La Gendarmerie a transmis une trentaine de dossiers au Procureur spécial
Alioune Ndao, le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite, a récemment reçu un «lourd et volumineux» paquet, transmis par le procureur de la République de Dakar, Ousmane Diagne : les conclusions des enquêtes menées pour justifier des poursuites contre des barons du régime libéral. Une trentaine de dossiers ficelés par la section de recherches de la gendarmerie basée à Colobane, sont désormais entre les mains de celui qui va soutenir l’accusation, en tant que ministère public, dans les affaires des biens mal acquis.
Discrètement, avec l’avantage de la coopération des services de sécurité européens et américains pour ce qui est apparu au cours des enquêtes comme une traque contre la délinquance financière, les gendarmes et les policiers ont procédé à des dizaines d’auditions, procédé à des recoupements, identifié des patrimoines au Sénégal et à l’étranger, entendu de présumés prête-noms et livré des conclusions.
Beaucoup de figures du régime du président Wade sont concernées : son fils et ministre d’Etat, Karim Wade (le plus attendu), les anciens ministres Oumar Sarr, Me Ousmane Ngom, Awa Ndiaye, Samuel Sarr, Cheikh Tidiane Sy, Abdoulaye Diop ; l’ex-député Doudou Wade…
Ce sont donc quarante affaires qui seront au menu des premières actions de la Cour de répression de l’enrichissement illicite, dont les membres ont été désignés le 10 mai dernier, avec l’ancien avocat général près la Cour Suprême, Mandiogou Ndiaye comme président, assisté de ses collègues Henry Grégoire Diop, Emmanuel Corréa, et Amath Diouf.
Par ailleurs, il apparaît que les autorités judiciaires ont décidé de «centraliser» toutes ces affaires de détournements de deniers publics, après les premières procédures conduites sous les auspices du procureur de Dakar, Ousmane Diagne. C’est donc la fameuse Cour, réactivée par Macky Sall après avoir été instituée une première fois par Abdou Diouf en 1981, qui va connaître des plus sulfureux dossiers.
Installés dans ses nouveaux locaux sur la Route de Ouakam, dans un immeuble sécurisé, les magistrats de la nouvelle Cour vont donc bientôt entrer en action. Le circuit ? Le procureur spécial Alioune Ndao, -qui a comme substitut Antoine Félix Diom-, après avoir tiré ses conclusions, devrait saisir par réquisition la Commission d’instruction de la Cour présidée par le juge Cheikh Ahmed Tidiane Bèye qui sera assisté par trois assesseurs : Amadou Sayandé, (ancien) conseiller à la cour d’appel de Kaolack, El Hadji Abdou Aziz Seck, (jusqu’ici juge au tribunal régional hors classe de Dakar) et d’Abdoulaye Diagne, ex-substitut général près la Cour d’appel de Saint-Louis.
Dans une interview au quotidien «Le Soleil» dans son édition du 16 juillet, le procureur spécial Alioune Ndao expliquait son rôle central dans la procédure. Gendarmes, policiers, inspecteurs des impôts et domaines, travaillent sous les indications du procureur spécial qui donne des instructions écrites aux fins d’ouvrir une enquête. Une fois l’enquête ouverte, elle est faite sous sa direction. Quand elle est bouclée, elle revient encore à lui. Après cette étape, il y a la procédure de mise en demeure. Le procureur spécial met en demeure la personne incriminée afin qu'elle justifie l’origine licite de ses biens.
«Cette procédure dure un mois et, au bout de ce délai, si la personne mise en demeure justifie l’origine licite de ses biens, le dossier est classé sans suite. Mais si elle ne se présente pas pour justifier ses biens, ou bien se présente et ne parvient pas à justifier ses biens, le procureur spécial saisit la commission chargée d’instruire l’affaire. Au bout de l’instruction, qui dure six mois, la commission peut estimer qu’il n’y a pas d’infraction. Dans ce cas, elle rend un arrêt de non-lieu. Si elle estime qu’il y a suffisamment de charges contre la personne mise en demeure, elle la renvoie devant la Cour. Si la personne est reconnue coupable, elle est condamnée», avait-il ajouté.
GASTON COLY & FATOU SY