Des urgences en souffrance
La région de Matam a le privilège de disposer de trois hôpitaux dans sa circonscription administrative. Un atout qui, dans les faits, n’a pas l’impact escompté sur la santé des populations. La prise en charge dans les urgences est parasitée par des contraintes majeures, dont le manque de personnel qualifié. Les routes impraticables dans la région et le recours à la médecine traditionnelle font que le taux de mortalité est élevé parmi les malades admis aux urgences.
C’est devenu une habitude, une vieille habitude qui n’est pas près de disparaître. Pour bénéficier de soins de qualité, les populations préfèrent se rendre à Dakar ou dans les autres régions, notamment pour les cas d’extrême urgence. Au centre hospitalier régional de Ourossogui, le Service des urgences est bien opérationnel. Un médecin-urgentiste, un seul, est à la charge des patients qui pourraient affluer à n’importe quelle heure. Le service a été réhabilité, il y a un peu plus de deux ans, du temps de l’ancien directeur Mamadou Ndiaye. L’actuel ministre de la Justice, Me Malick Sall, fils du terroir, avait financé les travaux pour le grand soulagement des patients qui étouffaient de promiscuité.
L’hôpital régional de Ourossogui, qui est de niveau 2 comme celui de Matam, du fait de la position carrefour de la ville qui l’abriteaccueille un grand nombre de patients. Des malades quittent la Mauritanie, traversent la ville de Matam et l’hôpital qui y est implanté pour aller solliciter les soins prodigués par l’EPS de Ourossogui. Selon le directeur, Dr Ousmane Guèye, le service des urgences abat un travail remarquable, grâce aux prestations chirurgicales du personnel. Le médecin-urgentiste, épaulé par un réanimateur, un gynécologue et un pédiatre, parvient à abréger assez rapidement les souffrances des patients admis.
Plus de 10 000 patients consultés dans le service des urgences, en 2021
Selon la direction de l’hôpital, en 2021, plus de 10 000 patients avaient été consultés dans le service des urgences. Et 750 ont été admis en soins intensifs, pour un taux de mortalité de 16 %. Un taux qui paraît élevé, mais qui est en baisse, comparé aux deux années précédentes.
Cependant, la vétusté des bâtiments est un point noir sur le tableau reluisant présenté par le directeur, au point d’être érigée en priorité urgente par l’administrateur.
La mort qui survient parfois dans le service des urgences est relativement importante. Une situation qui s’explique par le fait que la majeure partie de la population vit dans les zones rurales. Ces populations sont très réfractaires à l’idée d’aller vers les structures de santé à la moindre pathologie. Le recours à la médecine traditionnelle est plus qu’une réalité dans ces localités dont les premiers maux se nomment enclavement et indigence.
Les routes ou les couloirs de la mort
Avec une superficie de 29 000 km2, Matam est une vaste région avec des habitants bien éparpillés sur le territoire. Au village de Dondou, dans la commune de Bokidiawé, l’accès aux structures de santé est une vieille doléance. Les populations ont multiplié les marches de protestation pour réclamer le butimage de la route du Dandé Mayoo. Farmata raconte le sinistre quotidien des femmes enceintes pour rallier les hôpitaux.
‘’Ce que vivent les femmes de Dondou et du Dandé Mayoo, en général, est indescriptible. Ces derniers temps, on parlait de la femme qui a perdu la vie à l’hôpital de Louga, un cas isolé. Chez nous, c’est presque notre quotidien. Beaucoup de femmes meurent au moment d’accoucher, à cause de l’état catastrophique de la route. Les routes sont cahoteuses et impraticables. Quand la situation est critique, au moment des évacuations vers les hôpitaux de Ourossogui ou de Matam, la femme finit par perdre la vie, à cause des secousses qui jalonnent les 35 km à parcourir’’, témoigne-t-elle.
Déficit de personnel
Les médecins réussissent souvent la prouesse majuscule de sauver des patients dont le pronostic vital était nettement engagé, au moment d’atterrir en urgence. Ils sont seuls dans leur spécialité, ce qui occasionne quelques soucis, quand ils s’absentent. D’où le cri du cœur de docteur Ousmane Guèye : ‘’Nous voudrions prioritairement un autre gynécologue et un autre réanimateur, pour mieux assurer la santé des patients. Quand il y a souvent des cas de décès, notamment en néonatalogie, c’est parce que le gynécologue est absent ou qu’il est débordé par le nombre de patientes’’, explique le responsable de l’EPS de Ourossogui.
Ainsi, pour pallier ce gap, le directeur ne s’est pas ménagé pour rendre attractive sa structure. Des conditions optimales sont proposées aux médecins stagiaires durant leur séjour. Au-delà du logement offert, ils percevront au minimum 190 000 F, en plus des motivations mensuelles.
Avec l’hôpital de grand standing promis par le chef de l’État Macky Sall, pour un coût de 22 milliards, la situation dans les services d’urgence va sûrement s’améliorer et les populations commenceront à bousculer leurs habitudes, en restant dans la région, pour bénéficier de soins de qualité et sauver les leurs admis en soins intensifs.
DJIBRIL BA (MATAM)