Retour sur le clash qui oppose Rohff, Booba et La Fouine
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Pour que le rap fasse les gros titres de la presse généraliste, deux moyens infaillibles : des ventes colossales comme celles de Sexion d’Assaut (700 000 exemplaires vendus de leur album L’Apogée, disque de diamant) ou, encore plus efficace, un bon scandale, voire une grosse baston. On est dans le dernier cas de figure avec la série de "clashs" qui ont opposé Rohff, Booba et La Fouine. On retrace pour vous la chronologie des faits et des mots bleus.
D’abord, une précision : le clash n’est pas une nouveauté. Dès les débuts du rap dans les quartiers new-yorkais, au milieu des années 1970, les joutes verbales étaient monnaie courante. Se défier avec des mots était un moyen d’éviter la confrontation physique et de remplacer les armes à feu par celles du langage.
Dans les années 1980, quand le rap a commencé à acquérir une notoriété médiatique, on a fait grand bruit de la joute entre KRS-One et MC Shan. Le premier affirmait que le rap était né dans le Bronx, le second à Brooklyn. Plus tard, Jay-Z a affronté Nas à coup de rimes brutales, pour finir par se réconcilier sur un tapis de dollars, à l’américaine. Mais le clash dont tout le monde se souvient, c’est celui de la West Coast contre la East Coast, de Tupac contre Notorious Big, qui conduisit à l’assassinat des deux artistes à six mois d’intervalle, le 13 septembre 1996 et le 9 mars 1997.
Alors, la version française de ces luttes de pouvoir est-elle aussi musclée et mortifère que celle des parrains américains ? Précisons d’abord le contexte. Au début des années 2000, Rohff travaille sur son album La Vie avant la mort. Il a prévu d’y inclure le titre C’est nous la rue, featuring Booba et Rim-K du 113. Mais le morceau reste dans les placards à cause d’un blocage de Booba, du moins c’est ce que pense Rohff. Qui en conçoit une certaine rancœur. Les deux artistes se regardent en chiens de faïence et ne s’apprécient plus guère depuis.
Premier Scud
Les années passent et Booba, en apéritif de son dernier album Futur, lâche le titre Wesh Morray, un tacle contre un adversaire qui n’est pas nommé. Rohff se reconnaît et décide de répliquer en chanson : Wesh Zoulette sort sur internet. L’attaque est frontale, Booba y est décrit comme un imposteur, un rappeur aux rimes faibles. Fin du premier round.
Deuxième épisode : La Fouine entre en jeu. Voilà quelques années, il a enregistré un duo avec Booba, Reste en chien. A priori, aucun malaise entre les deux artistes. Mais dans son titre Paname boss, La Fouine lance ces rimes : "J’entends parler de ce clash sur les ondes / Mais comme un appel à la mosquée, tu peux pas répondre". En plus, il se livre lui aussi à une attaque contre Booba dans une longue interview vidéo sur son site.
Booba réplique avec AC Milan, clash atomique dans lequel il insulte Rohff et accuse La Fouine d’avoir molesté une mineure, se basant sur son fichier STIC [Système de traitement des infractions constatées, issu du ministère de l'Intérieur, ndlr] dont l’authenticité n’est pas établie, révélé par un site web. Un petit extrait : "Qui vous met en hass ? Grand Sénégalais au sexe long/ R. O. H. 2 fesses, tu ne peux braquer que ton petit frelon (…) Ça joue les criminels, ça braque des foufounes, oh non ! / La Fouine n’as tu pas honte ? Agression sexuelle sur enfant". Moins d’une semaine après ce missile, La Fouine réplique avec Autopsie 5, dont le titre fait référence à une série de disques de Booba. Extrait : "Descends qu’on boive un verre, arrête tes sales besognes / Je ne vais pas aux putes, je ne peux pas détrôner le Duc du Bois de Boulogne / Je suis DSK, t’es femme de ménage, rappe au Sofitel". Léger avantage à La Fouine, mais les deux morceaux sont de qualité.
Ça se corse
Troisième acte : Booba et La Fouine annoncent à quelques heures d’intervalle deux chansons au même titre, TLT. Celle de Booba est un appel au meurtre ("Tue-Les Tous"), celle de La Fouine une mauvaise blague ("T’as La Tremblote"). Léger avantage à Booba, mais les deux morceaux sont médiocres.
Dernier round : un tireur mystérieux place deux balles de 22 Long Rifle sur la voiture de La Fouine. Fin de la récré. La Fouine porte plainte et explique au quotidien Le Monde que l’escalade de la violence doit cesser. Rohff passe chez Ali Badou sur Canal + pour dire que même s’il n’apprécie pas Booba, la haine doit rester musicale. Booba se tait. Fin de l’embrouille ? Peut-être.
C’est Oxmo Puccino qui a eu les propos les plus sensés : "Qu’ils se réunissent dans un projet commun, ce serait l’apothéose, un pied de nez à tous ceux qui portent de l’intérêt à leurs problèmes". Une combinaison Booba/La Fouine/Rohff ? Ce serait un beau symbole. Mais on repense à une rime de Booba : "Chez nous les happy endings n’existent qu’au salon de massage". Dommage.
RFI