Publié le 31 Jul 2022 - 00:50
INTENSIFICATION DES ATTAQUES DJIHADISTES PRÈS DE BAMAKO ET LE SUD DU PAYS

Al-Qaeda accentue la pression sur la junte malienne  

 

L’attaque suicide contre le camp militaire de Kati, centre névralgique de la junte malienne, vendredi dernier, les incursions des militants du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe) lié à Al Qaeda dans le sud et l’ouest du pays, et la pression des groupes terroristes dans le centre du pays témoignent d’une forte dégradation du climat sécuritaire au Mali. Une situation qui, à terme, risque d’accentuer la pression sur la junte malienne qui peine à sécuriser diverses zones stratégiques du pays.

 

Le Mali connait une flambée de violence, depuis plus d’une semaine, avec la multiplication des attaques attribuées au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe) lié à Al Qaeda. Le groupe terroriste né de la fusion de plusieurs entités en 2017 d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, pionnier du jihad sahélien, né en Algérie en 2007), les groupes Ansar Dine du Malien Iyad Ag Ghali et Al-Mourabitoune de feu Mokhtar Belmokhtar, et la Katiba Macina d'Amadou Koufa, ambitionne d’étendre son influence dans l’ouest et le sud du Mali.

Dans cette stratégie, le groupe a revendiqué l’attaque contre le camp militaire de Kati, le 22 juillet dernier. Ainsi, lors de cette journée, deux véhicules piégés ont foncé sur un bâtiment de l'armée à Kati, ville-garnison située à 15 km de Bamako, quartier général du chef de la junte malienne, Assimi Goita. L’attaque a été revendiquée par les djihadistes de la Katiba Macina, affiliée au GSIM. Cette attaque suicide commise avec deux camions piégés a tué au moins un soldat malien, fait six blessés, dont un civil, tandis que sept assaillants ont été "neutralisés" et huit autres arrêtés.

‘’Si votre droit est d’acheter des mercenaires [référence probable à Wagner], notre droit est de vous cibler’’, peut-on également lire dans le communiqué de revendication du GSIM datant du 23 juillet. La veille de l'attaque de Kati, six attaques coordonnées étaient simultanément lancées dans le centre et le sud du pays, à 5 h. Une première ! Ces régions du Sud et de l’Ouest (Sikasso, Koulikoro, Kayes), autrefois épargnées par les militants djihadistes, sont désormais une cible des groupes armés terroristes (GAT). Cette tentative d’expansion vers la partie australe du pays n’empêche pas les groupes liés à Al Qaeda de maintenir la pression sur l’armée malienne dans le centre du pays.

Selon les autorités maliennes, des tentatives d'infiltrations terroristes ont visé l'un des check-points du camp Hamadoun Bocary Barry dit ‘’Balobo’’ et de la cité de l'armée de l'air à Sévaré, aux environs de 1 h (heure locale) le  27 juillet dernier. Les ripostes ont été faites sur tous les mouvements suspects. Quelques jours plus tôt, les forces armées maliennes (Fama) ont indiqué avoir déjoué une tentative d'attaque du camp abritant la Garde nationale du Mali (GNM) de Sévaré, région de Mopti, le dimanche 24 juillet 2022, vers 5 h 40. Le bilan provisoire fait état d'un terroriste neutralisé, a assuré l'armée malienne.

Selon plusieurs spécialistes, ces opérations (embuscades, attaques suicides, explosion d’un engin explosif improvisé – IED -, enlèvements)  ont pour but de démontrer la capacité de projection des katibas djihadistes qui ne se limitent plus à des cibles militaires et gouvernementales en zone rurale et périurbaine, dans le nord et le centre du pays. Ils démontrent, avec cette attaque, leur capacité de nuisance loin de leurs zones d'opérations habituelles dans le centre du Mali où ces dernières semaines, l’armée malienne, accompagnée de paramilitaires russes, multiplie les opérations de sécurité qui ont fait des victimes parmi les civils, notamment lors de l’expédition de Moura, menée du 27 au 31 mars 2022.

