Publié le 23 Mar 2025 - 02:56
CRISE DE COMMERCIALISATION DANS LA ZONE DES NIAYES

Diagnostic d’un mal profond

 

La zone des Niayes fait face à un défi majeur qui freine son développement : le manque d’infrastructures de stockage adaptées, notamment des chambres froides, pour réduire les pertes post-récoltes.

 

Selon le président de la filière oignon à Thiès et vice-président de l’Interprofession oignon du Sénégal (Ipos), Aly Ndiaye, la carence en équipements de conservation adéquats constitue un véritable frein à la compétitivité des producteurs locaux et nuit à la rentabilité de l’ensemble du secteur. La zone des Niayes, connue pour sa productivité agricole, est une région clé dans la production d’oignon, de pomme de terre et d’autres légumes.

Cependant, l'absence de chambres froides adaptées empêche de nombreux producteurs de stocker leur production dans des conditions optimales. Une fois récoltés, ces produits périssables doivent être conservés à une température contrôlée pour maintenir leur qualité et prolonger leur durée de vie sur le marché. "Le manque de chambres froides est un obstacle majeur pour nos producteurs. Les pertes post-récoltes sont considérables, car la majorité de la production ne peut pas être stockée correctement et se détériore rapidement", explique Aly Ndiaye.

Ce problème est particulièrement pertinent en période de surproduction, lorsque les marchés sont saturés et que les prix chutent, laissant les producteurs avec des stocks invendus. Alors, ils se retrouvent contraints de vendre leurs récoltes à des prix très bas, faute de pouvoir les conserver et les écouler progressivement sur le marché. ‘’Cela affecte non seulement les revenus des producteurs, mais met également en péril la viabilité des exploitations agricoles, en particulier dans les zones rurales où l’agriculture représente une source principale de revenus. Si nous pouvions stocker nos produits dans de bonnes conditions, nous pourrions écouler nos récoltes plus lentement, à un prix plus stable, ce qui améliorerait considérablement nos marges et assurerait une meilleure rentabilité pour nos exploitations", poursuit Aly Ndiaye.

Pour résoudre ce problème, il appelle les autorités compétentes et le secteur privé à investir dans des infrastructures de stockage modernes, notamment des chambres froides. Il souligne que de telles infrastructures permettraient non seulement de réduire les pertes post-récoltes, mais aussi de renforcer la compétitivité du secteur agricole sénégalais sur le marché national et international.

Aly Ndiaye plaide également pour une collaboration renforcée entre les producteurs, les pouvoirs publics et le secteur privé dans le développement de ces infrastructures. Il suggère que des partenariats public-privé (PPP) pourraient être un moyen efficace de financer ces projets et d'assurer leur mise en place rapide.

CRISE DE COMMERCIALISATION DANS LA ZONE DES NIAYES

Diagnostic d’un mal profond

La zone des Niayes, connue comme le grenier agricole du Sénégal, traverse une crise majeure liée à la commercialisation de ses produits. Cette année, une surproduction de pomme de terre et d’oignon a plongé les producteurs locaux dans une situation critique, avec des quantités excédentaires qui peinent à être écoulées sur le marché. Cette crise met en péril la rentabilité des exploitations agricoles locales et fragilise l’économie de la région, pourtant considérée comme l’un des pôles agricoles les plus importants du pays.

En arrière-plan, plusieurs facteurs aggravent cette situation de crise. Parmi les principaux défis, on retrouve le coût élevé de l’exploitation agricole, l’absence de greniers de stockage adaptés et l’absence de moyens pour préserver les produits. Mais le problème majeur réside dans la concurrence déloyale des grandes industries de l’agrobusiness, souvent étrangères, qui disposent de ressources financières importantes et bénéficient d’un accompagnement de l'État sous forme de subventions, de financements et d’exonérations fiscales sur leur matériel agricole.

Ces acteurs privés accaparent des terres agricoles en grande quantité, ce qui exerce une pression supplémentaire sur le marché, au détriment des petits producteurs locaux.

