«Si les jeunes de Nouvelle vision veulent virer à la politique, je les sors de la mairie.»
Avant-hier, des échauffourées ont opposé à la Médina des militants de l’APR et ceux supposés appartenir au mouvement Médina nouvelle vision que vous avez créé. Pourquoi cette violence alors qu’on est à 5 mois des locales ?
Je veux être clair et ferme. Ni la mairie (de Médina), ni le Parti socialiste ne sont mêlés à ces échauffourées. C’est moi-même, Birame Sassoum Sy, qui ai eu l’initiative de créer Médina nouvelle vision. A l’origine, c’était un slogan tout simplement. Il devait accompagner les travaux que nous avons effectués dans l’enceinte de l’école de Médina.
Nous avons estimé que ne pas laisser des traces palpables au bout de cinq ans serait une catastrophe. Comme nous n’avons pas des moyens énormes, nous avons dit que nous allons utiliser des jeunes de la Médina, qui y vivent, qui y ont des racines pour qu’ils puissent faire le travail.
Quel est leur travail ?
Leur travail consistait à rénover le terrain (de football) en y mettant du gazon synthétique, à construire un village des tout-petits, à rénover des salles de classe. Bref des travaux de grande envergure.
Qu’est-ce qui explique cette convoitise pour la mairie de la Médina ?
Cette convoitise est politique ; et c’est normal. Tous les partis doivent prétendre contrôler la mairie.
Mais est-ce que cela justifie ces violences ?
Absolument pas ! Les jeunes de Nouvelle vision ne sont pas la police. Ils ne doivent pas interdire des thés-débats dans la rue. S’ils constatent qu’il y a obstruction de la voie publique, ils doivent le constater et le signaler à la police. Sinon, ce serait de la provocation. C’est pourquoi, en tant que maire, ayant employé ces jeunes à la mairie, je ne cautionne pas ce qui s’est passé. Pour l'heure, j'ignore qui a tort ou raison. J’ai entendu Bamba Fall dire que ce n’est pas Nouvelle vision, c’est le Parti socialiste.
Jamais le Parti socialiste ne cautionnerait ça. Il n’est pas question que l’on s’aliène nos partenaires. L’APR n’est ni notre ennemi ni notre adversaire. Nous devons nous entendre. Aux prochaines locales, il n'y a aucune raison pour qu’on n’ait pas une liste commune. Sinon chacun ira de son côté.
N'est-ce pas du clientélisme politique que de recruter ces jeunes sous la bannière de Nouvelle vision ?
Vous posez la bonne question. Quand on a créé Nouvelle vision, des conseillers sont venus me dire : «Qu’est-ce que c’est cette histoire de vision ? Vous comptez massifier votre parti par ce canal ?’’ Je les ai rassurés en disant que nous voulons faire des travaux mais que nous n’avons pas des moyens pour faire des appels d’offres et passer des marchés. Nous avons utilisé des jeunes qui squattaient le marché.
Il y avait beaucoup d’ouvriers parmi eux. Ce n’est pas un parti politique encore moins un appendice du Parti socialiste. Ils étaient rassurés. Le Parti socialiste m’a posé la même question. On m’a demandé si ces jeunes étaient du parti. J'ai répondu non. Ce sont des jeunes de la Médina, à la limite des marginaux, que nous employons pour faire des travaux que nous réalisons.
Est-ce que le nom ne prête pas à équivoque ?
Oui, ça prête à équivoque. Parce que Nouvelle vision ressemble à Vision socialiste mais qui n’a rien à voir avec. On leur donnait des tee-shirts sur lesquels étaient marqués Nouvelle vision, mais ce n’était pas politique.
Mais ils sont à votre service en tant que responsable politique.
Oui, mais je ne les utilisais pas pour qu’ils viennent massifier le parti. Sinon, ce serait malhonnête. Le conseil municipal est multicolore, donc je me dois d’être à égale distance des partis politiques. La mairie appartient à tout le monde ; je n’ai pas le droit d’utiliser des agents de la mairie pour leur faire faire quoi que ce soit. Je mène mes enquêtes. S’ils veulent virer à la politique, je les fais quitter la mairie.
Vous parlez de l’éventualité d’une liste commune alors que le Parti socialiste à la Médina est divisé. Votre camarade Bamba Fall fait bande à part
Je doute fort que Bamba Fall fasse bande à part. Si véritablement c’était le cas, il allait créer un parti politique. Cette nouvelle vision se réclame de lui (Bamba Fall), il doit en faire un parti politique et se présenter sous sa propre bannière. Dans ce cas, il n’a qu’à laisser le Parti socialiste de côté parce que ne nous cautionnons pas la violence.
On prétend que le maire de Dakar Khalifa Sall est derrière Bamba Fall.
