Publié le 27 Mar 2013 - 08:05
EN PRIVÉ AVEC… NDÈYE MOUR NDIAYE, ARTISTE-COMÉDIENNE

 «Je regrette l’absence du  Ministère de la Culture aux obsèques de ma mère»

 

Éloignée de la scène par la maladie de sa mère depuis plus d’une décennie, attristée par le décès de celle-ci il y a un mois, l’artiste-comédienne Ndèye Mour Ndiaye reste pourtant égale à elle-même. La douleur qu’elle porte n’a rien changé à ses convictions personnelles et sa passion pour le théâtre. Elle a reçu EnQuête au domicile familial, rue 19 x 22 Médina où est située la résidence familiale, à cœur ouvert. Son grand retour, c'est sous peu.
 

 

Que devient Ndèye Mour Ndiaye ?

 

J’ai décroché avec Daaray Kocc ma troupe formatrice depuis 1993. Parce que je devais rester au chevet de ma mère malade. Elle est décédée le 25 février dernier. Elle était une amie et une confidente pour moi. Nous entretenions une relation de complicité qui dépassait les liens naturels entre une mère et sa fille. Et justement, les mots m’ont toujours manqué pour qualifier ce qui nous liait. C’est pour cette raison qu’à un moment donné, je me suis retirée de la scène pour rester à ses côtés. Aujourd’hui, la volonté divine a eu raison de cet amour qui nous liait et elle s’en est allée ! J'en rends grâce à Dieu.

 

Etes-vous vraiment restée depuis tout ce temps aux côtés de votre mère sans penser à la scène ?

 

Il m’arrivait de m’évader souvent, de faire quelques apparitions çà et là pour gagner ma vie et ne pas mendier. C’est le seul métier qui me fait vivre. Chaque fois que l’on m'a sollicitée, j'ai répondu. Après, je reviens toujours à la maison pour m’occuper de maman.

 

Quel est votre premier rôle de comédienne dans le théâtre ?

 

J’ai commencé avec Une si longue lettre de la romancière Mariama Ba. Dans l’adaptation télévisée, j’ai interprété le rôle de la fille de Dié Astou, l’actrice principale. C’était entre 1980 et 1981. J’étais très jeune. A partir de cette date, j’ai intégré la troupe Daaray Kocc sans être auditionnée.

 

Entre talent et don, qu’est-ce qui a convaincu Cheikh Tidiane Diop à l’époque ?

 

J'ignore si c’est le talent ou le don, mais nous avions une pièce à jouer à l’époque. C’était Ami Collé ou l’ambition d’une jeune villageoise, une pièce que Cheikh Tidiane Diop avait écrite. J’interprétais le rôle principal. Malheureusement, c’est l’un des tout premiers scénarios du maître qui n’a jamais vu le jour, et je n'ai jamais su le pourquoi. Quand on a fini les répétitions sous la supervision de Cheikh Tidiane Diop, il m’a cooptée pour interpréter le rôle dans le feuilleton Une si longue lettre. J’étais avec Pape Demba Ndiaye, son neveu. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans la troupe.

 

Vous avez eu d’autres rôles dans votre carrière ?

 

J’ai interprété pas mal de rôles par la suite. Par exemple dans Yaadikon où j’ai assuré le second personnage, mais aussi dans Yermandé en 1984, Djiko ak Diamono avec les jumelles et tant d’autres...

 

Et si l’on revenait sur votre double rôle dans Djiko ak Diamono ?

 

C’était une première au Sénégal et en Afrique. J’ai réussi à me mettre dans la peau de chacune des jumelles. Il m’arrivait parfois de répéter une scène d’Awa quatre à cinq fois. C’était aussi le cas pour Adama. Je suis parvenue à m’en sortir, je crois.

 

Avez-vous tourné dans de grands films à part le théâtre sénégalais ?

 

Oui. J’ai eu l’immense opportunité de tourner avec des comédiens français comme Fanny Ardant, Bruno Kremer, Jacques Perrin, Alain Delnoche dans un film intitulé Le métier des hommes ou la guerre du Biafra. Disons que j’ai représenté le Sénégal avec fierté.

 

Aviez-vous le sentiment d’avoir fait un grand pas dans le cinéma ?

 

Je ne sais pas. Par contre, mes partenaires m’ont beaucoup respectée.

 

Vous devez être riche avec toute cette expérience.

 

Je ne suis certes pas riche, financièrement parlant, mais j’ai une richesse d’affection et d’estime sans bornes de la part des Sénégalais. La marée humaine qui a accompagné la dépouille de ma mère à sa dernière demeure l’atteste. On m’a dit que la mosquée et le cimetière étaient archi combles. Pour les condoléances, j’ai reçu des appels de partout. Les artistes ont fait le déplacement en masse. Il y a des personnes que je ne connais pas qui sont venues partager ma peine en apprenant la nouvelle dans les avis de décès. C’est une richesse pour moi ! Et je remercie tout ce monde du fond de mon cœur, notamment Seydou Guèye, le Secrétaire général du Gouvernement, l’Amiral Cheikh Bara Cissokho, qui m’ont toujours apportée leur soutien dans les moments pénibles. Par contre, je regrette l’absence du Ministère de la Culture à ces obsèques de ma mère.

 

Quelle appréciation faites-vous de l’évolution du théâtre ?

 

Je n’ai pas l’habitude de juger les autres. Mais force est de reconnaître qu’il y a une grande différence entre le théâtre d’hier et celui d’aujourd’hui. Il fut un moment où les mardis soirs, tout le monde attendait impatiemment une pièce de théâtre devant le petit écran. On ne voyait même pas un chat traîner dehors. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas pour la simple raison que tout le monde se lève et se proclame comédien. Je ne blâme personne, il faut juste être rationnel. C'est-à-dire faire les choses dans les règles de l’art en respectant le théâtre et le métier de comédien. C’est l’essentiel. Pour le reste, je laisse le public juger parce que les Sénégalais ne sont pas dupes.

 

Avez-vous été une fois sollicitée pour tourner dans les téléfilms du moment ?

 

Non, je n’ai jamais été contactée. J’ai tantôt dit que je suis une comédienne. Quand on m’appelle pour interpréter un rôle, je me donne à fond. Cela ne veut pas dire que je vais courir derrière un rôle pour des miettes simplement parce que je suis une comédienne. Je ne veux pas que mes compatriotes sénégalais me reprochent quelque chose dans le métier.

 

Qu’est-ce qui vous empêche d’avoir votre propre structure ?

 

C’est déjà fait. Il y a peu de temps, j’ai créé mon entreprise qui s’appelle «Mour production». On peut en trouver les infos sur mon compte Facebook. Par ailleurs, j’ai aussi mis en ligne un blog. J’ai écrit plusieurs scénarios sur le thème du civisme. Parce qu’avant, on respectait à la règle les leçons de morale. Maintenant, ce n’est plus le cas. Je compte produire ces sketchs avec l’appui d’éventuels sponsors.

 

Vous avez déjà entamé les démarches ?

 

Je n’avais pas assez de temps pour le faire. Après le quarantième jour de ma mère, je serai plus disponible.

 

La scène vous manque-t-elle ?

 

La scène me manque. Les gens m’interpellent souvent pour me dire : «Tu dois revenir sur la scène parce tu y as toujours ta place.» Et c’est pourquoi je veux revenir pour faire plaisir à toutes ces personnes qui s’inquiètent pour ma carrière.

 

Almami CAMARA

 

 

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