Le réquisitoire du ministre Ousmane Diagne
Le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a annoncé la tenue des assises de la justice, dans le cadre du dialogue national prévu le 28 mai prochain pour réformer la justice et l’adapter aux besoins de transparence et d'équité au service des citoyens. Il souligne que le président Bassirou Diomaye Faye entend réformer le ministère de la Justice afin de le consolider dans le temps et de le rendre plus accessible aux Sénégalais. Le garde des Sceaux annonce une suite judiciaire aux rapports des corps de contrôle.
La réforme de la justice a longtemps été le vieux serpent de mer de tous les régimes qui ont promis d’en faire un des piliers de notre démocratie. Conformément à leur promesse de campagne électorale, le duo Diomaye-Sonko, qui a promis de la rendre la plus efficace et plus proche des aspirations des citoyens, va lancer la cérémonie d’ouverture de la 4e édition du Dialogue national axée sur le thème “La réforme et la modernisation de la justice”. Ce sera au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio, le mardi prochain.
Cette rencontre, qui aura les allures d’assises nationales, verra la participation de tous les acteurs de la justice, notamment l’Union des magistrats du Sénégal, l’Amicale des femmes magistrates, l’Union nationale des travailleurs de la justice, le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust), les différents ordres professionnels (avocats, notaires, huissiers, commissaires-priseurs, experts agréés…), services de l’Administration pénitentiaire, les anciens détenus, les partenaires techniques et financiers (PTF), les représentants d’institutions comme l’Assemblée nationale, le HCCT, le Cese, les organisations de la société civile (patronat, syndicats), les coalitions et partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Sans oublier les collectivités territoriales, les administrations publiques, le ministère des Finances et du Budget, d’autres administrations habilitées et des universitaires. Les autorités coutumières et religieuses ainsi que des personnalités indépendantes devraient aussi marquer de leur présence ce dialogue.
Cette large concertation de tous les corps sociaux et des différentes structures étatiques vient compléter le lancement, jeudi dernier, de la plateforme en ligne Jubbanti (www.Jubbanti.sec.gouv.sn, redresser, en wolof) destinée à recueillir les préoccupations des citoyens.
Hier, Ousmane Diagne, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dans un entretien avec nos confrères de l’Agence de presse sénégalaise (APS), est largement revenu sur l’importance de ces assises de la justice qui, selon lui, vise à identifier les dysfonctionnements supposés ou réels de ce secteur et les moyens d’y remédier au mieux des intérêts de la République. ‘’L’objectif du président de la République, qui en est le principal initiateur, c’est que la justice puisse faire l’objet d’un débat le plus ouvert, le débat des populations, des professionnels de la justice, de tous les segments de la société’’, déclare-t-il.
Une démarche méthodique
Dans cette même dynamique, l'ancien avocat général à la Cour suprême précise que cette rencontre va permettre d’identifier les maux de la justice, permettre à tout le monde de donner son avis, parce que la justice, ce n’est pas uniquement l’affaire des magistrats et des professionnels de la justice.
Pour l’ex-doyen des juges, ‘’cette 4e édition du Dialogue national doit également déboucher sur la modernisation des procédures en instituant des plateformes dématérialisées, en améliorant le fonctionnement du système judiciaire par l’allocation de moyens budgétaires suffisants’’.
D’autres thématiques comme le statut des magistrats, l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, la dématérialisation du service public de la justice, le temps du procès pénal seront. Les travaux sur le régime de la sanction pénale, particulièrement sur le cadre juridique et institutionnel de l’Administration pénitentiaire, les conditions de détention et de préparation à la réinsertion sociale des détenus, le régime de la privation de liberté, la prise en charge des enfants en danger ou en conflit avec la loi seront aussi au menu des discussions.
Le calendrier et l'organisation du dialogue prévoient l’instauration de commissions de travail spécialisées.
Une commission scientifique sera chargée de la synthèse et du rapport des actes du dialogue ainsi que des travaux en plénière pour des discussions et débats ouverts. Une autre commission planchera sur la synthèse qui sera réalisée par le modérateur, afin de récapituler les principales conclusions.
Au terme des travaux, il est attendu des rapports thématiques et un rapport général.
Après la cérémonie d’ouverture, des commissions et sous-commissions seront mises en place. Les travaux vont démarrer le mercredi et se poursuivront jusqu’au lundi 3 juin. La restitution sera faite le mardi 4 juin, déclare Ousmane Diagne.
Les conclusions de ces assises des travaux vont permettre au Sénégal de ‘’disposer d’un régime de privation de libertés mieux encadré’’.
Par ailleurs, explique l’ex-procureur général, ces échanges vont permettre la mise en place d’un système de gestion de la carrière des magistrats plus transparent, l’aménagement d’un dispositif législatif et institutionnel favorisant la célérité dans le traitement des procédures judiciaires.
Toujours selon le garde des Sceaux, ‘’le dernier mot de ces consultations va revenir aux participants aux assises de décider des principaux axes de réforme de la justice et le président de la République après ces discussions’’, fait-il savoir dans l’entretien.
Reddition des comptes et indépendance judiciaire
Concernant le projet de loi portant sur la protection des lanceurs d’alerte, le ministre de la Justice, garde des Sceaux s’est voulu rassurant sur la faisabilité de ce projet de loi. ‘’On est très en avance. On a beaucoup travaillé sur ce texte portant sur les lanceurs d’alerte et évidemment chaque chose en son temps. Mais je peux vous assurer que nous avons déjà rédigé un texte dans ce sens qui sera soumis à l’appréciation du président de la République qui décidera de la suite à lui accorder’’, a déclaré Ousmane Diagne.
Dans le domaine de la reddition des comptes, le ministre de la Justice a indiqué que des suites judiciaires seront données ‘’sans faiblesse et en toute objectivité’’ aux manquements et autres reproches pointés du doigt par la Cour des comptes et d’autres organes de contrôle. ‘’La plupart des corps de contrôle, à commencer par la Cour des comptes, dans leurs conclusions, ont demandé des poursuites. Il appartiendra aux organes de poursuite, en particulier les services du procureur de la République et du parquet, d’examiner les rapports au cas par cas et d’apprécier la suite à donner’’, a-t-il déclaré.
Cette démarche de transparence et d’indépendance de la justice ne pourra se réaliser qu’à travers la saisine d’un juge d’instruction pour chaque cas et laisser la pleine latitude au magistrat instructeur d’apprécier la conduite. Le ministre de la Justice se défend de toute volonté de procéder à des règlements de comptes politiques. ‘’Il n’y a pas de règlements de comptes. Il faut juste répondre de ses actes. Il faut que les personnes concernées puissent répondre des reproches et griefs qui sont formulés contre elles’’, a fait savoir Ousmane Diagne.
‘’La finalité d’un rapport, dès lors que ses auteurs préconisent des poursuites, ne saurait être que des poursuites qui seront initiées et confiées à des magistrats indépendants, expérimentés qui, en toute indépendance et de façon objective, sont appelés décider de la suite à donner et éventuellement des peines à distribuer’’, a encore rappelé le M. Diagne.
MAMADOU MAKHFOUSE NGOM