L'ancien président égyptien Hosni Moubarak est sorti de prison
L'ex-président égyptien Hosni Moubarak est sorti de prison jeudi au lendemain de la décision de la justice égyptienne d'accepter sa remise en liberté, au risque d'accentuer les tensions dans un pays meurtri après une semaine de répression contre les partisans d'un autre président déchu, Mohamed Morsi.
Hosni Moubarak, qui est âgé de 85 ans, a quitté la prison de Tora, au sud du Caire, à bord d'un hélicoptère médicalisé. Il a été admis dans un hôpital militaire situé à proximité.
La libération conditionnelle de Hosni Moubarak avait été acceptée mercredi par la justice, toutes les charges justifiant son maintien en détention ayant été levées.
L'ancien raïs, renversé en février 2011, sera assigné à résidence, a dit mercredi le nouveau gouvernement égyptien mis en place par les militaires qui ont déposé le 3 juillet Mohamed Morsi, premier président égyptien démocratiquement élu.
La décision judiciaire de libérer celui qui dirigea l'Egypte d'une poigne de fer pendant trente ans a été prise dans un pays sous état d'urgence depuis l'assaut mené il y a huit jours par les forces de l'ordre contre les sites où campaient les islamistes partisans du retour au pouvoir du président Morsi.
Le bilan de cette répression sanglante et des affrontements qui ont suivi dans toute l'Egypte se monte à quelque 900 morts dont une centaine de militaires et de policiers. Il s'agit des violences les plus meurtrières dans l'histoire de la république.
"Molestés, harcelés"
Depuis le début de la répression, un millier de militants des Frères musulmans ont été arrêtés, dont leur guide suprême, Mohamed Badie.
De ce fait, leur capacité à manifester est sérieusement amoindrie - un de leurs porte-parole, Ahmed Aref, a encore été arrêté jeudi - mais une alliance rassemblant divers mouvements pro-Morsi appelle à une grande manifestation "des martyrs" vendredi contre le retour au pouvoir de l'armée.
"Nous resterons inébranlables sur le chemin pour faire échouer le coup d'Etat militaire", a déclaré dans un communiqué la "Coalition nationale de soutien à la légitimité", qui réclame le rétablissement du président déchu.
Les salafistes d'Al Nour, qui représentent le deuxième plus important parti islamiste égyptien, et qui ont soutenu le plan de transition dévoilé par les militaires, se disent eux aussi victimes de violences.
Leur chef de file, Younes Makhyoun, a expliqué à Reuters que des membres de son parti avaient été molestés, harcelés et livrés à la police ces derniers jours, simplement parce qu'ils portaient la barbe.
"Les gens nous demandent jour après jour: 'Qu'en pensez-vous? Est-ce que la Sécurité d'Etat (puissante sous Hosni Moubarak) est de retour?' Nous ignorons quelles sont leurs intentions - Dieu seul le sait - mais ce que l'on peut dire, c'est que certaines mesures, certains signes sont préoccupants", a-t-il déclaré.
"Il faut que les autorités donnent des garanties au peuple égyptien: à savoir que les acquis de la révolution du 25 janvier (2011, qui a renversé Hosni Moubarak) ne soient pas bafoués, notamment en ce qui concerne les libertés, les droits de l'homme et la liberté d'expression", a continué Younes Makhyoun.
"Nous aimons Moubarak"
Dans les derniers heurts en date, deux militaires qui patrouillaient près de la ville d'Ismaïlia sur le canal de Suez ont été abattus par des hommes à bord d'une voiture, a-t-on appris jeudi. Deux militaires ont été blessés. Les assaillants se sont enfuis.
La libération conditionnelle de Hosni Moubarak risque d'aggraver encore la fracture qui traverse la société égyptienne.
"Moubarak est l'homme qui a détruit ce pays. Et maintenant, il va se déplacer librement ?", s'insurge un homme aux cheveux grisonnants qui fait la queue devant la prison de Tora sous un soleil écrasant. Il dit chercher à savoir si son frère, arrêté samedi, se trouve bien à la prison. Il refuse de donner son nom, se décrivant comme un partisan de Mohamed Morsi mais pas un membre des Frères musulmans.
"Nous aimons Moubarak", assure au contraire Mohamed Hussein, 36 ans, sans profession. Sa soeur Fatheya approuve : "N'est-il pas suffisant que pendant 30 ans, il nous ait évité la guerre et nous ait laissé vivre dans la dignité ?"
Hosni Moubarak a été condamné à la prison à perpétuité l'an dernier pour ne pas avoir empêché le meurtre de nombreux manifestants en 2011 lors de la crise qui a conduit à son renversement. Il a interjeté appel.
Il doit être rejugé, mais comme il a déjà effectué la peine maximum de détention préventive dans cette affaire, sa libération conditionnelle a été autorisée mercredi.
Le vieux militaire ne sera pas autorisé à quitter l'Egypte et ses actifs resteront gelés.
REUTERS