Publié le 17 Mar 2025 - 10:02
ABUS ET VIOLENCES CONTRE LES ENFANTS

Ce que dit le Code pénal

 

Pourtant le Sénégal dispose d’un très solide cadre juridique pour la protection des enfants contre les abus et les violences. Ainsi le Code pénal sénégalais prévoit des sanctions sévères contre les auteurs de violences sexuelles, y compris les attouchements sur mineurs. En son article 320, il est réprimé toute forme d’agression sexuelle et prévoit des peines pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle.

La protection des enfants est également renforcée par le durcissement des peines pour les crimes et délits commis contre eux par la Loi n° 99-05 du 29 janvier 1999. La Loi sur la traite des personnes et les pratiques assimilées de 2005 incrimine également toutes formes d’exploitation, y compris les abus sexuels sur les enfants.

Dans les dispositifs juridiques mis en place, il y a aussi la ratification des conventions internationales. Le Sénégal a signé et ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ainsi que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, renforçant ainsi son engagement pour leur protection.  Il est également déroulé le Plan national d’action pour la protection de l’enfance. Un plan qui vise à prévenir et à lutter contre toutes les formes de violences faites aux enfants, en mettant en place des mécanismes d’alerte et d’accompagnement des victimes.

Cependant, malgré ces dispositions, l’application des lois reste un défi majeur en raison du manque de moyens, de la réticence à dénoncer et de certaines pesanteurs socioculturelles. Raison pour laquelle, tous les acteurs appellent à privilégier la prévention et la sensibilisation. 

Pour Fatma Sy Barro, point focal institutionnel au sein du Comité départemental de Protection de l'Enfant (CDPE), même si les peines sont durcies, il ne s'agit pas uniquement de cela. « C'est vrai, il est important de durcir les sanctions liées à ces infractions pour dissuader. Mais il y a d’abord une population à préparer, à former, à sensibiliser au plan communautaire, au plan sociétal, pour les amener à un changement de mentalité. C'est de cela qu'il s'agit. Le changement de mentalité est une chose très difficile mais pas impossible. Mais c'est la seule voie pour pousser les populations à dénoncer et signaler à temps les abus auxquels les enfants sont confrontés. Que ce soit le viol, que ce soit la maltraitance, ce sont des phénomènes de société auxquels il faut faire face » a soutenu Mme Barro.

« La prévention est essentielle »

Avant d’inviter les parents et les citoyens à plus de vigilance et à dénoncer systématiquement tout comportement suspect. « La prévention est essentielle. Nous devons éduquer nos enfants sur leurs droits et sur la manière de réagir face à une situation d’abus. Nous devons tous être des protecteurs de l’enfance. Chaque signalement peut sauver une victime potentielle. C’est pourquoi très prochainement des campagnes de sensibilisation et des ateliers de renforcement de capacités seront organisés au profit des enfants et des acteurs communautaires pour les informer des dangers et leur inculquer les bonnes pratiques en matière de protection de l’enfance », ajoute Fatima Sy Barro.

Un avis que partage d’autres acteurs intervenant dans le CDPE de Saint-Louis. A en croire le président de l’association d’aide aux personnes vulnérables (2APV), leur organisation de défense des droits des enfants prévoit de mener des campagnes de sensibilisation dans les écoles et garderies publiques pour inculquer aux jeunes enfants les bonnes manières leur permettant de signaler tout cas suspect.

« Les campagnes de prévention doivent être renforcées et les parents, les enseignants, les acteurs communautaires ainsi que les autorités publiques doivent redoubler de vigilance pour repérer les signes de maltraitance et de violences sexuelles. L'installation de dispositifs de sécurité dans les lieux publics, comme des caméras de surveillance ou un meilleur éclairage des ruelles, pourrait aider à dissuader les prédateurs. Des peines sévères doivent être appliquées, et la justice doit être prompte à réagir afin de donner un message fort pour qu’aucun acte de violence sexuelle contre un enfant ne soit toléré », insiste Adama Coundoul.
 

DR IBOU DIÉMÉ (PSYCHOLOGUE)

‘’Les séquelles que peuvent causer les violences sexuelles sur les enfants…’’

Selon le psychologue, Dr Ibou Diémé, ces traumatismes peuvent se manifester de différentes manières. « Les enfants victimes d’agressions sexuelles peuvent développer une peur excessive des interactions sociales. Ils peuvent aussi développer une dépression et des troubles émotionnels en ressentant une tristesse profonde, un sentiment de culpabilité ou de honte. Les violences sexuelles et de maltraitance peuvent altérer la capacité des victimes à faire confiance aux adultes et même à leurs proches et provoquer une baisse de leur concentration et une démotivation de leur parcours éducatif. Malheureusement, elles traînent après des troubles du comportement. Ce sont des enfants qui développent des comportements agressifs ou se replient sur eux-mêmes », signale Dr Diémé.

Pour le spécialiste, sans une bonne prise en charge de la victime dans des structures adaptées, les conséquences sont souvent très fâcheuses. « Prenons l’exemple du cas des victimes d’inceste. L'inceste est l'une des formes les plus graves de violence sexuelle et peut laisser des séquelles profondes chez les victimes, notamment lorsqu'elles sont mineures. Lorsqu'une jeune fille est victime d’inceste, elle peut ressentir une multitude d’émotions complexes et contradictoires. La confusion, la honte, la culpabilité et la peur sont des sentiments courants. L'enfant peut développer une image d’elle-même dévalorisée et souffrir de troubles de l’estime de soi. D’autres symptômes peuvent inclure des comportements autodestructeurs comme l’automutilation, une dissociation émotionnelle, un mécanisme de défense qui lui permet de survivre à l’horreur de l’abus’’.

