Pas de quoi pavoiser !
Si nous devrions diviser l’actuel mandat présidentiel en deux phases sous réserve de la restauration constitutionnelle dans le corpus juridique sénégalais de la durée de cinq années, nous pourrions faire remarquer que nous entamerons bientôt la seconde étape autrement plus complexe.
En effet, les citoyens sénégalais vont subir sous peu la seconde moitié d’une gouvernance qui se voudrait sobre et vertueuse et qui a pour objectif d’impulser et de densifier le secteur productif national en mal de dynamisme jusqu’à nos jours.
A l’épreuve du pouvoir et de la grande vitesse avec laquelle le monde actuel évolue, le temps semble insuffisant au vu de l’accumulation des nombreux défis relatifs à l’amélioration significative des conditions de vie et d’existence des Sénégalais. Avec le temps qui presse, le leitmotiv demeure l’accélération de la cadence, afin qu’au moins, certaines réalisations crédibles soient tangibles avant l’échéance fatidique de 2017.
Il y a lieu d’indiquer à cet effet que, plus de deux années après le renvoi d’une précédente gestion néolibérale hasardeuse et dispendieuse, l’heure reste toujours grave en raison des nombreux défis complexes et difficiles à relever. Toutefois, le front politique et social est redevenu relativement calme avec l’espoir du changement et le retour à certaines orthodoxies républicaines et démocratiques, mais le réchauffement peut survenir à tout moment consécutivement aux nombreuses attentes sur les exigences sociales urgentes.
Il est par conséquent important, profitant de l’an II de la seconde alternance, de s’arrêter pour un temps de réflexion et d’introspection, non pas pour faire de l’autosatisfaction complaisante ou démagogique à relents populistes, mais pour jeter un regard critique sur le chemin parcouru, lequel regard critique ne saurait souffrir d’une posture apologétique compromettante ou déviationniste, comme semble l’indiquer l’intitulé d’une publication primatorale choquante ‘’ça été dit, c’est fait’’.
Il ne saurait s’agir de faire un bilan d’étape prématuré dans la mesure où les impacts de politiques publiques mises en œuvre demandent un temps de réaction plus long dans le moyen à long terme, surtout au plan économique, mais, il s’agira d’apprécier les tendances qui se dégagent à la suite des politiques mises en œuvre et de pouvoir apporter ainsi les réglages ou changements nécessaires vers l’atteinte des objectifs.
Au plan économique
Les niveaux des taux de croissance économique autour de 4% en 2013 et du même ordre pour 2014, restent très insuffisants pour vaincre la pauvreté dans notre pays d’ici la prochaine décennie, comme l’ont été d’ailleurs les niveaux antérieurs sous la gestion du président Wade (moyenne de 3,3%) qui nous ont fait rater l’atteinte des OMD pour 2015.
De plus, le profil actuel de la croissance économique dont les contributions du secteur primaire (12%) et du secteur secondaire (17 %) à sa formation brute restent encore faibles, ne favorise pas une répartition des revenus permettant une bonne accumulation du capital pouvant induire un réinvestissement interne dans les dits secteurs stratégiques.
La faiblesse des moteurs de croissance dans notre pays est un problème majeure alors que le pays doit gérer sa transition démographique et va devoir relever les défis de l’emploi, de la mise à niveau de ses infrastructures de base (transport, énergie, logements etc.) et de ses systèmes de santé et d’éducation.
La croissance économique qui profite plus à minorités ou à des entreprises étrangères favorisant le réinvestissement extérieur, n’est pas une croissance saine et inclusive capable d’impulser le secteur productif national réel. Le déficit du budget national autour de 5,4 % reste élevé en dépit des efforts de réduction du train de vie de l’état et plombe notre capacité d’auto financement par l’accroissement de la propension à l’endettement pouvant nous conduire, comme dans le passé, dans un cycle infernal du surendettement .
Il y a lieu à cet effet de développer des stratégies innovantes de constitution et de développement d’une épargne nationale populaire capable de favoriser des investissements massifs internes dans le secteur productif national avec des banques d’affaires qui prennent des risques sur le long terme.
Le déficit abyssal de notre balance commerciale autour de 25% du PIB appauvrit d’avantage notre pays. En outre, le coût élevé de l’énergie au Sénégal et la faible productivité du travail ont fini de plomber la compétitivité des entreprises sénégalaises.
Autant de facteurs négatifs structurels qui caractérisent notre situation économique actuelle, laquelle situation nous impose non pas de l’auto satisfaction arrogante, mais, une prise réelle de conscience de l’étendue de la pauvreté dans notre pays et d’un avenir qui n’est pas encore prometteur.
Au plan politique et institutionnel et du dialogue social.
L’évolution du Sénégal depuis les années d’indépendance a montré les limites de l’hypertrophie des pouvoirs présidentiels qui a failli mettre le pays dans le chaos sous le magistère du président Wade avec les modifications constitutionnelles politiciennes à la pelle.
Le moment était arrivé en 2012 de faire des ruptures et d’évoluer vers une forme de gouvernance démocratique citoyenne et un rééquilibrage des pouvoirs pour une meilleure gouvernance démocratique. En son temps, la classe politique et la société civile s’étaient retrouvées dans un processus inclusif de consultations citoyennes pour la revue de notre mode de gouvernance démocratique qu’exigent les temps nouveaux.
Il faut dire qu’à ce niveau les choses tardent à se concrétiser et que sur ce plan la théorie cadrerait plus avec la pratique (la patrie avant le parti) que si le lien ombilical entre chef de l’état et chef de parti, terreau fertile de la mal gouvernance, serait rompue. Au demeurant, la patrie avant le parti, bien que relevant d’une réelle volonté politique ne pourra être opérationnelle que si le lien entre le chef de l’état et le chef de parti disparaît.
Le système judiciaire attend toujours des réformes hardies pour une plus grande indépendance de la magistrature ainsi que notre administration pour une administration plus républicaine et de développement aux services exclusifs des citoyens. Le dialogue social reste d’être encouragé pour l’avènement dans notre pays d’un consensus national sur l’essentiel et pour un pacte de stabilité et de croissance.
Autant de chantiers titanesques qui demandent une exacte mesure des choses au regard des nombreux défis à relever et de la gravité de l’heure.
Certes le navire Sénégal navigue dans des eaux relativement calmes pour arriver à bon port, mais attention, les intempéries peuvent survenir à tout moment et nous imposent de ne pas dormir dans de supposés lauriers.
Kadialy GASSAMA, Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque