Karim Diouf, de Dakar à Montréal
Après 17 ans de carrière au Québec, le percussionniste et chanteur d’origine sénégalaise Karim Diouf était fin prêt à lancer cet été son premier album solo. Intitulée ''Adouna'', cette collection de morceaux world et reggae dominée par une grande sensibilité pop explore les thèmes qui lui sont chers : l’écologie, l’exil, l’identité, les inégalités sociales. Rencontre avec cet "ancien nouveau venu" de la scène musicale montréalaise.
En 1996, Karim et Élage Diouf sont arrivés à Montréal et ont choisi d’y élire domicile pour poursuivre leur carrière musicale déjà entamée avec une troupe de Dakar. À peine installés, ils collaboraient déjà avec le groupe hip-hop/soul Dubmatique sous le nom des Frères Diouf. Puis, l’année suivante, ils participaient à l’album et à la tournée Dehors novembre de la formation culte québécoise Les Colocs, ce qui a assuré leur renommée partout dans la Belle province. La table était mise pour leur premier album en duo, Dund, et d’autres collaborations, notamment avec Ariane Moffatt et Roch Voisine.
"Notre polyvalence nous a beaucoup aidés à notre arrivée, estime Karim Diouf. On a décidé de rester à Montréal parce qu’on a été charmés par ce qui se passait sur la scène musicale. Toutes les musiques se mélangent, les gens sont ouverts. Je trouve que c’est unique !" Les Frères Diouf ont ensuite été invités à participer à la tournée mondiale du spectacle Delirium du Cirque du Soleil pendant deux ans et demi. "C’est super pour un musicien d’avoir cette occasion. Je pense que ça m’a surtout appris la scène, parce les shows du Cirque et les shows des Colocs, c’étaient deux mondes bien différents !", s’exclame-t-il avec un rire franc, en faisant référence à l’ampleur de l’événement, l’énormité des salles et toute la préparation impliquée par une production de cette envergure.
''Adouna'' : Nouveau départ
C’est après cette tournée que les Frères Diouf ont choisi de faire bande à part. "Quand je suis revenu, les idées se mélangeaient. Mon frère partait en solo, mais moi j’ai décidé de prendre mon temps. Je continuais de composer, mais je ne savais pas encore ce que je voulais faire", se souvient Karim. C’est ce qui, quelques années plus tard, a donné Adouna ("vivre", en wolof), un album mûri dont il est très fier. "Je suis allé vers la world-pop et le reggae-pop. La pop m’intéresse depuis toujours et les musiciens que j’admire le plus ont très bien réussi dans cette direction", explique-t-il en citant Youssou N’Dour, Salif Keita, Bob Marley et Sting.
En français, en anglais et en wolof, Karim aborde les thématiques sociales qui le préoccupent, mais toujours sous un angle universel. "Au départ, j’avais pensé l’intituler Sénégal natal, mais je me suis rendu compte que les sujets vont au-delà. Je n’y parle pas juste de mon pays." La Vie en vert, par exemple, traite de la problématique du réchauffement climatique, alors que Juste pour prouver que j’existe, du sentiment d’injustice ressenti lorsqu’il présentait son passeport sénégalais en tournée. "C’est aussi le choc que j’ai eu en arrivant ici, quand j’ai vu les itinérants (les sans-abri, ndlr). Le monde passait devant eux dans la rue comme s’ils n’existaient même pas", poursuit le chanteur engagé, avec une pointe d’émotion.
Créé en majeure partie à Montréal, Adouna fait aussi appel à des artistes du Sénégal. En novembre dernier, Karim Diouf est rentré à Dakar pour enregistrer des voix, capter le son de la kora, de la xalam et du sabar, et collaborer avec divers percussionnistes sur place. Il en résulte un mélange authentique de sonorités africaines et nord-américaines. "C’était important pour moi que le son me corresponde. Quand je suis rentré au Sénégal, j’ai emmené Marc Bell, le réalisateur de l’album, et aussi un vidéaste pour tourner un projet qui sortira bientôt." D’ici là, l’artiste présentera son nouveau disque un peu partout au Québec durant l'automne.
RFI