Dr Ibou Diémé ajoute : ‘’A long terme, si la victime ne reçoit pas un accompagnement psychologique adapté, les séquelles du traumatisme peuvent s’étendre jusqu’à l’âge adulte et affecter différents aspects de sa vie. De nombreuses femmes ayant subi l’inceste dans leur enfance peuvent développer des troubles de la personnalité ou des addictions pour tenter d’anesthésier leur douleur’’.

Également, explique le psychologue, ‘’l’abus sexuel peut engendrer une profonde méfiance envers les autres, en particulier envers les hommes. Les victimes d’inceste peuvent avoir des difficultés à nouer des relations amoureuses saines, soit en développant une dépendance affective, soit en fuyant toute intimité. 

Elles peuvent également développer une aversion pour la sexualité, tandis que d’autres peuvent adopter des comportements à risque, confondant sexualité et validation personnelle. Chez les victimes aussi, devenir mère peut réveiller des souvenirs douloureux et des angoisses profondes. La peur de reproduire un schéma familial dysfonctionnel ou de ne pas être à la hauteur en tant que parent peut entraîner un stress intense et une difficulté à établir un lien sécurisant avec son enfant. Vous voyez que cette forme de maltraitance psychologique est beaucoup plus sournoise que la maltraitance physique ».


LAMINE SOW, SOCIOLOGUE

 ‘’Notre société est malade et nous refusons de la soigner…’’

Pour le sociologue Lamine Sow, les agressions sexuelles et la maltraitance sur des enfants trouvent leur origine dans plusieurs facteurs sociaux et culturels de notre société. Il analyse la recrudescence de ces dernières dans la ville de Saint-Louis sous plusieurs angles. « Notre société est malade et nous refusons de la soigner avec les remèdes qu’il faut.

Tant que nous ne dépassons pas ces histoires de « soutoura » au détriment de la victime, nous ne sortirons jamais de ce cercle vicieux.  Les cas traités et portés sur la place publique ne représentent qu’une très petite portion des cas de viols et de maltraitance exercés sur des enfants à l’intérieur des familles. L’impunité et la tolérance sociale face aux violences faites aux enfants créent un terreau favorable à ces abus.

Trop souvent, les victimes n’osent pas parler par peur de stigmatisation ou de représailles. Au moment où les grandes personnes gèrent la situation en interne pour des raisons d’honneur de la famille. Souvent on préfère garder sous silence les délits, au détriment de la victime qui, durant toute sa vie, est handicapée par ces problématiques », explique M. Sow.  

Il insiste aussi sur la nécessité de promouvoir une éducation sexuelle adaptée dès le plus jeune âge afin d’aider les enfants à identifier les comportements inappropriés et à signaler toute situation suspecte. « Il faut briser le tabou autour de ces questions et encourager une culture de la protection et de la dénonciation.

Nos sociétés ont des réalités sociales, qui font qu’on privilégie l'honneur d'une famille ou d'une personne au détriment d’une victime innocente et désemparée, qui demande à être accompagnée. C'est cette absence de dénonciation, de signalement qui fait perdurer cette problématique. Malheureusement, les conséquences sont incalculables par rapport au devenir des victimes » a-t-il indiqué.

Section: 
AGRESSIONS SEXUELLES ET MALTRAITANCE A SAINT-LOUIS Des fléaux qui détruisent la vie de milliers de jeunes enfants
ENTRETIEN AVEC KHADIM NDIAYE, CHEF DU SERVICE REGIONAL DU COMMERCE DE THIES ‘’Assurer un approvisionnement stable et contrôlé durant le ramadan’’
SAINT-LOUIS : SITUATION DU MARCHÉ À LA VEILLE DU RAMADAN : Entre préoccupations des populations et assurances des autorités
HAUSSE DES PRIX DES DENRÉES DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ Une préoccupation croissante à l'approche du Ramadan
ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : La pensée de Baye Laye sur la question
QUÊTE DE POIDS CHEZ LES FEMMES : Belles à tout prix
MEISSA DIÈYE - COMMISSAIRE EN SERVICE À LA DIVISION DE LA CONSOMMATION : “Ces produits sont généralement introduits de manière frauduleuse”
THIÈS - IMPACT DE LA GRÈVE DES TRAVAILLEURS DES COLLECTIVITÉS LOCALES : Tout le monde trinque
DÉCLARATIONS DE NAISSANCE, MAIRIE DE SICAP MBAO : Le calvaire des parents
LINGUÈRE – GREVE DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : Les agents n’excluent d’entrer dans la danse
SAINT-LOUIS : POUR SE PROCURER UN ACTE ADMINISTRATIF : Les usagers galèrent dans les centres d’état civil
PIROGUE AU LARGE DE DAKAR : Plusieurs indices mènent à Mbour  
DRAME DE L’ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE : Le drame de trop !
DRAME ÉMIGRATION CLANDESTINE : La police de Saint-Louis interpelle 20 candidats et 4 présumés trafiquants
DRAME ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE : Les causes potentielles des drames
TATOUAGES ET PIERCINGS : L’essor d’une tendance controversée
SOULEYMANE TÉLIKO : Le juge dissident
CONDAMNÉ À SIX MOIS D’EMPRISONNEMENT FERME : O. Sylla a détourné 15 millions F CFA de son employeur pour se marier  
ADDICTION AUX TÉLÉPHONES PORTABLES : Quand l'appareil devient un ami inséparable
PORTRAIT DU FONDATEUR DU MOURIDISME : Serigne Touba : de sa naissance à son rappel à Dieu