Publié le 8 Nov 2015 - 02:46

Livre du Dr Papa Khaly Niang (DG ASP)

 

C’est ce matin que le Directeur général de l’Agence  d’assistance à la sécurité de proximité (Asp) va procéder à la cérémonie de dédicace de son ouvrage ‘’Sécurité de proximité : Mode d'emploi, l'expérience sénégalaise de la gouvernance sécuritaire de proximité’’. Enquête en publie quelques bonnes feuilles   

 

 Le rattachement ministériel et « militarité »de la Gendarmerie

Cette longue tradition dualiste, Police nationale dépendant du Ministère de l’Intérieur et la Gendarmerie nationale, du Ministère des Forces armées, sera rompue par la Loi d’orientation sur la sécurité intérieure qui consacre le rattachement organique de la Gendarmerie pour tendre vers une unité fonctionnelle, c’est-à-dire l’unité de commandement. Cette volonté de reconstitution de l’architecture sécuritaire de l’État doit faire appel à une large concertation sans remettre en cause le statut militaire de la Gendarmerie qui est non seulement culturel, mais aussi affectif. Cette expérience déjà vécue par la France ne s’est pas faite de manière facile. En France, même si lors de la campagne présidentielle de 2002, les deux principaux candidats, Jacques CHIRAC et Lionel JOSPIN avaient pris position en faveur de cette réforme, la modification du rattachement ministériel de la Gendarmerie à l’annonce de la composition du gouvernement RAFFARIN a, malgré tout, fait l’effet d’un électrochoc.

 Il est vrai que la question qui est posée dépasse le domaine purement politique et institutionnel. Il ne s’agit pas seulement de savoir qui commande la Gendarmerie, le ministre de la Défense ou son collègue de l’Intérieur. Ils sont nombreux, en effet, notamment dans les rangs de la Gendarmerie à redouter que cette réforme soit le préalable, le point de départ d’une démilitarisation déguisée ou non de la Gendarmerie, ce qui signifierait à terme, sa disparition par fusion dans un corps unique de Police à statut civil. Avec comme spectre la disparition de la Gendarmerie belge entamée au début des années 1990, ce scénario catastrophique comporterait alors les trois étapes suivantes : rattachement au Ministère de l’Intérieur, démilitarisation, intégration dans la Police nationale.

Les acteurs de la sécurité se diversifient de plus en plus au rythme du perfectionnement et de la complexité de la criminalité. Cependant, au Sénégal, la gestion de la sécurité ne suit pas ce rythme d’évolution. L’État n’a jamais été encore disposé à mettre en place une politique globale allant dans le sens de mutualiser les moyens humains et matériels, sous le même commandement. Or, la sécurité ayant un coût, elle mérite d’être rationalisée et repensée dans le cadre d’une loi qui harmonise les moyens matériels et humains. Il s’agit de penser à l’avenir, à faire en sorte que les forces de défense et de sécurité puissent s’adapter aux évolutions de la délinquance et de l’insécurité occasionnés, en partie, par le développement des nouvelles technologies. La police de proximité est une technique policière ou gendarmique, alors que la sécurité de proximité est l’affaire de tous. Pour la sécurité, le développement de nouvelles technologies doit être mis à profit dans tous les domaines intéressant l’activité des services, aussi bien des missions de sécurité générale que dans la lutte antiterroriste ou d’investigation judiciaire (traitement de l’information et des données statistiques, moyens de communication, observation et enregistrement,

vidéo protection, biométrie, matériel roulant, armement, matériels de protection, etc.).La Loi d’orientation sur la sécurité intérieure en gestation est-elle guidée par l’optimisation de la coopération et la complémentarité opérationnelle ou simplement pour un changement de paradigme sécuritaire voulant regrouper tous les acteurs régaliens sous la seule tutelle du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique ? Les avis sont partagés et parfois même, ils sont contradictoires. Mais, en tout état de cause, des pistes de solution peuvent être trouvées pour éviter toute difficulté dans la mise en œuvre opérationnelle de la réforme en vue.

 L’organisation opérationnelle ou rapprochement

Les préoccupations sécuritaires de notre pays sous le magistère du Président Macky SALL, ajoute au dispositif existant, une Gouvernance sécuritaire de proximité. La pluralité des acteurs et la Volonté d’assurer la sécurité par tous, pour tous et partout, exigent irréversiblement une nouvelle organisation. La stratégie adoptée porte sur une reconfiguration à travers une loi d’orientation de l’architecture sécuritaire du pays afin d’assurer une organisation de la coopération entre les acteurs et de mettre en place un organe de décision unifié .C’est ainsi qu’à côté des structures traditionnellement chargées de la sécurité publique, la Police nationale et la Gendarmerie nationale, d’autres telles que les Armées, la Douane, les Eaux et Forêts et les agents relevant de structures chargées de certaines missions de police judiciaires conformément au Code de procédure pénale, sont tout également concernés par la sécurité intérieure.

Dans cette nouvelle stratégie de sécurité intérieure, les pouvoirs du préfet de département devraient être renforcés dans le cadre de l’Acte 3 de la décentralisation qui consacre la départementalisation des politiques publiques. Il devient l’organe central d’animation et de coordination en matière de prévention de la délinquance. Il aura la possibilité de fixer les missions dans le domaine de la sécurité à l’ensemble des services déconcentrés et des forces dépendant de l’État. Dans le même sens, les gouverneurs devront coordonner l’action des Préfets des départements pour prévenir les événements troublant l’ordre public.