Selon l'ONG Human Rights Watch, 300 civils ont été tués par les forces armées maliennes et des mercenaires russes du groupe Wagner dans le village de Moura, pendant cette période. Une version démentie par le gouvernement putschiste qui a refusé l’ouverture d’une enquête indépendante sur cet incident. Les analystes de la sécurité malienne avaient prévenu que ces opérations allaient générer des opérations vengeresses de la Katiba Macina.

La stratégie d’expansion des groupes djihadistes vers le sud et l’ouest du pays

Ces récentes attaques, bien que "leurs résultats soient modestes, compte tenu des moyens déployés", ont prouvé le "haut niveau de coordination" du GSIM et que l'alliance n'était pas qu'"une simple coalition de groupes disparates", estime Héni Nsebia, chercheur au sein du Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).  Cette coordination de la part des différents katibas du GSIM est permise par "une importante liberté de mouvement", note-t-il, due au "fait que le GSIM contrôle ou exerce une forte influence sur un vaste territoire de la sous-région, en particulier le long de la frontière entre Mali et Burkina". 

Les méthodes du GSIM, ajoute l'ONU, "contrastent avec la violence aveugle" de l'organisation État islamique, également active au Mali. Pour un spécialiste des groupes djihadistes à l'ONU, la stratégie du GSIM est de "fixer loin du nord du Mali l'attention et les forces armées maliennes. Et au sud du pays, d'utiliser la "même stratégie de contagion qui a réussi avec le Centre", au détail prêt que la nébuleuse peut désormais jouir des liens ténus entre katibas. 

En parallèle à ses opérations militaires, les responsables du GSIM tentent de substituer à l’État central malien en instaurant une gouvernance parallèle. Une politique qui cherche à obtenir l'adhésion des populations en promettant la sécurité, la justice islamique et un accès aux soins pour les populations du centre du Mali.

Le vide sécuritaire autour de la junte propice à la propagation de la menace vers le Golfe de Guinée  

Le départ des forces françaises de la mission Barkhane (fin 2021) et des forces européennes de Takuba (février 2022) ainsi que les tensions autour de la Mission des Nations Unies au Mali (Minusma) notamment depuis l’arrestation, le 10 juillet, des 49 Casques bleus ivoiriens considérés par la junte malienne comme des ‘’mercenaires’’, semblent avoir laissé un vide sécuritaire que les mercenaires russes du groupe Wagner peinent à combler. Cette intervention des mercenaires russes (un millier d’hommes) a provoqué une forte réaction des capitales occidentales qui considèrent ce groupe comme le bras armé du Kremlin en Afrique. 

Toutefois, plusieurs problématiques liées à des accusations d’exactions, de non-paiement de salaires des mercenaires russes en juin 2022 semblent avoir freiné leur montée en puissance à Tombouctou et à Sévaré. Dans le cas malien, des contreparties minières (concession de trois gisements d’or et de magnésium) étaient prévues pour s’attacher les services des paramilitaires russes ainsi que le versement de 9 millions d’euros par mois pour des missions de formation des Fama et de protection des dirigeants maliens.

À ce titre, le commandant de la force française Barkhane, le général Laurent Michon, a accusé, le 21 juillet dernier, le groupe paramilitaire russe Wagner de ‘’prédation’’, avec l’exploitation d’un site d’or.  Selon un récent rapport de l'ONU, cette nouvelle stratégie des GAT vise à consolider leur "couloir vers le Sud" avant de s'étendre vers la côte atlantique, notamment au Bénin et au Togo où les attaques se multiplient. Après la Côte d’Ivoire (Kafolo et Kolobougou, en fin décembre 2022), c’est désormais le Bénin, notamment près du parc W et le Togo qui sont devenus la cible des groupes djihadistes qui opèrent depuis le sud-est du Burkina Faso.

Tout récemment, des hommes armés présumés appartenir à des groupes djihadistes ont tué au moins 12 civils dans des villages dans la préfecture de Kpendjal, au nord du Togo. Une situation accentuant un peu plus la menace terroriste sur les pays du Golfe de Guinée désormais les nouvelles cibles d’Al Qaeda et l’État islamiste qui renforcent leurs sanctuaires dans la bande sahélienne.

MAKHFOUZ NGOM

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