Publié le 15 Nov 2015 - 19:29
AVIS D’INEXPERT PAR JEAN MEÏSSA DIOP

Précaution dans l’usage de certains mots

 

Toutes les fois que décède dans un pays étranger un ressortissant sénégalais, se font entendre des cris d’orfraie, des clameurs indignées et accusatrices parlant d’assassinat comme cause de cette mort : ‘’Un Sénégalais assassiné en…’’ Et quelles que soient les circonstances et les causes de la mort du compatriote expatrié (surtout quand cette mort est violente),  on accuse une main assassine, et des organes de presse sénégalais finissent par entrer dans le jeu en parlant, à leur tour, de ‘’Sénégalais assassiné’’ . Il y en a même un qui a déclaré sans frémir et sans aucune preuve que  ‘’c’est un plan d’extermination des émigrés sénégalais…  !’’ Enorme, vraiment énorme ! Et tout aussi stupide. Certains de ces mots ne sont pas neutres ; ils sont même trop chargés, juridiquement et, parfois, politiquement.

Assassinat est un terme qui ne peut s’appliquer à toute mort, même celle intervenue dans des circonstances mal établies ; le mot a son poids juridique et judiciaire et, pour cette raison, devrait être employé avec beaucoup de précaution et moins d’émotion  (pour ne pas dire sans émotion du tout). ‘’Le meurtre et l'assassinat sont deux notions juridiques souvent confondues. Mais meurtrier n'est pas synonyme d'assassin d'un strict point de vue pénal’’écrit le site www.droit-finances.net.

Si ces deux infractions sont bien des crimes constitués par un homicide intentionnel (l'auteur de l'acte a l'intention de tuer la victime dans les deux cas), l'assassinat est considéré comme plus grave que le meurtre, car il est commis avec une circonstance aggravante : la préméditation. Contrairement au meurtrier, l'assassin doit avoir le dessein mûri et réfléchi de tuer la victime avant d'accomplir son acte. Exemple : l'arme a été préparée à l'avance par le tueur, il a surveillé les allées et venues de la victime plusieurs jours avant, etc.‘’

‘’Cette distinction est particulièrement importante au regard des peines encourues par l'auteur du crime : si le meurtre est en principe passible de trente ans de prison, l'assassinat est passible de la réclusion criminelle à perpétuité. C'est la même juridiction qui est néanmoins compétente pour juger ces deux crimes : la cour d'assises’’, précise www.droit-finances.net.

Dès lors, quelles preuves a-t-on que des Sénégalais morts à l’étranger ont été tous assassinés ? Le journaliste n’est pas du tout obligé (ou plutôt ne devrait pas) de reprendre à la lettre ces déclarations de certaine Ong (soucieuse de ses objectifs de communication et de médiatisation de son existence, plutôt que de la vérité des faits) sans précaution ni indiquer qu’il cite des propos qu’il ne peut ni ne doit assumer. Il est clair que c’est faire le jeu de certaine Ong et autres apôtres de l’outrance en parlant de (plan d’extermination des Sénégalais à l’étranger). Quel intérêt des individus (si malfaisants soient-ils)  auraient-ils à ne cibler que des Sénégalais pour les tuer ? Pourquoi seulement nos ressortissants parmi des millions d’autres éparpillés dans différents pays d’émigration sur une mappe monde qui en compte plusieurs ?

Il est vrai que quand se produit un phénomène aussi récurrent que la mort violente d’émigrés sénégalais, il y a matière à investigation. Et serait ainsi satisfaite la recommandation d’un ancien enseignant au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), Mohamed Diop, décédé au Canada, il y a quelques années, qui recommandait à ses étudiants : ‘’Quand il y a un "ça ne va pas", le journaliste doit enquêter (…) ; tout ce que deux personnes ne savent pas mérite une enquête.’’ Il y a matière à enquête dans certains décès de Sénégalais que des compatriotes suspectent de règlements au sein d’associations de malfaiteurs que certains de nos expatriés auraient intégrées. Cet aspect de la question ne devrait être pas occulté, à commencer par ceux qui accusent un plan de persécution des Sénégalais de l’étranger dans leur pays d’accueil.

En tous les cas, le journaliste doit adopter cette précaution dans l’usage des termes employés par les émotifs, même s’il est vrai qu’on ne peut qu’être frappé d’émotion à l’annonce de la mort dans des circonstances troubles et souvent violentes d’un ou de plusieurs de nos ressortissants. Mais, attention, toujours, aux mots pour le dire ; il faut veiller à ce qu’ils soient pesés, neutres s’il le faut bien ; pour ne pas relayer la littérature de ceux qui veulent se faire une notoriété par les accusations gratuites et les outrances injustifiées qui desservent plutôt la cause qu’elles prétendent défendre.

Jean Meïssa DIOP

 

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