L’absence de volonté des pays du Sahel décriée
Alors que les États du Sahel, y compris le Sénégal, ont de plus en plus tendance à accorder plus de part de leur budget à la sécurité au détriment des services essentiels de base comme l’éducation et la santé, pendant que les institutions de Bretton Woods prônent de plus en plus des mesures d’austérité, Oxfam et les organisations de la société civile alertent et invitent les États à accorder plus d’attention aux services essentiels de base, maillon essentiel de la lutte contre l’insécurité.
Année après année, les inégalités se creusent dans les différents pays du Sahel. Le Sénégal ne fait pas exception. Il résulte d’une étude faite par Oxfam que les pays de cette région sont au bas de l’échelle, en matière de lutte contre les inégalités. Dans le classement par région présenté par Aminata Mbengue, la zone sahélienne occupe la dernière place avec un score de 0,22, loin derrière la zone Afrique du Sud qui occupe la première place avec un score de 0,84 ; l’Afrique du Nord 0,49 ; l’Afrique de l’Est 0,35 ; l’Afrique centrale 0,32.
Selon l’étude, il y a un réel besoin pour les pays du Sahel d’investir davantage dans les services essentiels de base pour réduire les inégalités. Ce qui est loin d’être le cas dans la plupart des pays. Oxfam a étudié de près les investissements dans trois secteurs principaux : éducation, santé, protection sociale et agriculture, pour déterminer quelles parts des budgets sont allouées par les États à ces domaines névralgiques.
Pour le cas du Sénégal, il est ressorti de l’enquête que des efforts importants ont été faits dans les domaines notamment de l’éducation, mais beaucoup reste à faire dans la plupart des autres secteurs essentiels, quand on parle de lutte contre les inégalités.
Ainsi, dans le domaine de l’éducation, le Sénégal a dépassé la barre des 20 % du budget qui constitue une moyenne mondiale. Pour ce qui est des parts de budget consacrées à la santé, le pays est loin des standards internationaux avec un pourcentage qui peine à attendre 8 % du budget.
Cependant, il y a un paradoxe qui est presque spécifique au Sénégal. Le pays, selon les résultats de l’étude, consacre près de 15 % de son budget à la protection sociale, contre moins de 7 % pour un domaine comme l’agriculture, soit moins de deux fois le montant alloué à la protection sociale.
Notons qu’en matière d’éducation, le Burkina fait aussi partie des bons élèves, là où la plupart des pays de la région peine à atteindre la barre des 20 %. Le ‘’Pays des hommes intègres’’ est également le seul État à consacrer au moins 10 % de son budget à la santé, conformément aux standards de l’UA, alors que le Mali, lui, est conforme pour ce qui est du secteur agricole.
Le rapport donne quelques explications à ce retard criant dans la plupart des services de base. Outre les politiques fiscales très peu performantes, qui ne parviennent pas à mobiliser suffisamment de ressources et qui pénalisent plus les ménages, il a été mis en exergue la propension des États à investir plus dans des domaines comme la sécurité, évinçant ainsi les services essentiels susmentionnés.
La chargée de programme à Oxfam, Aminata Mbengue, a particulièrement insisté sur cet aspect pour démontrer comment l’insécurité galopante peut-elle contribuer à accentuer les inégalités.
Il résulte, en effet, de sa présentation que les pays de la zone sahélienne consentent d’énormes efforts à la défense et à la sécurité. Et sous ce chapitre, c’est le Tchad, bon dernier dans la plupart des indicateurs de pauvreté, qui s’illustre le plus.
Selon les chiffres d’Oxfam, le pays consacre plus de 21 % de son budget à la sécurité. Il occupe une ‘’honorable’’ place de 7e dans le classement des pays qui consacrent le plus de pourcentage de leur budget à la sécurité. Un classement fait sur un échantillon de 143 pays et qui concerne les budgets 2022. Le Sénégal arrive loin derrière avec un pourcentage de 6,7 % de son budget de 2022 consacré à la sécurité (48e mondial).
Outre le Tchad, le Burkina Faso et le Mali, en proie à des situations d’insécurité, consacrent respectivement 12,4 % et 11,6 % de leur budget à la sécurité. Ils occupent respectivement les 16e et 21e rangs du classement mondial.
En ce qui concerne l’indice qui mesure l’engagement des États à lutter contre la pauvreté, le Sénégal occupe la 7e place dans la zone CEDEAO, 25e en Afrique et 127e dans le monde.
Par ailleurs, la consultante a aussi fustigé les mesures d’austérité imposées dernièrement par les institutions de Bretton Woods aux États et qui sont de nature à faire augmenter les inégalités, en réduisant les investissements dans des secteurs essentiels. ‘’Pour les 14 pays de la CEDEAO, des coupes de 26,8 milliards de dollars sont prévues d’ici 2026’’, regrette Mme Mbengue qui, par ailleurs, recommande ‘’l’adoption des politiques de fiscalité progressive, le renforcement des impôts sur la richesse, la lutte contre l’évasion fiscale (juste les impôts pour les multinationales) et les contre-mesures concernant les paradis fiscaux, de revisiter les conventions fiscales existantes et lutter contre les flux financiers illicites’’.
Les ressources glanées devraient servir, selon elle, à ‘’investir plus dans des services publics universels de haute qualité (20 % des budgets publics à l’éducation primaire et secondaire gratuite, un minimum de 15 % des budgets publics au financement d’un secteur de la santé publique), à adopter des programmes universels de protection sociale…’’.