Toujours à l’étape du diagnostic
En matière de réflexion, tout ce dont a besoin l’école sénégalaise a été déjà fait. Et le résultat est toujours le même : langues nationales exclues, non-prise en compte des réalités socioculturelles et des besoins, exclusions…. Le forum citoyen tenu hier sur initiative de la Cosydep et ses partenaires entend rappeler aux décideurs leurs engagements
Le forum citoyen 2015, une activité qui entre dans le cadre de la semaine mondiale d’action pour l’éducation, a été organisé hier à l’hôtel de ville de Dakar par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) et ses partenaires. Il a pour thème ‘’le droit à l’éducation, de 2000 à 2030’’. Il comporte donc, comme l’a souligné le coordonnateur de la Cosydep, Cheikh Mbow, une partie bilan (2000/2015) et une partie perspectives (2015/2030). S’agissant du bilan, le constat est clair et ne date pas d’aujourd’hui. L’école n’est pas encore une école sénégalaise, elle est inefficace et n’est pas ancrée dans les valeurs sociales et religieuses, parce que fonctionnant avec un système emprunté. Ce qui occasionne l’émergence d’autres systèmes qui répondent à des besoins non reconnus ou insuffisamment pris en compte.
Le résultat, d’après Cheikh Guèye du Groupe Refondation, se traduit par un antagonisme entre les systèmes, la stigmatisation des uns par les autres, des discours revanchards. Donc des profils difficilement réconciliables. De ce fait, il trouve qu’il y a risque que demain des citoyens soient face-à-face et créent ainsi un conflit comme dans certains pays. Tout ce bilan, d’après M. Mbow, est le résultat d’engagements forts au départ mais non tenus à l’arrivée. L’agenda post 2015 sera donc l’occasion de rappeler aux décideurs le non-respect de la parole donnée et de les inciter en même temps à prendre de nouveaux engagements qu’ils tiendront.
C’est donc le moment d’attirer leur attention sur la nécessité de prendre des mesures d’urgence. Au Sénégal, il suffit juste d’une application des recommandations des Assises de l’éducation et de la formation de 2014.
En effet, le constat d’aujourd’hui est presque le même qu’en 1981 avec les états généraux de l’éducation. Mais la remarque faite par Amadou Wade Diagne de la Cosydep est que la loi qui devait permettre l’application de l’introduction des langues a été votée en 1991, c’est-à-dire 10 après les concertations. Aujourd’hui encore, c’est-à-dire 24 ans après, on est encore à la réflexion. Par conséquent, conclut Moussa Mbaye, Pca de la Cosydep, la question qui se pose est de savoir comment les mettre en œuvre. La réponse est trouvée dans l’implication des communautés. Il leur appartient désormais non seulement de porter les initiatives, mais aussi d’assurer leur suivi.
25 milliards grâce aux anciens
L’autre problème de l’école est le financement. A ce niveau aussi apparaît l’importance de l’implication des communautés. Le Pr Abdou Salam Sall affirme que les moyens pour l’éducation seront toujours inférieurs aux besoins. Il propose donc que les cadres qui occupent certaines positions grâce à l’école renvoient l’ascenseur. ‘’Nous sommes combien ? Cent mille ou un million ? Si chacun de nous donne 25 000 F, ça fera soit 2,5 milliards soit 25 milliards. Ça nous permet de démarrer au lieu d’attendre toujours les bailleurs’’. Des partenaires qui d’ailleurs, à son avis, ont tellement de conditionnalités de décaissement qu’il se demande à la limite s’il ne faut pas renoncer à leur argent. D’où le concept du retour à l’école qui permet à la fois de donner un modèle aux enfants et de mettre la main à la poche.
Introduction des langues nationales Les propositions du sociologue Souleymane Gomis La question de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif continue d’être agitée. Son efficacité est pourtant prouvée selon plusieurs études. D’après ces études, les enfants apprenant avec une des langues locales maîtrisent mieux le français et les sciences. Le sociologue de l’éducation, Souleymane Gomis, un des panélistes du forum citoyen organisé hier par la Cosydep, a fait quelques propositions pour l’effectivité. Un, enseigner dans la langue du pays la moitié des programmes. Deux, l’autre moitié du programme dispensée en langue étrangère. Trois, avoir une troisième langue parallèle. L’universitaire estime que cette introduction des langues nationales est non seulement réalisable, mais hautement recommandée. En termes de modalités pratiques, il préconise de démarrer l’utilisation de la langue en classe de 6ème secondaire, commencer l’enseignement par les maths et sciences, et recruter un groupe de linguistes-traducteurs. Le résultat, selon lui, est qu’au bout de 7 ans (baccalauréat), le Sénégal aura des cadres bilingues pour son administration. Il n’a pas manqué de souligner toutefois les coûts élevés de la traduction, mais il demande qu’ils soient comparés à la perte de fonds liée aux redoublements, à la déperdition scolaire, à la non-maîtrise des sciences et à la perte des savoirs et du savoir-faire endogènes. |
BABACAR WILLANE