Zones d’ombre
Au mois de juillet, rien ne présageait que la centrale, construite contre vents et marées et à coups de milliards, traversait plein de difficultés et menaçait de cesser ses activités, huit mois à peine après le démarrage de la production. Elle a actuellement cessé ses activités de manière temporaire.
Un ouf de soulagement ! C’est le sentiment qui anime Fadel Wade, Coordonnateur du Réseau des associations pour la protection de l’environnement et de la nature (Rapen). Le quinquagénaire crie victoire et prie pour que la centrale électrique à charbon de Sendou ne rouvre jamais ses portes. A l’en croire, il faut la démolir, déclassifier les terres et les rendre aux populations qui ont été expropriées sans dédommagement.
En effet, huit mois environ après le démarrage de l’activité, la centrale à charbon est plongée dans une nuit sans fin. Financée à coups de milliards par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et la Fmo (banque néerlandaise), elle est fermée pour des ‘’raisons techniques’’ au courant du mois de septembre. En fait, l’infrastructure n’a jamais pu produire les résultats escomptés. Alors que ses responsables tablaient sur une production totale de 125 mégawatts, l’entreprise, jusqu’à notre passage en juillet, n’arrivait à atteindre cet ambitieux objectif. Plus précisément, elle en était juste à 107 mégawatts.
A en croire nos sources, le mal serait bien profond. A cause des défaillances techniques chroniques, les principaux actionnaires que sont Quantum Power et Norland ne tiennent pas le même langage. Pour la seconde entreprise, il faut continuer la production tout en procédant à la correction progressive des erreurs de fabrication. Quantum Power qui est l’actionnaire majoritaire milite en faveur d’une solution plus radicale, consistant à arrêter tout bonnement la production pour une période indéterminée, en attendant de tout revoir. Certains parlent d’une durée minimale de 6 mois. Cette durée coïncide bizarrement avec le délai qui avait été avancé pour l’érection du centre de stockage moderne de la cendre.
Ce qui pousse à se demander si cette fermeture n’est pas liée à la prise en charge des 1 120 tonnes de déchets produits chaque semaine et qui étaient difficilement conservables à l’intérieur du périmètre de la centrale. Nos interlocuteurs donnent leur langue au chat.
Si Quantum a opté pour cette solution draconienne, renseignent certains, c’est aussi pour des raisons d’ordre financier. ‘’La Spie (sous-traitante de la Ces) n’en pouvait plus, en réalité, de continuer à injecter son argent. Elle a invoqué des motifs économiques pour se séparer de ses collaborateurs’’, souffle quelqu’un.
Bien avant cette fermeture, il arrivait souvent que les machines tombent en panne, poussant la Ces à une fermeture temporaire. ‘’Il va falloir corriger certains paramètres pour atteindre nos capacités maximales de production. Les services techniques travaillent dessus’’, se défendait Badara Guèye en charge des questions environnementales, de l’hygiène et de la sécurité ainsi que des questions communautaires, lors de notre passage. Ainsi, ce sont toutes les planifications des autorités qui sont mises en péril.
Réduire le déficit en énergie
En effet, avec l’ouverture de Sendou, ces dernières avaient deux visées principales : d’une part, réduire le déficit en énergie, d’autre part, diminuer drastiquement son coût, le charbon étant un combustible nettement moins cher. Ce qui ne manquera indubitablement pas de peser sur les délais de recouvrement des créances initialement prévus. C’est d’ailleurs pour éviter toute perturbation dans la fourniture énergétique que la Senelec a fait venir, dernièrement, un bateau-centrale turc pouvant produire jusqu’à 240 Mw.
Il faut rappeler que chaque année, la Centrale électrique à charbon de Sendou consomme, selon les prévisions initiales, 360 000 t de charbon, totalement importées de l’Afrique du Sud. Au mois de juillet, la Ces en était à son sixième bateau de 40 mille tonnes. Il faut, pour chaque arrivage, 1 500 rotations des camions pour transporter le charbon du Port autonome de Dakar à Bargny.
Ainsi, cette fermeture très brutale ne manquera certainement pas, dans les jours et semaines à venir, de provoquer du bruit, vu les conséquences énormes aux plans économique, financier et social.
Loin de ces appréhensions, les populations, elles, jubilent et continuent la lutte pour la fermeture définitive de l’infrastructure.
M. AMAR