Publié le 26 Mar 2024 - 19:11
PRÉSIDENTIELLE 2024

 Les gagnants et les perdants du scrutin

 

En votant massivement Bassirou Diomaye Faye le 24 mars 2024, les Sénégalais n’ont pas seulement crié leur ras-le-bol au pouvoir. Ils ont également réduit à leur plus simple expression un certain nombre de personnalités politiques qui se croyaient encore importantes.

 

Les urnes ont encore parlé. Dans leur écrasante majorité, les Sénégalais ont décidé de confier leurs destinées, pour les cinq prochaines années, à Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Par la même occasion, ils ont réduit à leur plus simple expression plusieurs personnalités de la vie politique : Idrissa Seck (ancien président du Conseil économique, social et environnemental, ancien Premier ministre, maire plusieurs fois à Thiès) ; Khalifa Ababacar Sall (ancien maire de Dakar) ; El Hadj Malick Gakou (ancien ministre et ancien n°2 de l’AFP), Thierno Alassane Sall (ancien ministre et membre influent de l’APR), Mahammed Boun Abdallah Dionne (ancien Premier ministre), Mamadou Lamine Diallo (député depuis 2012), entre autres.

Tous sont, selon les tendances, en deçà de la barre des 5 % et n’auront même pas droit à une restitution de leur caution de 30 millions de francs CFA. Certains d’entre eux n’atteindront même pas 2 % des suffrages.

La Présidentielle est ainsi une confirmation des tendances notées depuis les élections législatives de juillet 2022, voire des Locales de la même année. Malgré la constitution d’une coalition XXL aux Législatives de 2022, avec d’excellents profils qui ont plutôt de bonnes réputations, Aar Sénégal avait été supplanté par les deux blocs que sont Benno Bokk Yaakaar et l’alliance Yewwi Askan Wi-Wallu. Tout le reste s’était partagé des miettes de l’électorat. Pour la Présidentielle, sur les 19 candidats qui étaient en lice, deux se sont encore nettement détachés. Il s’agit du candidat du régime sortant et celui de l’opposition qui semblait être le mieux placé. Le vote utile semble encore avoir été mis en avant par les électeurs dans une écrasante majorité.

Plusieurs maires ont fait les frais de cette tendance des Sénégalais à choisir parmi les candidats les plus à même de gagner le scrutin. Il en est ainsi du candidat Aly Ngouille Ndiaye battu un peu partout à Linguère, mais aussi de Mame Boye Diao qui a également été laminé à Kolda.

Le scrutin du 24 mars a ainsi démontré, une fois de plus, qu’une Présidentielle, c’est loin d’être une affaire de quartier ou de terroir. Il faut une trajectoire et une bonne assise au plan national pour espérer jouer les premiers rôles. Les acteurs devront en tirer toutes les conséquences, pour éviter, à l’avenir, de s’engager dans des élections où ils ne risquent de ne récolter que des miettes. Ne vaut-il pas mieux d’aller renforcer un camp avec lequel on a des affinités plutôt que de se faire une illusion en prétendant avoir les capacités de remporter le scrutin ?

Il faut rappeler qu’en 2012, quand il éliminait son prédécesseur Abdoulaye Wade, Macky Sall avait commencé par plusieurs visites dans les fins fonds du Sénégal. Ses résultats prometteurs aux élections locales de 2009 avec la coalition Dekal Ngor lui avaient déjà permis d’avoir des représentants un peu partout sur le territoire national et de lancer la conquête du pouvoir. En 2024, Pastef est le parti le mieux organisé de l’opposition. Durant toute la campagne électorale, partout où le candidat est passé, il y avait de petits comités locaux sortis avec leurs logistiques modestes pour l’accueillir. La plupart des partis sont dépourvus de ce maillage et se contentent d’attendre les élections pour espérer convaincre les Sénégalais avec des discours que rares sont prêts d’écouter.

Peut-être la fin des candidatures fantaisistes et des egos surdimensionnés

L’élection présidentielle de 2024 marque aussi un nouveau tournant dans l’arène politique, avec de très belles promesses qui ont soit confirmé leur rang comme Papa Djibril Fall, soit émergé comme Anta Babacar Ngom.

En effet, malgré des scores un peu faibles dus à plusieurs facteurs dont le vote utile qui n’a épargné aucun candidat, même les grands, quelqu’un comme Papa Djibril Fall pourrait réussir à se maintenir dans le Top 10 du classement. Mieux, le jeune politicien, selon les tendances, pourrait réussir, malgré les aléas, à conserver le score qui lui avait permis d’obtenir un siège à l’Assemblée nationale.

Avec l’accession de l’ex-Pastef qui libère le champ de la contestation au bénéfice du pouvoir, certains comme PDF ont désormais un boulevard et pourraient se positionner comme alternative. PDF va devoir rivaliser dans ce champ avec la femme d’affaires Anta Babacar Ngom qui semble avoir pris goût à la chose politique. La fille de Babacar Ngom qui, selon les tendances, est également dans le Top 10, pourrait même devancer PDF au classement. Avec Serigne Mboup, déjà maire de Kaolack, il faudra désormais compter sur les hommes d’affaires en politique. À moins qu’elle choisisse de retourner dans ses affaires avec la chute du régime du président Sall qu’elle s’était engagée à combattre.

Noyés par la vague Pastef qui n’a laissé aucune chance à ses concurrents, des candidats comme Thierno Alassane Sall et Boubacar Camara ont également beaucoup gagné en sympathie au niveau de l’électorat élitiste. S’ils maintiennent le cap et gardent une certaine constance, ils pourraient être au duo Diomaye-Sonko ce que ces derniers ont été pour Macky Sall, c’est-à-dire des alternatives sérieuses. Ils vont devoir se frotter aux héritiers de Khalifa Sall et d’Idrissa Seck proches de l’âge de 75 à partir duquel ils ne peuvent plus être éligibles. En 2029, ils auront respectivement 73 et 70 ans. On peut croire qu’ils ne se risqueront plus à aller à une élection sans être assurés au préalable de leurs chances.  

MOR AMAR

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