Restitution des œuvres féminines et hommage à Safi Faye

La place du Souvenir africain de Dakar a accueilli la restitution de la résidence d'écriture et de création "Intersections : Selebeyoon", organisée par le Festival africain du film et de la recherche féministes (Cinefemfest) Gëstu Nataal i Jigeen. Ce symposium-festival s’inscrit dans une dynamique de réflexion et de promotion des œuvres féminines dans l'industrie cinématographique et artistique.
Le Festival africain du film et de la recherche féministes (Cinefemfest) a organisé, vendredi dernier, la restitution d'écriture et de création "Intersections : Selebeyoon" à la place du Souvenir africain. Elle a mis en avant les travaux et les réflexions des femmes engagées. Ce fut une résidence multidisciplinaire, qui visait à se placer à la croisée des chemins entre les arts, la recherche académique et le militantisme féministe.
Dans ce sens, la directrice du festival CinefemFest, Gëstu Nataal i Jigeen, Rama Salla Dieng, est revenue sur la portée de l’événement. La résidence "Intersections : Selebeyoon", a-t-elle révélé, s’est tenue entre octobre et novembre 2024 à Toubab Dialaw, réunissant huit écrivaines, chercheuses, commissaires d’exposition, photographes et cinéastes issues du continent africain et de la diaspora.
"La résidence s'est déroulée après le CinefemFest, qui a eu lieu en octobre, et s'est poursuivie en novembre. C'était une résidence itinérante, qui a débuté avec une exposition photographique, puisque trois des huit résidentes sont photographes. Cette exposition, portant le même titre que la résidence, ‘Intersections’, a d'abord été présentée à Toubab Dialaw, avant de voyager jusqu'à Dakar, pour se conclure aujourd'hui avec ce finissage".
Elle a ensuite rappelé que 14 textes ont été produits, certains ayant été commandés spécialement pour l'occasion. L’objectif était clairement de faire de cette résidence un projet multidisciplinaire, à la croisée des chemins entre les arts, la recherche académique et le militantisme féministe. "L'intérêt, aujourd'hui, de cette restitution, c'est de montrer qu'il est possible, pour différentes disciplines, de se mettre en commun et de se mettre en dialogue surtout, parce qu'on a tendance à évoluer en solo", dit Rama.
C’est dans cette optique qu’ils ont amené des actrices culturelles et celles de la recherche académique à se parler entre elles, à créer ensemble, à voir quelles sont les dynamiques communes entre les arts, la recherche et la création artistique. Il s’agit donc de cinéastes, de journalistes culturels, d’écrivaines, de photographes et de chercheuses, pour une dynamique commune qui les affecte, tant dans leurs pratiques professionnelles en tant que femmes que dans des causes structurelles, que ce soit dans l'art ou la recherche.
Une restitution multidisciplinaire
La restitution a été réalisée au cours d’une conférence publique avec pour marraine l’écrivaine Ken Bougul, qui a partagé son texte intitulé ‘’La fabrique d'un genre nouveau’’. Elle y aborde aussi bien le genre biologique que le genre artistique. "Elle montre comment, dans sa création, elle, l'écrivaine Ken Bougul, pas le personnage Mariétou Mbaye, se place à la croisée de toutes ces injonctions sociales et comment elle définit son genre artistique et aussi son genre biologique", explique la directrice Rama.
"Donc, je pense qu'il était important pour elle, une écrivaine qui a remporté le Grand Prix de la littérature africaine et qui a récemment reçu un doctorat d'une université espagnole, de jeter ce regard rétrospectif sur sa vie artistique, sur le pourquoi de sa création", poursuit-elle.
Tout au long de la restitution, on a entendu la photographe et écrivaine Amina Jules Dian qui, dans son texte, abordait le fond sur le désir de créer. À côté d’elle, Mamayimbé Kir Kalissa, une Guinéenne vivant au Sénégal, cinéaste et photographe, nous a également parlé de ses photos prises entre le Mali, le Burkina, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, pour nous expliquer pourquoi elle prend des photos et pourquoi surtout elle a réalisé le film qu'elle a fait sur les violences basées sur le genre intitulé ‘’Fin obscure’’.
Pour finir, la juriste et cinéaste Jocelyne Tithiam Faye a présenté un texte sur les défis de l'insoumission dans le champ créatif sénégalais pour les femmes sénégalaises et de la diaspora. "Elle explique pourquoi il semble y avoir une régression dans le champ de la liberté de créer au Sénégal par rapport à il y a 50 ans". Elle exprime cela à travers des œuvres telles que ‘’Maîtresse d'un homme marié’’ de Calista Sy. Elle a aussi choisi l'œuvre de Ken Bougul, le ‘’Baobab fou’’, explorant à travers ces œuvres les thèmes qui étaient traités à l'époque et ceux qui sont d'actualité.
Dans la foulée, il a été rappelé que la quatrième édition du festival aura lieu en 2025, avec pour thème ‘’Féminisme, démocratie et écologie’’. Dans ce sens, la projection du film ‘’Kaddu Beykat’’ de Safi Faye est prévue. L’événement a été marqué par la projection de "Kaddu Beykat" (Lettre Paysanne), un film emblématique de la réalisatrice sénégalaise Safi Faye. Tourné à Fadial, en pays sérère, ce film, sorti en 1975, est le premier long-métrage réalisé par une femme africaine à avoir bénéficié d’une distribution commerciale internationale. Ce chef-d’œuvre met en lumière la vie rurale et les enjeux agricoles au Sénégal, et s’inscrit dans le contexte actuel de réforme foncière et agraire dans le pays.
Pour célébrer le cinquantenaire de ce film en 2025, le Cinefemfest prévoit de le projeter à Dakar et en région, avec des diffusions dans les écoles, universités et centres culturels afin de sensibiliser les jeunes générations à l’héritage cinématographique de Safi Faye. "Ce film est important parce que le Sénégal est en cette phase où il est en train de réviser sa loi", dit Rama Salla Dieng.
THECIA P. NYOMBA EKOMIE