Je ne peux pas le dire. Khalifa Sall n’a jamais dit à personne d’aller faire des meetings, de la propagande en sa faveur. En tout cas, je ne l’ai jamais entendu dire cela. Se prévaloir de Khalifa Sall, ce serait de l’invention pure et simple.
La direction du Parti socialiste ne réagit pas par rapport à la situation de la Médina.
Le Parti socialiste ne réagit pas. Ce sont des gens d’expérience qui connaissent la marche des affaires. Ce n’est pas à chaud qu’il faut réagir face à des problèmes de cette nature.
Quel bilan tirez-vous de vos 5 ans à la tête de la mairie ?
S’il y a quelqu’un qui peut être fier de son bilan, c’est bien nous. Nous, c’est-à-dire le conseil municipal. Il y a deux reproches qu’on peut faire à un maire.
Lesquels ?
La gabegie, c’est-à-dire utiliser des gens de ton parti, de ta famille, tes amis, etc. Vous envahissez la mairie. Moi, je n’ai pas fait cela. Pas un membre de ma famille sauf un ou deux que je n’ai même pas recrutés personnellement. Le deuxième reproche, c’est le bilan. Sur les deux, je suis indemne.
Nous avons fait des résultats visibles que tout le monde loue. Il y a même des gens qui pensent que nous avons investi 7 milliards dans l’école Médine. Nous avons reçu des enquêteurs, sous l’ancien régime, envoyé par la Primature. La préfecture nous demandait où est-ce que nous avons pris de l’argent. Est-ce que c’était de l’argent sale ? Est-ce que nous étions financés par des Ong ? Je leur ai dit : ’’Non, c’est l’argent de la mairie.’’
Votre budget s’élève à combien ?
Même pas un milliard de francs Cfa.
D'où viendraient les 7 milliards ?
Ce sont nos détracteurs qui nous prêtent ce montant vu l’ampleur des travaux.
Les travaux vous ont coûté combien ?
Nous n’avons pas investi plus de 500 millions. C’est notre budget, c’est la Médina qui a financé ça. Nous n’avons reçu l’aide de personne sauf de la part d’un conseiller municipal qui nous a offert un camion de béton.
Le quartier de Médina connaît quand même des difficultés liées à l’assainissement, la sécurité.
Vous êtes un intellectuel, vous connaissez les textes de la décentralisation. L’assainissement n’est pas de la compétence des maires. Il relève du domaine de l’Etat à travers l’ONAS (Office national de l’assainissement du Sénégal). On nous interdit de toucher un canal, mais à chaque fois qu’on signale un problème d’assainissement, on achète des tuyaux qu’on donne à l’Onas. Si bien qu’il n’y a que deux ou trois rues qui restent : ce sont les rues 24x25, 31x8, 5x12, en cas d’hivernage.
Et quoi d’autres ?
L’autre difficulté, ce sont les ordures. Parfois, vous voyez le marché Tilène rempli d’ordures. Ce marché a été construit pour 8 000 habitants en 1931. Aujourd’hui, il compte 250 000 habitants.
C'est peut-être la faute de la mairie qui ne se soucie que des taxes journalières ?
Non. C’est un problème d’espace. Les commerçants se plaignent de l’insalubrité à l’intérieur du marché, mais ils ne veulent pas fermer à 18 heures pour qu’on lave le marché.(…)
Que pensez-vous de l’acte 3 de la décentralisation qui est aujourd’hui très controversée ?
L’acte en soi n’est pas controversé. On aurait même pu dire qu’il vient à son heure. Après 1996, date à laquelle il a été généralisé, il est normal quand même de faire le bilan. Ce qu’on déplore, c’est l’absence de concertation préalable.
Il fallait lancer les concertations avant de passer à l’acte 3. En France, qui a fait la décentralisation en 1981, c’est aujourd’hui qu’elle passe à l’acte 3. Nous avons la décentralisation en 72 et c’était assis sur une large concertation car les autorités d’alors privilégiaient le dialogue. Le président de la République, en voulant bien faire, est allé trop vite. Des voix s’élèvent aujourd’hui pour demander un report. Et ils ont raison.
Vous pensez qu’on doit reporter les élections ?
Bien sûr ! On doit les reporter à un an.
L’opposition parle du respect du calendrier républicain
C’est normal. L’opposition est dans ses bottes. Quand nous étions dans l’opposition, on leur faisait les mêmes critiques. Il y a trop de problèmes. On veut supprimer les régions. Elles ne sont pas supprimables.
Pourquoi ?
La région est un organe de réflexion. Elle réfléchit sur le devenir des collectivités locales, sur les changements climatiques, les zones humaines, l’école. Tout ceci montre qu’elle a sa raison d’être.
PAR DAOUDA GBAYA