La kora dans le sang
L’histoire d’El Hadji Sissokho et de la musique remonte à ses aïeux. Fils et petit-fils de griot, son destin est lié à la kora, cet instrument qui symbolise depuis plusieurs générations l’identité de sa famille dans les douze états qui constituent le Mandé.
Né Sakho, El hadji répond Sissokho par la magie des vingt deux cordes de la kora. En baladant ses doigts sur l’instrument traditionnel, des souvenirs remontent en surface. «Médecin à Ziguinchor, mon père Sory Sakho administrait une thérapie musicale à des patients en jouant la kora pour eux. Et ils repartaient guéris de tout mal», dit-il avec fierté.
Le souvenir de cette scène artistique reste gravé dans la mémoire du gamin qu’il a été. Ayant perdu son père très jeune, El Hadji est recueilli par ses oncles qui avaient en charge son éducation. A l’opposé de son frère cadet Prince Sakho qui excelle dans le chant, lui a retrouvé chez les Sissokho le lien affectif du lait maternel : «Quand on a le sang griot dans les veines, on ne peut en aucun cas le renier. J’ai été allaité aux mamelles de la kora», soutient-il avec une mélodie acoustique.
Après le baptême de la kora
Auprès de son cousin Djibril Sissokho aujourd’hui expatrié en Espagne, El Hadji a été envoûté par le charme mystique de la kora dont les sonorités lyriques chatouillent l’émotion. Comme tous les enfants de la famille, il apprend à jouer tout seul et ne quitte plus l’instrument à cordes. C’est au sein du groupe «Allah laké» de son cousin Abdou Sissokho qu’il entame une carrière de musicien. En 1992, une cérémonie est organisée avec son lot de rituels pour sa première kora. «C’est une vieille tradition de la famille qui, après avoir fabriqué la première kora du fils, la baptise pour lui baliser la voie déjà tracée par les ancêtres», explique-t-il.
Après cet instant solennel, il approche ses cousins Diewoulou et Prince, les fils du défunt et mythique Soundioulou Sissokho, pour se forger une plus grande expérience. Plus tard, il joue pour Noura Ould Minti, la chanteuse d’origine mauritanienne qui a donné plusieurs spectacles au Sénégal. «C’était un orchestre composé de musiciens d’origines diverses. Il y avait aussi Youssou Camara, l’ancien batteur du Super Étoile», dit-il, toujours avec des notes de sa kora. Le talent d’El Hadji Sissokho le transporte par la suite au Festival des musiques métisses à Angoulême en 1995. Une fois rentré au bercail, El Hadji se mue en un véritable mercenaire de la musique en répondant aux multiples sollicitations.
Le groupe de reggae African black positive loue ses services de koriste confirmé à l’occasion d’un concert à l’Institut français Léopold Sédar Senghor de Dakar et au Festival international de jazz de Saint-Louis en 2006. Le groupe Mame Cheikh de Louga ne se prive guère de ses mélodies mandingues. Au mois de décembre dernier, il accompagne un groupe de musiciens suédois à Petit Mbao. Depuis cette énième expérience, El Hadji se projette dans l’avenir avec l’ambition de faire un premier album. «Actuellement, j’enregistre mon single en studio avec de jeunes musiciens pétris de talents», révèle-t-il. En attendant de franchir un nouveau palier avec la bénédiction de ses ancêtres, chaque jeudi le trouve en train de bercer les clients dans le hall de l’agence de la Sonatel des Parcelles assainies. «La kora continue à me faire vivre», dit-il avec assurance.
ALMAMI CAMARA
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