aurait dû être une occasion pour M. Diallo de s’expliquer, de donner sa version de faits graves qu’on lui impute ; occasion pour l’ensemble des patrons de presse supposés s’être entretenus avec M. Diallo d’interpeller et d’écouter ce dernier qui ne semble ne s’être résolu à porter plainte contre son accusateur que sous la pression d’une certaine opinion aussi railleuse que dubitative.

Jusqu’à ce jour, aucun article de presse signé d’un patron de presse n’est venu confirmer, ni infirmer cette rencontre qui apparaît comme celle de la honte et à laquelle tout participant aurait regretté d’avoir été présent.

Non, pour un journaliste, il n’y a rien de mal à rencontrer M. Diallo, contexte ou pas.  ‘’Si le gars (Mamour Diallo, Ndlr) peut vous donner des infos, lit-on dans les pots de la page Whatsapp "Mon Cesti", il ne faut pas les prendre pour argent comptant, quand on est professionnel. Le terrible problème qu'il y a, c'est de faire sa com. Et ça, ce n'est plus du journalisme. Genre : "Mamour Diallo passe à l'offensive...ou Sonko a du souci à se faire, Mamour est d'attaque".’’

M. Diallo n’est pas très fréquentable ; et dans ce contexte, le rencontrer ne devrait avoir pour d’autre objet - pour un journaliste - que de lui demander sa version des faits à lui imputés. D’autant plus que sous le tollé provoqué par les accusations, M. Diallo s’est emmuré dans un silence incompréhensible de la part de celui qui a une réputation à défendre crânement, flamberge au vent. Il renvoie l’image d’un pied nickelé qui ne s’est résolu à l’action honorable parce que poussé à la roue.

A supposer que la rencontre avec des responsables de médias n’ait pas existé, l’explication serait alors une manipulation pour à la fois discréditer la presse et donner le beau rôle à M. Diallo qui passerait ainsi pour celui qui n’a rien à redouter de la presse par les temps de tumulte qui courent.

C’est plutôt dans les rangs des patrons de presse qu’il doit y avoir une gêne, parce que le soupçon de connivence pèse sur tout le monde et personne.

Pourtant, pour un journaliste, rencontrer Diallo ne devrait avoir rien de contre-productif, tant que cette rencontre ne se limite pas à faire connaissance, de beau temps, boire un café et tant d’autres points loin de la question essentielle, à savoir : ‘’Qu’en est-il de la malversation en milliards de francs que M. Sonko vous accuse d’avoir commise ?’’ Il ne ferait même pas sérieux, ni crédible de la part d’un journaliste dans l’exercice de sa profession, de rencontrer M. Diallo, de parler avec lui de tout sauf de cette affaire-là.

Oui, la rencontre entre M. Diallo et les journalistes, si elle est avérée, est une information, c’est-à-dire ‘’une nouvelle exacte et intéressante’’ au sens classique et journalistique de la définition d’une information.

Dès lors, quand un organe de presse en fait état, cela ne doit souffrir d’approximation, ni d’allégations et de circonvolutions autour du pot. Dans le contexte que tout le monde sait, un journaliste, à plus forte raison des directeurs de presse, ne peut rencontrer un présumé ‘’haut malversateur’’ sans que cela soit une information de taille, ni ne prête à conséquence. Encore moins passer inaperçu. Les murs n’ont pas que des oreilles ; ils peuvent avoir aussi des yeux.

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