Publié le 2 Jan 2025 - 13:23
VOEUX DE NOUVEL AN

L'abécédaire d'un discours rassurant et apaisant

 

S'affichant, pour une des rares fois, pour ne pas dire la première fois, avec les photos de ses prédécesseurs, de Senghor à Macky Sall, Bassirou Diomaye Faye s'est présenté comme un président rassurant, apaisant, soucieux de faire taire les clivages et déterminé à bâtir, avec toutes les composantes de la Nation, des consensus forts, pour un Sénégal “juste, prospère et souverain”. Reste à voir si les fruits tiendront, cette fois, la promesse des fleurs. 

 

Avenir

C'est un président qui semble être résolument tourné vers l'avenir qui s'est adressé à la Nation, le 31 décembre, à l'orée de cette nouvelle année 2025. Discours apaisant, rassembleur, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a revêtu ses habits de mars 2024, pour appeler à l'unité et à la réconciliation de tous les Sénégalais, dans le but de réussir son pari de bâtir un Sénégal “juste, prospère et souverain”. 

Au début de son magistère, le chef de l'État avait, à maintes reprises, émis son souhait de réconcilier les Sénégalais. Mais durant les mois qui ont suivi, l'action de son gouvernement s'est inscrite dans un cadre diamétralement opposé, avec plusieurs foyers de tensions : asphyxie économique et financière des médias, pression fiscale pour la plupart des entreprises, suspension de nombreux chantiers, licenciements tous azimuts de travailleurs... 

Sur le plan politique, on se rappelle les polémiques relatives à l'audit des comptes publics - un sujet crucial qui a été royalement ignoré par le chef de l'État lors de son discours à la Nation - les passes d'armes avec l'ancienne majorité sur des sujets comme la déclaration de politique générale, la suppression de certaines institutions, mais aussi la dissolution de l'Assemblée nationale. Dans son allocution, le président Faye s'est voulu assez concilient et a innové en affichant, en arrière-plan, les photos de tous les anciens présidents : de Senghor à Macky Sall, en passant par Diouf et Wade. 

Bonne gouvernance

C'est la principale promesse du président de la République. Une gouvernance transparente et efficace durant son quinquennat. Et 2025 devrait, à entendre son discours, constituer une année charnière, avec beaucoup de réformes attendues sur tous les plans.

Diomaye s'engage, dans ce cadre, à lutter fermement contre la corruption endémique. “Si nous voulons le changement, a-t-il insisté, nous devrons résolument être prêts à nous réformer nous-mêmes, dans nos comportements face au bien public et dans notre manière de servir la collectivité”.

Le président de la République a fait des annonces concrètes dans ce sens. D'abord, une modification de la loi portant statut général de la Fonction publique. Ensuite, quatre lois sur la transparence et la bonne gouvernance. Parmi ces lois : la protection des lanceurs d’alerte ; la réforme de l’organe de lutte contre la corruption ; l’accès à l’information et la déclaration de patrimoine. 

Il convient là aussi de rappeler que depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l'État a annoncé pas mal de textes dans ce cadre. Concernant la loi sur les lanceurs d'alerte, il l'avait voulu dès les premières semaines de son installation, mais depuis lors, le texte semble avoir du mal à sortir des labos du ministère de la Justice. Idem pour la loi relative à l'accès à l'information. Quant à l'extension de la déclaration de patrimoine, elle s'ajoute à l'arsenal déjà très contraignant envisagé pour renforcer la transparence dans la gouvernance.

Concertations et dépassement 

2025, c'est aussi une année de concertations entre les différentes composantes de la Nation, si le président de la République respecte son engagement. Objectif : “Faire de chaque citoyen un acteur décisif de la rupture et de la construction nationale.” Il faut noter que le régime Diomaye avait bien démarré dans cette perspective avec les Assises nationales de la justice, mais par la suite, cela a été particulièrement heurté avec certaines composantes, en particulier l'opposition et les médias.

Pour les concertations à venir, il y a les assises nationales des daaras ; les concertations sur l’enseignement supérieur, mais aussi et surtout par rapport à la rationalisation des partis politiques, pour ne citer que quelques exemples. 

