«Le diagnostic a été sans complaisance»
Le professeur Iba Der Thiam, historien et député à l'Assemblée nationale, s'est confié à EnQuête, en marge de l'atelier sur la réforme du règlement intérieur de la représentation nationale. Il a jugé que le diagnostic fait a été sans complaisance et qu'''un esprit nouveau semble naître''.
Professeur, que vous suggère cet atelier sur la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ?
Je pense personnellement que cet atelier correspondait à un besoin et qu’il vient à son heure. Lorsque la nouvelle majorité a été installée, d’un commun accord, est revenue dans tous les discours sous la forme d’un leitmotiv, la volonté de voir émerger une assemblée de rupture. Cette volonté était présente dans les consciences. Comment l’opérer ? De quelle manière ? Selon quels mécanismes ? Sur quel dispositif du système ? C’est une question extrêmement complexe. Le Forum civil, OSIWA, APNAC, en offrant aux parlementaires l’occasion de se rencontrer pour examiner concrètement comment veiller à ce qu’une nouvelle conception de la vie parlementaire basée sur l’éthique, le renouveau, la volonté d’enregistrer de nouvelles avancées, a décidé de réunir les parlementaires appartenant à tous les groupes, sans distinction, de manière que la pluralité de l’assemblée soit totalement reflété et de faire appel à des experts comme le professeur Ismaïla Madior Fall, le professeur Meïssa Diakhaté, un ancien député et rapporteur de la commission des Finances en l’occurrence, M. Seydou Diouf, connu pour son sérieux, sa compétence et son expertise, pour que nous puissions tous ensemble, réfléchir sur ce thème.
Que pensez-vous du diagnostic jugé sévère établi par le Pr Diakhaté ?
Je dois dire que le diagnostic auquel il a été procédé a été un diagnostic sans complaisance, d’une rigueur extrême, qui a vraiment identifié les véritables obstacles qui empêchent notre assemblée d’amorcer la voie du renouveau et de la rupture et de marquer une étape nouvelle dans l’histoire de notre institution parlementaire. Ce qui me paraît beaucoup plus important, c’est qu’un état d’esprit nouveau semble naître. Les parlementaires se rendent compte qu’ils ont hérité d’une longue tradition. Une tradition qui remonte à l’époque précoloniale.
Ce que vous avez appelé le cadrage historique ?
Exactement ! Parce que nous sommes dans des pays où les parlementaires ont existé pendant l’époque précoloniale. Quand le système coloniale est venu, en 1840, il a créé un Conseil général qui a été supprimé en 1848, rétabli en 1879, supprimé ensuite en 1940 puis rétabli à nouveau en 1945. Et puis nous avons eu droit à un grand conseil de l’AOF en 1947, ensuite à des assemblées parlementaires qui ont fonctionné jusqu’à ce qu’ait eu lieu le référendum de 1958. Pendant toute cette période, le Sénégal a bénéficié d’une expérience parlementaire hors du commun, qui n’a son équivalent nulle part dans aucun pays d’Afrique au Sud du Sahara. Ce sont des parlementaires sénégalais, africains qui se sont battus pour obtenir qu’on supprime les textes qui avaient institué le travail forcé. Ils se sont battus pour obtenir la suppression de l’indigénat, pour obtenir le régime municipal de préexercice. Ils se sont battus pour obtenir la citoyenneté d’Outre mer, pour le rétablissement des droits syndicaux en 1944. Même lorsqu’il y a eu l’appel du général De Gaulle, Galandou Diouf, en tant que député, faisait partie de la délégation qui a rencontré le président de la République française pour lui dire que la France ne va pas baisser les bras. Senghor a dominé l’Assemblée nationale française de son aura et de son leadership, Mamadou Dia en a fait de même au niveau du Sénat. Depuis 1960, des générations de députés se sont succédé, dont chacun a eu à jouer un rôle important dans l’histoire de notre Parlement. Nos parlementaires d’aujourd’hui considèrent que tout ce patrimoine-là, il est le leur. Ils veulent enregistrer des avancées. C’est sur cette base qu’ils ont décidé de revisiter le règlement intérieur dans un esprit ouvert et constructif. Il ne s’agit pas d’avoir une assemblée qui est en lutte avec le pouvoir exécutif. Mais le rôle d’une assemblée de soutenir le pouvoir exécutif, c’est de lui apporter son appui pour faire passer les loisLe professeur Iba Der Thiam, historien et député à l'Assemblée nationale, s'est confié à EnQuête, en marge de l'atelier sur la réforme du règlement intérieur de la représentation nationale. Il a jugé que le diagnostic fait a été sans complaisance et qu'''un esprit nouveau semble naître''.
Professeur, que vous suggère cet atelier sur la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ?
