Publié le 21 Sep 2022 - 23:39
DAKAR

Un casse-tête capital !

 

La vie de la coalition au pouvoir dans la région de Dakar en général, le chef-lieu de région en particulier, pourrait être scindée en trois principales périodes. D’abord, il y a la phase 2012-2019 : Macky Sall et Cie gagnent à toutes les élections (sauf les Locales de 2014). Ensuite, il y a la phase 2019-2022 : Macky Sall et ses lieutenants sont balayés dans la capitale. Enfin, depuis juillet 2022, il s’ouvre une troisième phase qui va se fermer sur 2024, date des prochaines échéances. C’est l’ère de la reconquête.

 

Une année catastrophique pour la majorité présidentielle dans presque toute la région Dakar. Rarement, pour ne pas dire jamais, Macky Sall et ses alliés n’auront été autant malmenés lors d’élections, depuis leur arrivée au pouvoir en 2012, que ça soit dans la capitale ou en dehors. Tout commence à s’accélérer aux élections territoriales de janvier 2022.

Alors qu’ils espéraient reconquérir la ville de Dakar qui les a toujours fuis, ils ont été laminés jusque dans les ‘’petites’’ communes qu’ils avaient la chance de contrôler. En effet, à la veille des élections de janvier, Macky Sall et Benno Bokk Yaakaar contrôlaient une dizaine de collectivités territoriales sur les 19 que compte le département de Dakar. Au sortir des élections, ils n’en contrôlaient plus que quatre sur les 19, à savoir Cambérène, île de Gorée, Dakar-Plateau et Grand Dakar. Même les communes léboues où la majorité semblait avoir la faveur des pronostics sont tombées dans la besace de Khalifa Sall et Cie.

Mais au-delà du nombre de  collectivités territoriales perdues au profit de l’opposition, il y a le score obtenu par le camp présidentiel qui doit inquiéter dans l’entourage du président Sall. Au moment où Yewwi Askan Wi, menée par Barthélemy Dias et Ousmane Sonko, caracolait en tête avec plus de 173 000 voix, Benno trainait loin derrière avec un score modeste de 81 000 suffrages, soit un gap de plus de 92 000 voix.

La même tendance s’est confirmée aux Législatives, avec un écart qui s’est encore creusé à près de 100 000 voix de différence. Pire, la coalition au pouvoir a du mal à augmenter ses réserves de voix dans la capitale, au moment où celles de son principal rival ne cessent de flamber. Ce qui est de très mauvais augure pour les prochaines échéances électorales.

Post-2019, le début de la fin

Pourtant, de 2012 à 2022, malgré les fantasmes, Benno Bokk Yaakaar a remporté presque toutes  les élections dans la capitale. D’abord la Présidentielle de 2012 ; ensuite les Législatives de la même année, puis le référendum de 2016, les Législatives de 2017, la Présidentielle de 2019… Toutes sauf les élections territoriales de 2014 lors desquelles les maires sortants de Taxawu Dakar avaient su résister à la boulimie de la majorité.

Entre-temps, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. La cote de popularité du président de la République en a pris un coup. Poussant ce dernier à revoir son coaching plus perdant que gagnant. 

On ne change pas une équipe qui gagne. Macky Sall va devoir méditer sur cet adage, lui qui s’est hasardé à mettre sur la touche, à la suite de la Présidentielle de 2019, bien de ses lieutenants fidèles ayant joué des rôles majeurs à toutes les élections, de 2012 à 2019. À leur tête, il y a le nouveau Premier ministre Amadou Ba, présenté à tort ou à raison comme principal artisan de la victoire du camp présidentiel aux Législatives de 2017 en tant que tête de liste dans le département de Dakar ; un des plus grands contributeurs à la victoire de BBY lors de la Présidentielle de 2019. À tel enseigne que certains n’ont pas manqué de le proclamer très tôt dauphin du chef de l’État. En novembre 2020, il est limogé du gouvernement sans aucune logique, pour ‘’délit d’ambition’’, selon beaucoup d’analystes.

Outre Amadou Ba, il y a le cas Abdou Karim Fofana, un des plus jeunes et plus populaires ministres de Macky Sall à l’époque où il était à la tête du département de l’Urbanisme, qui en avait surpris plus d’un. Tellement le jeune leader commençait à se faire une belle réputation, au point que d’aucuns n’hésitaient pas à lui tailler un destin de  maire de Dakar. Lui aussi a vu son élan brisé par les ‘’faucons’’. Il en fut de même pour Mame Mbaye Niang qui jouait également un rôle majeur dans la promotion et la défense du régime du président Sall.

Avec leur mise à l’écart ou au frigo, commençaient alors à émerger d’autres responsables comme Zahra Iyane Thiam, Aboubacar Sadikh Bèye, Cheikh Bakhoum, les alliés socialistes, les transhumants de Taxawu Dakar, en sus de certains inamovibles comme Abdoulaye Diouf Sarr. Une équipe mise en déroute lors des dernières échéances électorales. Le hasard aura voulu que les élections qui ont suivi soient une vraie débâcle pour la coalition au pouvoir.

Post-2022 : La reconquête

Avec plus du dixième du corps électoral, soit plus de 686 000 électeurs sur les 7 000 000 que compte le pays, Dakar revêt un enjeu particulier pour les élections au Sénégal. Si les tendances notées aux dernières élections se confirment, il sera difficile au camp présidentiel de s’imposer lors des échéances futures. Fin politicien, le président ne manquera sans doute pas de s’ajuster. Avec le dernier remaniement, il a donné le ton. D’abord, Dakar a le privilège, pour la première fois depuis Abdoul Mbaye, d’avoir le Premier ministre Amadou Ba dont le fief des Parcelles-Assainies est le plus important sur le plan électoral.

En plus d’Amadou Ba, il y a les retours de Mame Mbaye Niang et d’Abdou Karim Fofana qui pourraient donner un nouveau souffle au camp présidentiel. Sur leurs épaules en tout cas, repose désormais le rêve de BBY de reconquérir la capitale. Ils pourront sans doute compter sur les alliés maires que sont : Alioune Ndoye (Dakar-Plateau), Jean-Baptiste Diouf (Grand Dakar), Bamba Fall (Médina), Doun Pathé Mbengue (Cambérène)…

À souligner que la tendance notée au niveau de Dakar intra-muros est la même que dans tous les départements de la région où le pouvoir enregistre en permanence des contre-performances. Autrefois maitre incontesté dans les départements de Rufisque, Pikine, Guédiawaye et Keur Massar, la majorité a été défaite dans tous ces départements, aux dernières élections législatives et territoriales (seul Pikine a été remporté de justesse aux Locales). Là également, la recomposition a été enclenchée avec la configuration du nouvel attelage gouvernemental. Beaucoup de responsables vaincus ont été limogés du gouvernement et remplacés par d’autres figures de Benno Bokk Yaakaar. 

MOR AMAR

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