Le temps des ''requins'' en studio
Ils sont pour la plupart des musiciens qui travaillent en studio et accompagnent plusieurs chanteurs dans la réalisation de leurs albums. Dans le jargon, ces musiciens chevronnés sont appelés ''requins''. Florilège.
De 1980 à 1990, la musique sénégalaise avait connu son âge d'or avec de grandes formations telles que le Xalam II et le Touré Kunda des frères Touré qui la représentaient dignement dans l'Hexagone. Durant cette même période, plusieurs orchestres rivalisaient de savoir-faire au niveau national avec des musiciens pétris de talent. L'Orchestra Baobab, le Number one, le Super Diamono, L'Étoile de Dakar, le Canari de Kaolack se distinguaient par un style propre à chacun. Cette diversité avait beaucoup contribué au charme de la musique sénégalaise. Et il suffisait aux mélomanes d'entendre la voix d'un chanteur pour déceler dans l'immédiat l'orchestre ou les musiciens qui l'accompagnaient. Ainsi, les notes de guitare de Badou Ndiaye ne se confondaient ni à la dextérité de Yahya Fall, ni aux phrases mélodieuses de Barthélémy Atisso. Idem pour la ligne de basse de Bob Sène qui était différente de la grosse caisse d'Habib Faye.
Ce temps est révolu, car la musique sénégalaise s'adapte aujourd'hui à une nouvelle donne qui veut que tout le monde joue avec des ''requins'' en studio pour enregistrer un album. En effet, chaque chanteur veut être entouré des meilleurs musiciens de la place pour enrichir la qualité de son produit. Et la rareté des groupes musicaux favorise cette tendance chez la jeune génération de chanteurs qui entend monter très vite en puissance pour se faire un nom dans le monde du showbiz. Ainsi Papis Konaté, Jimmy Mbaye, Laye Diagne, Papis Ndiaye travaillent dans leurs studios respectifs avec des ''requins'', comme eux, pour la réalisation de plusieurs albums dont ils ont eu en charge la direction musicale. Parmi ces musiciens qui ont pris l'habitude de faire appel à différents talents, il y a Lamine Faye, Pape Dembel Diop, le bassiste du Super Diamono, Jules Diop, Aliou Seck, Jeannot Diouf, Samba Ndox, Bara Samb, Laye Lô le batteur du Super Étoile de Youssou Ndour, Thierno Koité, Sanou Diouf, Bakane Seck, Yatma Thiam, Moussa Traoré, etc.
Des orchestres qui n'existent que de nom
En fait, ce sont pratiquement les mêmes noms qui reviennent sur les albums de différents chanteurs. Cela se ressent aussi à l'occasion des prestations en live de chanteurs comme Viviane Ndour, Titi, Salam Diallo, Mam Gor Diazaka, lesquels ont en commun les touches des mêmes ''requins''. Djolof Band, Nokoss Band, Bari Bagass, etc., sont donc autant d'orchestres qui n'existent que de nom. Parce que derrière, c'est en réalité une sélection de musiciens réunis pour assurer le spectacle.
Retiré du Super Étoile après avoir évolué pendant plus de vingt ans avec Youssou Ndour, Habib Faye a entamé une carrière solo avec la sortie de son album H2.O. Le jeune frère de Vieux Mac et Lamine Faye s'est lui aussi inscrit dans le créneau du free lance qu'adoptent les ''requins'' de la musique. Il est souvent fréquent dans le studio de son ami Sidy Samb pour signer quelques arrangements. Ibrahima Ndour, le jeune frère du patron du Super Étoile, figure sur la liste des ''requins'' qui règnent en maîtres sur la musique sénégalaise. Sa touche digitale est sur la musique de tous les artistes-chanteurs que le label Prince Art a produits ces dernières années.
Rare exception, Wally Ballago Seck n'a pas quant à lui ce souci, pour la simple raison qu'il évolue avec l'orchestre Raam Daan de son père Thione. Mais jusqu'à quand résistera-t-il à l'air du temps ?