‘‘Le contraire aurait été offensant’’, selon Me Assane Dioma Ndiaye
Difficile de démêler l’écheveau de l’imbrication ONG-champ politique. Deux avocats infatigables des droits de l’homme se prononcent sur les accusations de parti pris.
Où se situe la ligne de démarcation entre l’engagement militant des ONG et la politique ? Le succès de ces organisations les a-t-elles transformé en actrices des jeux de pouvoirs ? ‘‘La frontière entre droits de l’homme, bonne gouvernance, et justiciabilité des droits sociaux et économiques est très ténue. Il y a une interdépendance entre réalité des droits économiques et sociaux et une gestion rationnelle des ressources nationales’’, se justifie Me Assane Dioma Ndiaye. Les dernières sorties des tenants du pouvoir accusant certaines ONG de faire de la politique ne sont pourtant pas mal reçues au sein de ces organisations de plaidoyer. ‘‘Le contraire aurait été offensant.
Qu’on nous qualifie de pions du régime est blessant. Ce qui montre que nous sommes sur la bonne voie. L’inculture politique, surtout des tenants du pouvoir, c’est de ne pas faire ce distingo entre opposition et contre-pouvoir’’, poursuit le président de la Lsdh. Même s’il avoue qu’il y a eu ‘‘plus de virulence de 2002 à 2012, que de 2012 à nos jours’’, son organisation reste sur les principes.
Contrairement aux politiques qui ont une souveraineté conférée par le peuple, les ONG ne sont pas la résultante d’un processus électoral. En étant, de plus en plus, parties prenantes des jeux des pouvoirs, le risque d’être instrumentalisé, de se compromettre avec des acteurs étatiques ou des bailleurs internationaux, est réel en dépit de leur non-alignement gouvernemental. ‘‘Ce sont des questions éminenement politiques. Nous faisons de la politique au sens étymologique du terme. La démocratie, la citoyenneté, la gouvernance sont des questions éminement politiques. Seulement, nous ne faisons pas de la politique politicienne.
De sorte que nous ne sommes pas gênés quand on nous accuse d’en faire’’, se défend Aboubacry Mbodji. Le clair-obscur de l’appellation ‘‘non-gouvernementale’’ est un Rubicon de frnachi dans la prise de position. Récemment la Raddho, Amnesty International, la Ligue sénégalaise des droits de l’homme, le Forum du Justiciable tout comme l’Organisation de la charité pour un développement intégral (Ocdi), avaient appelé à voter NON pour le référendum du 20 mars 2016.
Quant à la situation des droits humains en Gambie, Amnesty a même proposé des sanctions ciblées, dont le gel des avoirs du président Yahya Jammeh. Le secrétaire général de la Raddho fait l’apologie de cette implication politique en estimant, par exemple, que le contexte de la naissance de l’Ong était politiquement très chargé (ouverture démocratique sur le continent en 1990, Conférence de la Baule). Même si la Raddho exclut de ses instances les membres de partis politiques, du Gouvernement, du Parlement, de syndicats, Mouhamadou Mbodji trouve qu’on peut ne pas vouloir défendre ces positions et dire qu’on ne fait pas de la politique. ‘‘C’est absurde même’’.
Ousmane Laye Diop