Le virage stratégique de Cheikh Amar
À 42 ans, l'entrepreneur sénégalais Cheikh Amar, déjà présent dans le matériel agricole, l'immobilier et l'automobile, veut relancer les phosphates de Matam. Sept cents millions de dollars pour exploiter les phosphates de Matam (Nord) au Sénégal : l'accord signé la semaine dernière entre un consortium dont le nom n'a pas été communiqué, regroupant des Canadiens, des Égyptiens et des Libanais, et le Sénégalais Cheikh Amar est déjà qualifié d'historique. L'homme d'affaires n'est pas un inconnu dans le paysage économique de son pays. Patron d'Amar Group Holding, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 45 milliards de F CFA (68,6 millions d'euros), il a connu une ascension fulgurante depuis son retour de France en 2001.
Né à Saint-Louis, cousin d'Ameth Amar, le patron de la Nouvelle Minoterie africaine (NMA), Cheikh Amar, aujourd'hui âgé de 42 ans, a étudié en France, où il a obtenu un brevet de technicien supérieur (BTS) en commerce. C'est toujours dans l'Hexagone qu'il a débuté sa carrière, en intégrant le géant de la distribution Leclerc. Mais en 2002, il retourne au Sénégal pour créer sa propre entreprise : Tracto Service Équipement (TSE), une société spécialisée dans l'importation et la maintenance de matériel agricole. Il bénéficie du soutien de la communauté religieuse mouride, et notamment du khalife général, Serigne Saliou Mbacké, qui lui confie rapidement l'approvisionnement et l'entretien du matériel de son exploitation de Khelcom (45 000 ha dans le bassin arachidier du Sénégal). Mbacké présentera d'ailleurs son protégé à l'ancien président Abdoulaye Wade, dont il deviendra un intime. D'aucuns attribuent sa réussite à cette rencontre. « Je ne doute pas qu'il soit juste intelligent », le défend cependant un proche. L'homme d'affaires prospère et se diversifie dans l'immobilier (notamment aux Almadies, à Dakar) et dans l'automobile en intégrant le pool d'actionnaires de Seniran, qui assemble des automobiles à Thiès avec les Iraniens de Khodro.
Privatisation de la SERPM
Père de trois garçons, marié à une métisse française rencontrée à Paris, Cheikh Amar se lance en 2008 dans le rachat de la Société d'études et de réalisation des phosphates de Matam (SERPM). Créée en 2007 par l'État, qui en détenait 51 % aux côtés d'actionnaires privés, la société a entièrement été privatisée au profit de Cheikh Amar. « Personne, pas même les ICS [Industries chimiques du Sénégal, NDLR], ne voulait investir », insiste-t-il, comme pour répondre à la polémique naissante sur la manière dont l'entreprise lui a été vendue. Grâce au partenariat signé la semaine dernière, il compte, entre autres, ouvrir une usine d'engrais, une autre d'acide phosphorique, acheter du matériel minier ou encore construire une cité ouvrière.
(Jeuneafrique)