Passions sectaires
Pays des paradoxes et des malentendus organisés, des quiproquos et des hypocrisies assumées, des bisbilles et des fausses réconciliations, le Sénégal, celui des politiciens surtout, ne manque pas, quand l'occasion se présente, de montrer l'ampleur de son arriération sur le registre de la primauté de l'intérêt national contre les passions claniques dépourvues d'utilité pour la collectivité.
La publication du rapport de la commission Mbow a soulevé l'ire du camp présidentiel après les préconisations politiques et institutionnelles adressées au chef de l'Etat, à la demande de ce dernier. Les «rottweiler» montés au créneau ont dénigré, hors de tous propos décents, le travail abattu par les membres de la Cnri, et certains d'entre eux ont glissé allègrement sur un champ connexe, l'attaque personnalisée.
A cet égard, il apparaît qu'une certaine classe politique, surtout celle au pouvoir, doive encore franchir bien des obstacles surélevés avant de devoir s'affirmer en porte-drapeau d'une vision d'émergence qu'elle nous promet pour la décennie à venir.
On savait déjà, avec la Marquise de Rochebelin, que «le chien à des vers, l'enfant, des poux...» On sait surtout que «le roi (a) des courtisans». Ce sont ces derniers qui, avec une forte dose de violence verbale, ont tenté d'indiquer au Président de la République «le» sort à réserver à l'avant-projet de constitution. Qui sont-ils, ces courtisans bien intéressés à étouffer sous leurs oreillers virtuels un nouveau-né qui n'a même pas encore lâché son premier cri ?
En général, des politiciens quasi professionnels qui estiment encore, même après le drame des Wade, que le pouvoir leur appartient sans compter, qu'ils sont l'âme et le cœur de tous les Sénégalais réunis, qu'ils sont notre avenir à tous, qu'ils sont notre salut contre l'enfer terrestre.
En particulier, ces courtisans sont des juristes/politiciens froidement mercenaires, flirtant avec tous les pouvoirs régnants parce qu'ils se donnent le droit de vendre leur «science» aux plus offrants, transformant leur éthique personnelle en marchandise payée rubis sur ongle, tirant distinctement sur ce qui bouge et sur des cibles immobiles, les uns discrets et sans état d'âme, les autres volubiles, mentalement déstructurés et un rien vagabonds, ne s'interdisant pas d'aller réparer, nuitamment, leurs bévues auprès de leurs «victimes». Sait-on jamais pour l'avenir...
On pouvait penser, après la parenthèse Wade, que nos politiciens seraient capables de changer face à l'histoire. C'est-à-dire de faire de l'intérêt national un sacerdoce indépassable, scotché en permanence au dessus des égoïsmes et des passions sectaires. Apparemment, ce n'est pas encore le cas... Dommage pour notre démocratie. En attendant, le chef de l'Etat, se prononçant pour la première fois sur la polémique ambiante, semble avoir plus cherché à rassurer ses partisans que «la patrie».