Mor Niang, directeur général d’Africa Global Solution et promoteur de Niayes Agro, exprime son inquiétude face aux difficultés rencontrées par les producteurs agricoles de la zone des Niayes, véritable grenier agricole du Sénégal. La zone des Niayes, traditionnellement perçue comme un pilier pour la production de légumes, notamment la pomme de terre, l’oignon, l’aubergine, la tomate, la carotte et le poivron, entre autres, est confrontée à des problèmes structurels liés à la commercialisation de ces produits, exacerbés par des pratiques de concurrence déloyale et une régulation insuffisante du marché.

Cette année, la zone des Niayes a connu une surproduction de pomme de terre, d’oignon, de carotte… mais les petits producteurs peinent à écouler leur production. Selon Mor Niang, ce surplus a plongé les agriculteurs dans une situation difficile, où ils se retrouvent avec des produits qui risquent de pourrir dans les champs faute d’un marché structuré et d’une commercialisation efficace. ‘’Il y a un véritable blocage sur le marché, car les producteurs n’arrivent pas à vendre leurs récoltes à des prix rentables. Pendant ce temps, les grands agrobusiness, bénéficiant d’importantes exonérations fiscales et d’un soutien de l'État, dominent le marché, laissant les petits producteurs dans une position désavantageuse’’, se désole Mor Niang.

Un autre problème majeur soulevé par l'opérateur économique concerne la concurrence déloyale. Selon lui, ces entreprises disposent de moyens considérables et bénéficient de conditions favorables de la part de l'État, notamment à travers des exonérations fiscales sur les équipements agricoles et des subventions qui leur permettent de contrôler une grande partie des terres agricoles et de dominer le marché. Il dénonce la concentration excessive des terres agricoles et des moyens de production au profit de ces grands acteurs économiques, qui font pression sur les petits producteurs, rendant la situation encore plus précaire pour ces derniers.

Plusieurs rencontres pour trouver des solutions durables

Face à cette crise, plusieurs initiatives ont été prises pour alerter les autorités et trouver des solutions. Des rencontres ont été organisées avec l'Agence de régulation des marchés, des conférences de presse ont eu lieu et des groupes de discussion sur WhatsApp ont été formés afin de sensibiliser et de coordonner les actions des différents acteurs de la filière. Ces rencontres ont permis d'identifier un calendrier de commercialisation, en partenariat avec les agrobusiness, afin de désengorger le marché et permettre aux petits producteurs d’écouler leurs produits. Mor Niang rappelle que ces solutions doivent être mises en place de manière urgente pour éviter que la situation ne devienne incontrôlable.

Il insiste sur la nécessité d’une régulation plus stricte du marché agricole dans la zone des Niayes et au Sénégal en général. Il appelle les autorités à prendre des mesures pour garantir une distribution équitable des ressources et des opportunités entre les petits producteurs et les grandes entreprises agroalimentaires.

Selon lui, un meilleur encadrement des pratiques agricoles, une régulation des prix et un soutien renforcé à la production locale permettront de renforcer la résilience de l’agriculture sénégalaise et d’assurer une croissance durable pour tous les acteurs du secteur.

La situation semble avoir trouvé une première issue après la visite du ministre du Commerce dans la zone des Niayes, la semaine dernière. Selon Mor Niang, le ministre a pris conscience des difficultés rencontrées par les producteurs et a annoncé plusieurs mesures, notamment l’engagement des agrobusiness à décongestionner le marché. Ces derniers auraient accepté de stocker leurs produits sous conditions de froid, pour permettre aux petits producteurs de vendre leur production et ne pas être complètement marginalisés sur le marché.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

MODERNISATION ET STRUCTURATION DU SECTEUR AGRICOLE AU SÉNÉGAL

Aly Ndiaye propose des solutions innovantes pour la filière oignon, pomme de terre…

Dans le cadre des réformes nécessaires pour moderniser le secteur agricole sénégalais, Aly Ndiaye, président régional de la Filière oignon à Thiès et vice-président de l’Interprofession oignon du Sénégal (Ipos), a mis en avant plusieurs propositions stratégiques pour améliorer la productivité et la compétitivité de la filière oignon, clé dans l’autosuffisance alimentaire du pays.