Toujours dans son discours de Nouvel An, le président a insisté sur la nécessité d'un esprit de dépassement pour construire la paix, indispensable pour s'engager sur les chemins de la prospérité. Telle la colombe, Diomaye a lancé un appel plein d'optimisme à la classe politique et à toutes les forces vives de la Nation.

Il faut noter que le limogeage de son clivant ministre conseiller et chargé des Moyens généraux de la présidence sonne comme un signal fort. Cela a été perçu, par beaucoup, comme un magnifique cadeau de fin d'année. Une volonté de faire taire certaines querelles. 

Égalité

Conscient du grand espoir placé par les Sénégalais sur sa personne, le chef de l'État a pris des engagements forts pour favoriser l'égalité des chances et promouvoir le mérite comme principal critère pour accéder aux emplois publics. Dans ce cadre, il engage son gouvernement à lancer, dès le premier trimestre, la plateforme dénommée “’Ligeeyal sa reew’ qui permettra à chaque Sénégalais, d’ici comme de la diaspora, de déposer sa candidature aux postes publics en compétition ou de proposer des projets et opportunités d’investissement”. 

Reste à voir quels seront les postes qui seront concernés par cette ouverture à la compétition. Le chef de l'État a engagé le Bureau organisation et méthode (Bom) à identifier les postes clefs devant être mis en compétition, de proposer des modèles types de fiches de postes et des règles d'organisation et de fonctionnement du comité de sélection des candidats.

Ceci correspond, à bien des égards, à un des engagements forts du Pastef, à savoir l'appel à candidatures pour accéder à certains postes, qui a été mis à rude épreuve durant les premiers mois de gouvernance. 

Fierté gouvernance et héritage

“Nous sommes un peuple singulier.” Le président de la République n'a pas manqué d'imagination pour magnifier et vanter la grandeur du peuple sénégalais et son attachement à la paix et à la stabilité. Un héritage qu'il tient à préserver à tout prix. Fier de la trajectoire du Sénégal et de la résilience de son peuple, il invite tout un chacun à s'approprier cette histoire, pour mieux faire face à l'avenir qui nous attend. “Nous devons plus que jamais nous rappeler qui nous sommes. Et nous revêtir du majestueux manteau hérité de nos devanciers, fait des valeurs précieuses que nous avons pris l’engagement de remettre au cœur de notre projet de société et de promouvoir”, s'engage-t-il, en insistant sur la nécessité de renforcer la gouvernance et de préserver cet héritage. 

Inclusion

Comme pour marquer sa bonne foi, son esprit d'ouverture et de dépassement, le chef de l'État a aussi pris des engagements fermes, allant dans le sens d'impliquer les partis politiques et la société civile dans la gouvernance des affaires publiques. C'est ainsi qu'il faudra comprendre le décret qu'il a pris relatif à l'organisation du Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz (Cos-Petrogaz).

Selon Diomaye, cette réforme vise à y donner plus de place à l’opposition, à la société civile, aux syndicats et à l’Ordre national des experts. Le successeur de Sall s'engage, dans la même dynamique, à des réformes institutionnelles profondes au cours de l'année 2025, comme cela a déjà été entamé avec la suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). 

Justice

L'an 2025 pourrait aussi être marqué par la mise en œuvre des recommandations fortes issues des Assises nationales de la justice. Le chef de l'État a d'ailleurs annoncé l'existence d'un comité restreint qui a été mis en place “pour l’identification des lois et décrets à prendre ou à abroger”. Lequel est déjà à pied d’œuvre pour matérialiser les consensus forts issus des assises de la justice, a insisté le président de la République. Lors de ces assises, il y a eu environ 30 recommandations fortes sur lesquelles ledit comité devra se pencher.

En tout cas, la mission s'avère cruciale, si l'on sait la centralité de cette question judiciaire dans l'apaisement du climat politique. Comment faire pour placer l'institution judiciaire au-dessus de tout soupçon ? Voilà la question qu'il faudra adresser de manière efficace, afin de lutter contre toute instrumentalisation politique des affaires judiciaires. 

Sous ce registre, le ministre Ousmane Diagne est appelé à jouer un rôle de premier plan. Parmi les dossiers en attente, il y a certes la reddition des comptes, mais aussi les crimes notés lors des crises de 2021 à 2024. Pour le président de la République, c'est une dette morale de travailler à faire la lumière sur les événements qui se sont déroulés durant cette période.

