Candidat à tout prix !
La précampagne présidentielle d'Abdoulaye Wade est tonitruante, bruyante. Provocatrice, disent ses détracteurs. Qu'importe ! Au pas de charge, le chef de l'Etat sortant a sillonné l'intérieur du pays entre le 19 novembre et le 12 décembre, emmitouflé dans ses doubles habits de président et de candidat à un troisième mandat à la tête du Sénégal.
Des virées héliportées à Khombole, Matam, Keur Massar, Podor, Saint-Louis, ainsi qu'une descente de proximité au Port autonome de Dakar semblent avoir réveillé en l'homme du Sopi l'instinct de politicien dur à cuir qui lui a permis d'empoisonner le magistère de son prédécesseur Abdou Diouf avant d'obtenir la consécration suprême après vingt-six ans d'opposition-collaboration avec le régime socialiste.
Le week-end prochain, à grand renfort de publicité et d'argent – ce qui est compréhensible pour une mouvance politique au pouvoir depuis onze ans et à qui les moyens ne font pas défaut – Me Wade réunit – fait rarissime – le Bureau politique du Pds le 22 décembre, projette dès le lendemain son investiture comme candidat des Forces alliées, et espère un meeting monstre sur l'autoroute urbaine de l'alternance qu'est la Vdn.
Clairement, le président de la République démontre qu'à la présidentielle du 26 février 2012, il joue son avenir personnel d'homme politique, la survie de sa famille biologique et politique. En jeu également, la très haute idée qu'il se fait de lui-même, de ses réalisations à la tête du Sénégal, de son apport à l'approfondissement de la démocratie... Les juges du Conseil constitutionnel en décideront, peut-être.
Cependant, par les temps qui courent, le candidat Wade est confronté à une offensive en règle impitoyable, harceleuse, rapprochée, mais encore contenue dans les limites du diplomatiquement correct. L'opposition croissante des Etats-Unis d'Amérique à sa présence au scrutin de février 2012 – exprimée suivant un système de strates montantes - poserait problème en d'autres temps, dans un autre contexte.
Aujourd'hui, cette posture politique de la diplomatie américaine apparaît comme la résultante de trois facteurs : le lobbying intensif du Mouvement du M23 ; la défense des intérêts économiques et financiers du contribuable américain dans notre pays ; la préservation de la paix au Sénégal comme maillon géostratégique important dans une région ouest-africaine déstabilisée par l'irruption de mouvements contestataires divers. Cette triptyque renvoie à trois pièges : la mal gouvernance politique (abus constitutionnels), la subordination économique (dépendance trop marquée à l'endroit des subsides de la coopération internationale), et le phénomène de l'instabilité qui menace la paix civile (grogne sociale tous azimuts).
En persistant dans sa précampagne électorale, en signant le décret de convocation du corps électoral, et en prenant le soin d'aller expliquer ''la réalité des choses'' aux partenaires influents du Sénégal, le tout dans l'attente du verdict des juges du Conseil constitutionnel, le président Wade ne fait plus mystère de sa volonté d'être réellement candidat à sa succession en février.
Par cet acte, il soude le camp libéral autour de sa personne, mais pose en même temps les jalons d'un affrontement inévitable avec les ''forces vives de la nation'' regroupées dans le M23, et s'attire l'hostilité de l'Amérique.
Mais là est peut-être la force de ce mystérieux candidat, se faire passer pour une victime combattue de l'intérieur par des forces nationales qu'il se fera un plaisir d'assimiler au ''parti de l'étranger''. Auprès des couches populaires et d'une certaine intelligentsia, la posture pourrait faire mouche. Mais que force reste au droit.
Momar DIENG