Le Sénégal possède un énorme potentiel agricole et a besoin, pour l’année 2025, de 130 000 t de pomme de terre et de 350 000 t d’oignon pour la consommation de sa population. Mais la dépendance à des systèmes d’irrigation traditionnels limite la productivité. Selon Aly Ndiaye, les méthodes actuelles, qui nécessitent une main-d’œuvre abondante et engendrent des coûts importants, ne permettent pas d’exploiter tout le potentiel des terres cultivables.

Pour y remédier, il plaide pour l’introduction de systèmes d’irrigation modernes, comme le goutte-à-goutte et les pivots centraux, qui permettent une gestion plus efficace de l’eau et favorisent des rendements plus élevés. En remplaçant les systèmes manuels et peu efficaces, ces méthodes réduiraient non seulement les coûts de production, mais aussi la dépendance aux aléas climatiques, garantissant ainsi une meilleure résilience face aux sécheresses.

L’accès aux machines agricoles et la coordination avec les fournisseurs d’intrants : une nécessité pour optimiser la production

L'un des autres obstacles majeurs à la croissance de la filière reste l'accès limité des producteurs aux machines agricoles modernes. Tracteurs, semoirs et autres équipements sont essentiels pour augmenter la productivité des exploitations.

Cependant, comme l'indique Aly Ndiaye, les programmes de dotation en matériel agricole peinent à atteindre les vrais bénéficiaires, notamment les petits producteurs. Il propose de repenser la stratégie de distribution de ces équipements en optant pour une approche plus transparente et directe. La digitalisation des processus de demande et de distribution pourrait permettre une meilleure allocation des machines agricoles.

De plus, la mise en place de programmes de financement et de location d’équipements offrirait aux producteurs l’opportunité d’accéder à ces outils sans alourdir leur budget, rendant leur exploitation plus compétitive et rentable.

À ses yeux, la réussite des campagnes agricoles est directement liée à la disponibilité en temps et en heure des intrants, tels que les engrais et les semences. Or, chaque année, des retards dans l’approvisionnement des producteurs en ces intrants viennent perturber le bon déroulement des saisons agricoles.

Ainsi, Aly Ndiaye plaide pour une collaboration renforcée entre l’État, les fournisseurs et les producteurs afin de mieux anticiper les besoins en intrants et éviter les retards. Une gestion plus fluide et anticipée de la chaîne d’approvisionnement permettrait de garantir que les producteurs disposent des ressources nécessaires dès le lancement de la saison agricole.

Mise en place d’infrastructures de stockage modernes

L’un des grands défis pour les producteurs d’oignon, de pomme de terre et autres cultures maraîchères réside dans le manque d’infrastructures de stockage adaptées. La mauvaise gestion post-récolte entraîne de nombreuses pertes et une volatilité des prix sur le marché empêche les producteurs de maximiser leurs profits.

Aly Ndiaye souligne que pour assurer une autosuffisance durable et réduire la dépendance aux importations, le Sénégal doit investir massivement dans des infrastructures de stockage modernes. Il préconise une collaboration étroite avec le secteur privé pour développer des solutions en partenariat public-privé (PPP) qui permettront de stocker les récoltes et d’assurer un approvisionnement stable tout au long de l’année.

À cet égard, il cite l'exemple de l’initiative Bayseddo qui, en collaborant avec les organisations de producteurs et les pouvoirs publics, œuvre à la construction d’infrastructures de stockage adaptées. Bien que confrontée à certaines lenteurs administratives, cette initiative pourrait servir de modèle pour d’autres projets visant à renforcer la filière et à réduire les pertes post-récoltes.