Rappelant son engagement pour le triomphe de la vérité dans l'affaire du massacre de Thiaroye 44, il affirme avec force : “Nous ne pouvons rechercher la vérité sur des faits survenus il y a 80 ans et accepter l’omerta sur les événements tragiques vécus ces quatre dernières années.”

Leadership, mémoire, nouveauté 

Son leadership n'est plus à démontrer. Le président s'est encore illustré comme une personnalité qui sait prendre de la hauteur, se passer des esprits va-t’en guerre et autres faucons dans son entourage qui veulent promouvoir la haine un peu partout dans la société. Pour autant, il garde en mémoire les faits graves qui se sont déroulés et s'est encore montré ferme sur un certain nombre de principes, notamment la reconnaissance et le devoir de mémoire envers les anciens et les victimes des crises. Il ne s'est pas contenté de s'afficher avec les anciens présidents, il a aussi limogé l'un de ses plus proches collaborateurs, dont la dernière faute a été de critiquer les tirailleurs. C'était d'ailleurs l'une des plus grandes nouvelles de cette fin d'année pour les Sénégalais. En sus de la kyrielle de mesures annoncées pour cette année qui s'ouvre. 

Paix et ouverture 

La conciliation, le dépassement, la justice. Tout ça devrait contribuer, selon le président Faye, à la construction d'un Sénégal de paix, où il fait bon vivre. Dans son discours, la paix a occupé une place centrale. Car, estime le président de la République, il ne saurait y avoir de véritable progrès sans une paix durable. C’est pourquoi, renchérit-il, l’une de ses priorités reste la paix définitive en Casamance. “C’est un impératif pour permettre à tous les projets de développement, portés par la Vision Sénégal 2050 dans le pôle économique Sud, de voir le jour”.

 Dans la même veine, Diomaye s'inquiète de la montée du communautarisme et des discours de haine qui se propagent parfois dans les médias traditionnels et très souvent dans les réseaux sociaux. Il appelle à lutter contre ces dérives qui fragilisent le vivre-ensemble. Il prêche l'ouverture pour consolider ce bien précieux qu'est la paix, qui constitue l'une des marques de fabrique du Sénégal. 

Réformes, redressement et rationalisation 

2025 sonne aussi comme une année de redressement, de réformes, mais aussi de rationalisation. En ce qui concerne les réformes, c'est surtout par rapport aux institutions, à l'Administration, mais aussi aux différentes lois en vigueur dans de nombreux secteurs. Le successeur de Macky Sall s'engage ainsi dans le vaste chantier de la rationalisation des partis politiques, agité depuis des années, mais jamais matérialisé. Pour lui, le nombre pléthorique de partis politiques est favorisé par une application trop laxiste des textes.

Cela a conduit, selon lui, à une fragmentation excessive et une inflation préoccupante, préjudiciable à une respiration démocratique de qualité. Diomaye s'engage ainsi à y mettre un terme, en engageant dans un avenir proche des concertations avec tous les acteurs. 

Sécurité, unité et vérité 

Dans les semaines et mois à venir, devrait se matérialiser la volonté du président de la République de reprendre les bases occupées par l'armée française au Sénégal. Diomaye l'a réaffirmé dans son discours à la Nation, non sans informer de sa volonté de doter le pays d'une nouvelle doctrine de coopération militaire basée sur le respect mutuel. 

Conscient de l'étendue des chantiers annoncés, le nouveau président du Sénégal en appelle à l'unité de tous les Sénégalais pour relever les nombreux défis promis dans le cadre de l'agenda Sénégal 2050. “... Cette exigence d’unité et de fraternité quasi existentielle pour bâtir l’avenir que nous voulons nous rappelle l’importance de cette communion nationale autour de la même flamme de l’espoir, de la solidarité et du vivre-ensemble”, lance-t-il humblement à l'endroit de tous les compatriotes, insistant sur la “mobilisation de toutes les énergies” ; le nécessaire “esprit de solidarité, de tolérance, de don de soi et de dépassement”. 

Parlant de la justice sur les événements qui se sont déroulés entre 2021 et 2024, le chef de l'État a tenu à rassurer tout le monde qu'il ne s'agira pas de règlement de comptes ou d'une quelconque volonté de vengeance. Il s'agit juste de faire éclore la vérité et de rendre justice aux familles. 

MOR AMAR

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