Je pense personnellement que cet atelier correspondait à un besoin et qu’il vient à son heure. Lorsque la nouvelle majorité a été installée, d’un commun accord, est revenue dans tous les discours sous la forme d’un leitmotiv, la volonté de voir émerger une assemblée de rupture. Cette volonté était présente dans les consciences. Comment l’opérer ? De quelle manière ? Selon quels mécanismes ? Sur quel dispositif du système ? C’est une question extrêmement complexe. Le Forum civil, OSIWA, APNAC, en offrant aux parlementaires l’occasion de se rencontrer pour examiner concrètement comment veiller à ce qu’une nouvelle conception de la vie parlementaire basée sur l’éthique, le renouveau, la volonté d’enregistrer de nouvelles avancées, a décidé de réunir les parlementaires appartenant à tous les groupes, sans distinction, de manière que la pluralité de l’assemblée soit totalement reflété et de faire appel à des experts comme le professeur Ismaïla Madior Fall, le professeur Meïssa Diakhaté, un ancien député et rapporteur de la commission des Finances en l’occurrence, M. Seydou Diouf, connu pour son sérieux, sa compétence et son expertise, pour que nous puissions tous ensemble, réfléchir sur ce thème.
Que pensez-vous du diagnostic jugé sévère établi par le Pr Diakhaté ?
Je dois dire que le diagnostic auquel il a été procédé a été un diagnostic sans complaisance, d’une rigueur extrême, qui a vraiment identifié les véritables obstacles qui empêchent notre assemblée d’amorcer la voie du renouveau et de la rupture et de marquer une étape nouvelle dans l’histoire de notre institution parlementaire. Ce qui me paraît beaucoup plus important, c’est qu’un état d’esprit nouveau semble naître. Les parlementaires se rendent compte qu’ils ont hérité d’une longue tradition. Une tradition qui remonte à l’époque précoloniale.
Ce que vous avez appelé le cadrage historique ?
Exactement ! Parce que nous sommes dans des pays où les parlementaires ont existé pendant l’époque précoloniale. Quand le système coloniale est venu, en 1840, il a créé un Conseil général qui a été supprimé en 1848, rétabli en 1879, supprimé ensuite en 1940 puis rétabli à nouveau en 1945. Et puis nous avons eu droit à un grand conseil de l’AOF en 1947, ensuite à des assemblées parlementaires qui ont fonctionné jusqu’à ce qu’ait eu lieu le référendum de 1958. Pendant toute cette période, le Sénégal a bénéficié d’une expérience parlementaire hors du commun, qui n’a son équivalent nulle part dans aucun pays d’Afrique au Sud du Sahara. Ce sont des parlementaires sénégalais, africains qui se sont battus pour obtenir qu’on supprime les textes qui avaient institué le travail forcé. Ils se sont battus pour obtenir la suppression de l’indigénat, pour obtenir le régime municipal de préexercice. Ils se sont battus pour obtenir la citoyenneté d’Outre mer, pour le rétablissement des droits syndicaux en 1944. Même lorsqu’il y a eu l’appel du général De Gaulle, Galandou Diouf, en tant que député, faisait partie de la délégation qui a rencontré le président de la République française pour lui dire que la France ne va pas baisser les bras. Senghor a dominé l’Assemblée nationale française de son aura et de son leadership, Mamadou Dia en a fait de même au niveau du Sénat. Depuis 1960, des générations de députés se sont succédé, dont chacun a eu à jouer un rôle important dans l’histoire de notre Parlement. Nos parlementaires d’aujourd’hui considèrent que tout ce patrimoine-là, il est le leur. Ils veulent enregistrer des avancées. C’est sur cette base qu’ils ont décidé de revisiter le règlement intérieur dans un esprit ouvert et constructif. Il ne s’agit pas d’avoir une assemblée qui est en lutte avec le pouvoir exécutif. Mais le rôle d’une assemblée de soutenir le pouvoir exécutif, c’est de lui apporter son appui pour faire passer les loisLe professeur Iba Der Thiam, historien et député à l'Assemblée nationale, s'est confié à EnQuête, en marge de l'atelier sur la réforme du règlement intérieur de la représentation nationale. Il a jugé que le diagnostic fait a été sans complaisance et qu'''un esprit nouveau semble naître''.
qui lui permettent de mettre en application la politique que le pays a choisi. Il s’agit d’avoir une Assemblée nationale qui, par une démarche de rupture, va désormais s’intéresser à un certain nombre de choses qui sont essentielles. qui lui permettent de mettre en application la politique que le pays a choisi. Il s’agit d’avoir une Assemblée nationale qui, par une démarche de rupture, va désormais s’intéresser à un certain nombre de choses qui sont essentielles.
