*Monsieur moi….
«Je voudrais que l'intelligence fût reprise au démon et rendue à Dieu.» Jean Cocteau, c’est précisément à actualiser ce souhait que s’applique cette contribution ! Je suis tout confus, Monsieur, je ne sais vraiment par où commencer, mais je dois parler. L’élève que je demeure va, avec le respect dû au Maître, lui parler. Le grain risque, si l’on n’y veille, de compromettre les futures moissons et semailles.
Petits, nous apprenions de toi, pendant les leçons de conjugaison, que les trois premières personnes sont : JE, TU et IL, et les trois dernières : NOUS, VOUS et ILS. Et avec ces premiers rudiments nous nous exercions à l’entrecroisement de nos jeunes existences…à constituer nos futurs mondes en miniature dans nos petites têtes d’homme.
L’introduction plus tard de la morale dans l’enseignement de l’éducation civique s’appuyant sur la technique de la Boite aux Bonnes Actions, allait enfin nous apprendre à nous insérer harmonieusement au sein du groupe social et faire nôtre sa morale, seul et unique moyen de nous rendre maîtres et possesseurs de notre environnement. Un peu plus tard au collège, tu nous appris que dans la société, il n’y avait que ces trois personnes : JE (moi), TU (toi) et IL (lui) et que leur réunion conduirait à un NOUS, un VOUS ou un EUX, un ensemble indifférencié évoluant selon les exigences de l’histoire vers un NOUS sociétal organisé et normé avec une différenciation de ses composants, entre guides et guidés, enseignants et enseignés et instituant pour se faire, un pouvoir régulant, une forme d’organisation de notre vouloir commun d’être ensemble appelé : l’Etat, un organe de commande de notre environnement social, un résultat de l’institutionnalisation progressive de nos pouvoirs mis en commun, notre citoyenneté…
Ce même Etat, pour sa conservation, représente un pouvoir de contrainte qui, dans certains cas, peut s’opposer au corps social, il doit en même temps, assurer des fonctions où il agit moins comme pouvoir que comme administrateur en vue d’éviter l’instauration du régime du LAISSER-FAIRE. Il doit à cet effet, asseoir un règne de LIBERTÉ JUSTE où l’individu est capable, au moins à quelque degré, de penser par lui-même, d’adhérer à l’idéal commun par un choix conscient et réfléchi et d’assumer volontairement les responsabilités et les obligations qui en résultent. Cet idéal beaucoup plus qu’un fait, contribuant grandement au RENFORCEMENT de l’Etat de droit, demeure le seul garant d’une vie sociale responsable et équilibrée.
Cet Etat de droit, pour persévérer dans son être, s’est fait protecteur de nos faits et gestes en se chargeant du suivi de l’orientation de la vie économique et sociale, notamment de l’Education nationale, de la santé publique et des services d’intérêts général à travers le service public. Pour réussir cette mission, notre Etat s’est doté d’une fonction publique de carrière organisée de manière fortement hiérarchisée selon un principe directeur appelé « principe d’autorité » s’exprimant à travers la hiérarchie administrative ou le pouvoir hiérarchique, une notion fortement présente dans l’activité administrative.
Dans cette même fonction publique, la hiérarchie est plus qu’une nécessité et demeure une condition préalable au bon fonctionnement des services publics. Ainsi le fonctionnaire se trouve t-il inséré dans une hiérarchie prévue par un statut particulier en application du statut général des fonctionnaires. Dans ce cas, l’on devrait se demander si l’exercice par le fonctionnaire de certaines libertés publiques ayant pour effet d’atténuer le pouvoir hiérarchique, peut être admis ? En effet, le droit de grève est reconnu mais fortement limité, notamment par une clause dans la Constitution qui stipule que l’action de grève ne doit nullement enfreindre la liberté de travailler ou de mettre l’entreprise en danger. La consécration du droit de grève ne signifie pas que celle-ci puisse prendre n’importe quelle forme. Il y a non seulement l’intérêt général, la continuité du service public à préserver, mais la liberté de travailler de ceux qui ne se sentent pas concernés par le mot d’ordre de grève.
Le droit de grève en question
Cette réalité nous amène à nous interroger sur l’exercice du droit de grève dans la fonction publique. Il s’agira de savoir comment concilier l’exercice d’un tel droit avec la conservation de l’Etat de droit garant du respect de la légalité et promoteur d’un développement équilibré. A ce titre il serait nécessaire de faire ce rappel : La Constitution, notamment en son article 25 et la loi n°61-33 du 15 juin 1961 modifiée, relative au statut général des fonctionnaires, notamment en son article 99, ont mis en place des dispositifs permettant d’assurer la continuité des services publics, en particulier au niveau de l’enseignement et de la santé publique, en cas de grève. Dans le cadre de l’exercice du droit de grève, les autorités jouissent également d'amples pouvoirs pour réquisitionner des travailleurs des entreprises privées, des services publics et des établissements de l'État, en invoquant la sécurité des personnes et des biens, le maintien de l'ordre public, la continuité des services publics ou la nécessité de remplir les besoins essentiels du pays.
L’autorité administrative compétente peut à tout moment procéder à la réquisition des fonctionnaires investis de fonctions intéressant directement la sécurité, l’ordre public, la continuité des services publics ou la satisfaction des besoins essentiels de la Nation. Si l’appartenance à la fonction publique impose des obligations communes à tous les agents publics dans l’exercice ou en dehors de leur fonction et si ces mêmes obligations tendent à garantir la satisfaction de l’intérêt du service, et de fait, de l’intérêt général alors ne faudrait-il pas penser à une réglementation des grèves dans les services publics. L’utilisation exagérée du droit de grève comme c’est souvent le cas, au motif de son caractère constitutionnel, de fait, favorise l’immobilisme et met à mal les services publics. Cet immobilisme n’est ni bénéfique aux usagers des services publics ni à la continuité, il constitue une véritable menace pour le devenir du service public. Pour sortir de ce mauvais pas, n’est-il pas nécessaire de faire preuve d’imagination constructive en régulant le droit de grève dans le secteur de l’enseignement et de la santé publique ?
Dans cette optique, l’état affirmerait ainsi, à la fois le rôle essentiel de ces secteurs de service public dans le fonctionnement du pays et son souci de veiller à la qualité de la vie quotidienne des citoyens. Loin de nuire au dialogue social, au contraire, en revenant aux valeurs fondatrices du service public, celui-ci s’exercerait dans un cadre propice à un dialogue de qualité. En définitif, tout le monde y gagnerait. Les usagers d’abord, en confortant leur attachement à la notion de service public, les agents de l’Etat fiers d’être reconnus comme exerçant une activité utile à l’intérêt générale. Pour toutes ces raisons, un « MOT » de l’autorité compétente reste nécessaire, pour l’application sans état d’âme des dispositions législatives et réglementaires prévues à cet effet, tout en confortant les acquis réalisés, en rendant obligatoires pour tous les acteurs, la mise en place de procédures de prévention des conflits, et seulement en cas d’échec, l’exercice du droit de grève en prenant soin de préserver les intérêts essentiels des usagers des services publics.
Respectueusement vôtre
Mohamadou Lamine Ba
Agent à la retraite, HLM Grand Médine n° 389
Dakar
* une demande de parole utilisée à l’école primaire