Il en appelle donc à une mobilisation collective de l'État, des producteurs et du secteur privé pour mettre en place des solutions pérennes. ‘’Ces efforts permettront non seulement de garantir l'autosuffisance alimentaire au Sénégal mais aussi de renforcer sa compétitivité sur les marchés internationaux tout en assurant une meilleure qualité de vie aux producteurs locaux’’, assure-t-il.

RÉCOLTÉS EN SOUFFRANCE

Sonko annonce des solutions d'urgence

Ce mercredi, en Conseil des ministres, le Premier ministre Ousmane Sonko a souligné les préoccupations récurrentes des producteurs agricoles relativement aux difficultés d’écoulement des récoltes de certains produits, notamment arachidiers, horticoles et de maïs, du fait principalement de dysfonctionnements notés dans les circuits de commercialisation.

À cet égard, il a noté l’exigence de garantir le fonctionnement adéquat de toutes les composantes des filières agricoles, y compris l’intervention des intermédiaires financiers, au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire de l’Agenda Vision Sénégal 2050.

Face à cette situation et en perspective des fêtes de Korité et de Pâques, avec les charges encourues par les ménages, il a invité les ministres chargés de l’Agriculture, des Finances et du Commerce à lui soumettre, en vue de l’approbation par le président de la République, les mesures urgentes à déployer, au plus tard le lundi 24 mars 2025, pour trouver une solution à la situation des stocks en souffrance de la production notamment arachidière, horticole et de maïs.

De manière plus structurelle, il a demandé aux ministres susvisés de mettre en place, au plus tard à mi-avril 2025, un cadre de concertation interministériel consacré à la problématique de la commercialisation des produits agricoles de façon plus globale

 

 F. BAKARY CAMARA

Section: 
PRODUCTIONS AGRICOLES : Le casse-tête des pertes post-récoltes
ABUS ET VIOLENCES CONTRE LES ENFANTS : Ce que dit le Code pénal
AGRESSIONS SEXUELLES ET MALTRAITANCE A SAINT-LOUIS Des fléaux qui détruisent la vie de milliers de jeunes enfants
ENTRETIEN AVEC KHADIM NDIAYE, CHEF DU SERVICE REGIONAL DU COMMERCE DE THIES ‘’Assurer un approvisionnement stable et contrôlé durant le ramadan’’
SAINT-LOUIS : SITUATION DU MARCHÉ À LA VEILLE DU RAMADAN : Entre préoccupations des populations et assurances des autorités
HAUSSE DES PRIX DES DENRÉES DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ Une préoccupation croissante à l'approche du Ramadan
ÉTHIQUE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE : La pensée de Baye Laye sur la question
QUÊTE DE POIDS CHEZ LES FEMMES : Belles à tout prix
MEISSA DIÈYE - COMMISSAIRE EN SERVICE À LA DIVISION DE LA CONSOMMATION : “Ces produits sont généralement introduits de manière frauduleuse”
THIÈS - IMPACT DE LA GRÈVE DES TRAVAILLEURS DES COLLECTIVITÉS LOCALES : Tout le monde trinque
DÉCLARATIONS DE NAISSANCE, MAIRIE DE SICAP MBAO : Le calvaire des parents
LINGUÈRE – GREVE DES AGENTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : Les agents n’excluent d’entrer dans la danse
SAINT-LOUIS : POUR SE PROCURER UN ACTE ADMINISTRATIF : Les usagers galèrent dans les centres d’état civil
PIROGUE AU LARGE DE DAKAR : Plusieurs indices mènent à Mbour  
DRAME DE L’ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE : Le drame de trop !
DRAME ÉMIGRATION CLANDESTINE : La police de Saint-Louis interpelle 20 candidats et 4 présumés trafiquants
DRAME ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE : Les causes potentielles des drames
TATOUAGES ET PIERCINGS : L’essor d’une tendance controversée
SOULEYMANE TÉLIKO : Le juge dissident
CONDAMNÉ À SIX MOIS D’EMPRISONNEMENT FERME : O. Sylla a détourné 15 millions F CFA de son employeur pour se marier