Le Conseil national de sécurité intérieur (CNSI) présidé par le président de la République détermine les orientations générales menées dans le domaine de la Sécurité intérieure et en fixe les priorités. Les objectifs nationaux définis et approuvés par le Gouvernement sont mis en œuvre par le ministre de l’Intérieur. C’est en tenant compte de ces nouvelles réalités et par souci de cohérence institutionnelle et d’efficacité stratégique et opérationnelle qu’il est envisagé de rattacher organiquement toutes les forces de sécurité au Ministère de l’Intérieur. La Gendarmerie nationale qui dépendait jusque-là du Ministère des Forces armées sera rattachée au Ministère de l’Intérieur dans le respect du statut militaire de son personnel et du Code de procédure pénale.

La volonté d’instituer un commandement unitaire des acteurs de la sécurité est à saluer. Toutefois, elle ne sera pas chose facile compte tenu de l’histoire très ancienne de la Gendarmerie nationale et de l’importance de son effectif ainsi que de son maillage national.

Pour faciliter la mise en œuvre de cette réforme, il est nécessaire de répertorier l’ensemble des textes relatifs au statut militaire du personnel de la Gendarmerie. En France, le premier symbole de la mise en synergie des acteurs de la sécurité est intervenu progressivement dès 2002 lorsque la Gendarmerie avait été placée pour emploi, auprès du Ministère de l’Intérieur. On se rappelle encore la première fois qu’on a positionné un policier et un gendarme devant la grande grille de la Place Beauvau.

La France est allée du rapprochement au rattachement. En effet, la cohabitation géographique a été opportunément une première exigence, imposant à certains services de Police jusque-là locataires de Place Beauvau de s’en éloigner pour laisser l’espace libéré au cabinet du Directeur général de la Gendarmerie nationale. Les Directeurs généraux de la Police et de la Gendarmerie se trouvent en toute proximité du ministre, de son Directeur de cabinet et de son

Secrétaire général. La proximité géographique et fonctionnelle aura donné, à chaque partie, l’occasion de découvrir l’autre, d’apprendre à le connaître, à s’imprégner de sa culture tout en refusant toute acculturation de l’un aux dépends de l’autre. En somme, ce rapprochement a permis de s’apprécier mutuellement.

C’est la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative au rattachement qui définit les forces de Police. En réalité, le rattachement s’est inspiré de la Loi d’orientation et de programmation de la sécurité n° 95-73 du21 janvier 1995 qui a confié au préfet le droit de fixer les missions et de veiller à la coordination de l’action des deux forces de sécurité, en matière de police administrative et d’ordre public. Le Livre Blanc a tiré les leçons des mesures d’ordre interne arrêtées dès 2002 qui ont placé l’emploi de la Gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’Intérieur pour ces missions de sécurité intérieure (rapprochement).

C’est elle, en effet, qui a largement inspiré la subtile alchimie de la loi du 3 août 2009 relative au rattachement. Au Sénégal, le projet de Loi d’orientation sur la sécurité intérieure prévoit le rattachement de la Gendarmerie au Ministère de l’Intérieur afin de rapprocher les forces de sécurité et d’opérer une mutualisation des moyens humains et matériels. Elle vise, entre autres, à renforcer les pouvoirs du préfet qui dispose désormais, sous son commandement, dans son département, des forces de sécurité, à la condition de respecter le statut militaire de la Gendarmerie. Ce rattachement est envisagé du point de vue organique et opérationnel pour assurer naturellement la cohérence et l’efficacité du dispositif de sécurité intérieure. Cependant, il ne faudra pas négliger l’exploitation d’une autre possibilité qui, à notre sens, aboutira au même résultat.

Il est possible de rapprocher les forces de défense et de sécurité par la création d’un Ministère de la Sécurité intérieure et des Libertés publiques. Cette option présente l’intérêt de mieux spécialiser les forces de sécurité sur des activités proprement policières. Avec l’évolution de la criminalité qui devient de plus en plus professionnelle, les forces de défense et de sécurité ont besoin, plus que par le passé, de formations plus poussées et plus spécialisées pour faire face aux nouvelles menaces. De plus, la création d’un tel Ministère permettra à chacune de ces forces de garder son identité culturelle et affective par rapport à son statut de base. Il existera alors une Police nationale à statut civil, et une Gendarmerie nationale à statut militaire en cohabitation au sein d’un Ministère de la Sécurité intérieure et des Libertés publiques.

Là, on parlera de rapprochement au lieu de rattachement. Avec ce choix, la réquisition devrait être assouplie afin de permettre aux préfets de disposer des différentes forces de sécurité sans passer par des procédures très lourdes et parfois contraignantes. Il ressort des dispositions de l’article 1er du décret no 74-571 du 13 juin 1974portant règlement sur l’emploi et le service de la Gendarmerie que« cette arme constitue la seconde branche de la force publique, du fait de sa mission qui consiste, entre autres, à veiller à la sûreté publique, assurer le maintien de l’ordre public et l’exécution des lois et règlements… ». L’article 2 dudit décret dispose que « la Gendarmerie, compte tenu de son organisation militaire et de la nature mixte de son service est mise en mouvement sur demande de concours ou sur réquisition par toutes les autorités habilitées à l’employer ». (…)

 

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