Polémique sur les indemnités des membres du Conseil national de la transition
Des indemnités "démesurées" attribuées aux membres du Conseil national de transition (CNT) organe législatif de la transition, suscitent l'indignation publique. L'octroi de ces avantages, jugés excessifs par certains, soulève des questions sur la légitimité et la responsabilité de cet organe législatif transitoire. Alors que certains appellent à la dissolution immédiate du CNT, d'autres prônent une réduction radicale de ces privilèges, arguant que ces individus, bien que "choisis", ne sont pas directement "élus" par le peuple.
La Cour constitutionnelle du Mali a rejeté une loi proposée par le Conseil national de transition (CNT), concernant ‘’l'attribution d'avantages et d'indemnités à ses membres’’, le 25 avril dernier. Depuis, elle a aussi déclaré ‘’irrecevable’’ une requête de magistrats, procureurs et certains membres de la société civile constatant un vide institutionnel et demandant la fin de la transition prévue le 26 mars.
Si, d’une part, cette requête redore son blason, d’autre part, elle remet en cause la légitimité d’une junte de plus en plus contestée après quatre ans à la tête du pays. Pourtant, la cour n'a pas été seulement saisie sur cette question d'indemnité, elle a été aussi sollicitée sur la suspension des activités politiques des partis et associations du Mali, où elle s'est déclarée ‘’incompétente’’.
Une semaine après son arrêt contre la volonté des militaires, cette histoire d'argent et d'indemnités "démesurées" octroyées au membre du Conseil national de transition (CNT) continue de défrayer la chronique au point que certains demandent la dissolution de l'organe législatif de la transition ou, pour les plus modérés, une réduction "drastique" de ces avantages accordés à des gens qui, au final, ne sont que ‘’choisis" et non ‘’élus".
Moussa Mara : ‘’La CNT semble plus intéressée par la rémunération de ses membres que le contrôle de l’action du gouvernement.’’
On peut voir de visu une indignation populaire dans les médias sociaux de certains Maliens très remontés contre le colonel Assimi Goita et Cie. L'ancien Premier ministre Moussa Mara est l'une des premières personnalités à applaudir cette décision de la Cour constitutionnelle. ‘’C’est par la décision de la Cour constitutionnelle que nous avons tous appris l’existence de cette loi votée par le CNT, à huis clos et à l’unanimité de ses membres’’, s'indigne-t-il à travers un communiqué. Il enfonce le clou : ‘’Il est triste et consternant de voir que le CNT, dans un contexte de grandes difficultés économiques, énergétiques, sécuritaires… vécues par les Maliens, semble plus intéressé par la rémunération de ses membres que le contrôle de l’action du gouvernement et la pression nécessaire à exercer sur l’Exécutif pour répondre aux attentes de nos compatriotes.’’
Par ailleurs, d’autres voix comme celle de Moctar Ousmane Sy, président de la Génération engagée Innovation-Jeunesse-Politique et sport malien et fier se sont levés pour demander aux autorités de la transition de fixer une date pour les prochaines élections.
Invité par Djoliba TV, il poursuit à l’antenne : ‘’Toutes les institutions de la transition d'un pays doivent rester connectés avec la réalité que vivent les populations. On ne peut pas accepter cela au moment où les populations sont privées d'énergie, marquées par une perte d’emploi, des familles affectées…’’
Certains montants perçus par les membres du CNT sont qualifiés d’exorbitants, tout particulièrement en période de délestages, de hausse des prix et d’insécurité. Derrière la question des montants, se profile aussi celle des durées d’allocations. Et pour cause : le dialogue intermalien a récemment recommandé une prolongation de la transition de 12 à 36 mois.
Ousmane Dao : ‘’Le CNT a sans équivoque perdu en crédibilité aux yeux de la population.’’
Le même constat est fait par le journaliste Mohamed Attaher Halidou, directeur de Joliba TV, connu pour ses diatribes contre le régime militaire. Dans un post sur Facebook, il raille le CNT comme il le fait d'habitude, marqué par un ton satirique : ‘’Avec le CNT, le pouvoir a toujours raison, c'est le peuple qui a tort. Dans un pays comme le Mali où le paysan n'a pas de retraite, que signifie toutes ces indemnités fantaisistes : indemnités chauffeur, indemnités monture, indemnités logement, indemnités carburant... Ne soyons pas surpris de voir demain ‘indemnités de chaleur…"’
Pour le journaliste Ousmane Dao, directeur de publication du quotidien ‘’Midi Info’’, cette institution de la transition est sous le coup des projecteurs depuis sa mise en place fortement controversée. Il relève qu'elle continue de défrayer la chronique avec cette dernière affaire qui vient confirmer qu'elle tient difficilement les fonctions régaliennes d'une Assemblée nationale, normalement parlant... Son action de se faire des avantages dans un contexte d'épreuves multiples et diverses pour le Mali est profondément en contradiction avec les orientations stratégiques de réduction du train de vie de l'État pour pouvoir faire face à certaines priorités très urgentes de la population.
Néanmoins, il reconnaît qu’il serait très prématuré de parler de révolte. Cependant, il estime que c'est une situation qui pourrait ‘’amener la population à perdre confiance envers les autorités militaires, par réaliser qu'elles semblent moins avoir le souci à leurs problèmes‘’. Sur ce, il conclut que les militaires n’ont plus bonne presse au sein de la population malienne. ‘’Le CNT a sans équivoque perdu en crédibilité aux yeux de la population, quand on sait ses difficultés et cette honteuse tentative d'améliorer ses conditions de vie et de travail’’.
Amadou Camara Gueye