Quelles sont, d’après vous, les trois ou quatre éléments essentiels sur lesquels les députés devraient s’entendre pour au moins commencer à donner une autre image à l’Assemblée ?
Déjà le fait que l’idée a été avancée que désormais, les députés eux aussi participent à l’élaboration de l’ordre du jour. C’est important car cela n’a pas été fait de 1960 à nos jours. On n’a presque pas eu de sessions plénières convoquées sur un ordre du jour essentiellement consacré aux questions internes de l’assemblée et demandé par des députés. Deuxièmement, il faudrait que dans l’initiative de la loi, ils aient la possibilité de voir lever les obstacles qui empêchent les lois d’être proposées. Ils considèrent aussi que sur la question de la recevabilité de la loi, sans remettre en cause le fait qu’une proposition de loi doive être envoyée au président de la République, l’idée a été émise qu’elle soit également envoyée au Conseil constitutionnel, de telle sorte que le président de la République puisse, en l’examinant, échanger avec le Conseil constitutionnel. Cela me paraît être une démarche qui mérite d’être approfondie.
Ce qui ressort le dialogue inter-institutionnel ?
Voilà. Par exemple le rapport de l’inspection générale d’Etat qui est remis tous les ans au président de la République, peut faire l’objet d’une ampliation auprès de la commission des Finances, pour être examiné par un comité restreint et voir la façon dont les services de l’Etat fonctionnent afin de pouvoir éclairer la lanterne des députés sans que cela ne fasse l’objet d’aucune fuite de quelque nature que ce soit. Comme ils demandent à être ampliataires du rapport élaboré par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) ou ampliataire du rapport élaboré par la Cour des comptes de manière à être au courant de la façon dont marchent les différents services de l’Etat. Ils ont fait des tas de propositions tellement riches et variées qui toutes sont des propositions de responsabilités, d’ouverture, et qui incontestablement vont donner à l’Assemblée nationale une nouvelle image. Je suis sûr et certain que nous avons là ouvert les portes du renouveau, les portes vers la véritable rupture, les portes d’une Assemblée nationale qui va jouer pleinement son rôle, assumer ses responsabilités et éradiquer l’image plus ou moins négative que nous avons dans le pays.
Le fameux phénomène partisan n’est-il pas un risque de blocage ?
Dans le cadre de la réunion que nous sommes en train de tenir (NDLR : l’entretien a eu lieu samedi), on ne sent pas du tout les clivages politiques. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas au niveau de l’assemblée, mais il ne faut pas dédramatiser. Nous sommes dans une assemblée pluraliste et tout le monde est d’accord que notre assemblée doit continuer à être pluraliste, estimant que ce sont des questions d’intérêt commun. Il doit être possible d’être d’accord sur un minimum, de travailler ensemble dans cet état d’esprit. Et je suis sûr et certain que sur les grandes questions d’intérêt national, si des concertations sont établies avec les différents groupes et les non inscrits, à l’intérieur du Parlement, mais si également ces mêmes méthodes sont adoptées au niveau du gouvernement, sur des questions sensibles, il y aura un accord parfait qui se réalisera et les questions délicates pourraient être examinées dans un esprit de convivialité.
Quel est l’effort politique que l’Exécutif doit faire à ce niveau ?
Il faut que l’Exécutif comprenne que notre assemblée n’a pas pour mission de gêner. Quand nous posons des questions écrites ou orales, ce n’est pas pour gêner le gouvernement. C’est pour lui offrir l’occasion, en répondant à ces questions, de porter à l’opinion publique des éclairages indispensables sur les questions que les Sénégalais se posent. Il faut qu’il sache que ce n’est pas parce que nous voulons gêner le gouvernement. C’est parce que nous estimons qu’il y a des questions fondamentales qui méritent d’être clarifiées et sur lesquelles le président de la République peut recourir à l’expertise d’un député capable de lui produire un rapport éclairé. Les députés doivent accompagner le chef de l’Etat dans toutes les missions qu’il effectue à l’extérieur. Nous sommes aujourd’hui dans une sous région, il y a des tensions au niveau de la Guinée, je suis sûr et certain que le rôle que le Sénégal peut jouer pour baisser cette tension est essentielle. La communauté sénégalaise est importante en Guinée, nos rapports de voisinage sont étroits, les relations qui existent entre les deux chefs d’Etat sont excellentes, il doit y avoir quelque chose qu’on peut faire. Il y a donc des champs de coopération, de travail en commun, de réflexion, d’actions communes qui sont extrêmement nombreux (…) Pour le monde extérieur, le Sénégal a un leadership international incontestable et un leadership mondial qui s’affirme de plus en plus. Nous devons tous travailler à cela, parce que le Sénégalais est lui-même dans la grandeur.