Les activités bloquées à Dakar
La ville de Dakar était sous haute surveillance, hier. Un important dispositif sécuritaire était mis en place dans toute la ville, notamment au niveau du palais de Justice où Ousmane Sonko a été entendu sur le fond dans l’affaire l’opposant à la masseuse Adji Sarr. Cela n’a pas été sans conséquence sur l’activité économique et la libre circulation des personnes.
La ville de Dakar était en état d'alerte, hier. Le dispositif sécuritaire n’était pas seulement déployé au palais de Justice et ses environs ; les forces de l’ordre étaient présentes dans tous les points stratégiques. ‘’On dirait qu’on est en guerre civile’’, disait Ousmane Sonko.
Le leader du Pastef/Les patriotes, en effet, était convoqué, hier, par le juge d’instruction pour être auditionné sur le fond, dans le cadre de l’affaire l’opposant à la masseuse Adji Sarr. Le déploiement impressionnant des forces de sécurité était pour parer à toute éventualité. Mais il n’y a eu aucun incident.
Toutefois, cela n’a pas été sans conséquence. Ceux qui travaillent aux alentours du palais de Justice de Dakar en ont payé les frais. D’habitude très animée avec des tohubohu, la ville était presque déserte. Sidy Wade est un jeune soudeur métallique. Trouvé dans son atelier en train de modifier une ‘’moto-Jakarta’’ en tricycles pour des personnes en situation de handicap, il confie : ‘’Nous n’avons pas vu de clients. On dirait que c’est un jour férié. Rien ne marche, tout est bloqué actuellement. Nous sommes là seulement pour terminer certaines tâches laissées en suspens.’’ Et pour cause ! Tous les accès qui mènent vers l’institution judiciaire sont barricadés, les entrées strictement filtrées.
Plus loin, Cheikh Diokhané est en train de surveiller la décharge de ses marchandises. Il travaille dans le transport de bagages de commerçants de Banjul à Dakar ou de Dakar vers les régions. L’audition d’Ousmane Sonko d’hier a fortement impacté son activité. ‘’Nous éprouvons beaucoup de difficultés. Les politiques doivent prendre en compte les débrouillards. Cette convocation a une conséquence négative sur notre travail''.
En effet, à 14 h, beaucoup avaient déjà baissé rideau. La majeure partie des commerçants n’ont, en aucun moment de la journée, ouvert leur boutique, de peur qu'il y ait de la violence. D’ailleurs, les pneus qui traînaient sur la place ont été déplacés pour amoindrir les éventuels incidents.
Des élèves empêchés d’aller à l’école par le dispositif
À quelques mètres de la gare des bus Tata de la ligne 3, un groupe de garçons et de jeunes filles devisent. Certains semblent revenir de l’école. ‘’Les policiers n'acceptent pas de nous laisser passer. On ne peut pas traverser l’allée qui mène à notre établissement scolaire. Ce n’est pas normal. Ils disent que les gosses de Rebeuss sont impolis’’, témoigne Ousmane, élève au lycée Lamine Guèye. Il porte un maillot et un short.
Pourquoi n’avoir pas daigné faire un détour et emprunter le long chemin de l’école ? Il répond : ‘’Au fait, vu la position du tribunal, on peut dire que notre quartier est encerclé. On ne peut bouger nulle part.’’
Ainsi, beaucoup d’élèves ne se sont pas rendus à l’école, hier.
Jeune fille ayant abandonné les études, Mariama Ba est au milieu de ces élèves de son âge. Elle était venue ici pour vendre des fruits. ‘’J’habite à Colobane et c’est en ville que je vends des fruits tels que la mangue. Je prends les ‘cars rapides’ pour mes déplacements. Mais là, c’est très difficile d’en apercevoir’’, déclare la jeune fille qui ne s’ennuie pourtant pas à jaser auprès de ses compagnons.
Cette situation exaspère Pape Diallo, un jardinier trouvé au garage Lat Dior. Il fume sa cigarette en s’adossant à un bus, le temps que la voiture démarre. En arrivant au centre-ville tôt le matin, il a eu un problème pour trouver un véhicule. Pour rentrer, il va devoir patienter davantage. ‘’On devrait se préoccuper d’autres choses que cette affaire qui ne mène pas le pays vers le développement’’, dit-il. ‘’Je déplore le fait qu’on poursuive Sonko comme ça, alors qu’il n’a rien fait’’. À la question : qui vous a dit cela ? Il rétorque : ‘’Je trouve tout simplement que cette affaire est louche. Mais laissons la justice faire son travail, afin qu’on puisse tourner la page.’’
Mame Cheikh Diouf repeint les voitures. Son garage fait face au tribunal. ‘’Ousmane Sonko nous a convaincus. Macky Sall doit savoir qu’en ce bas monde, rien n’est important. Tout a une fin. Nous avons beaucoup, d’énormes problèmes aujourd’hui, parce que les voitures ne peuvent pas accéder à notre site’’, peste-t-il. Aux jeunes, il conseille de penser à leur avenir : ‘’C’est bien de suivre un homme politique, mais il ne faut pas se sacrifier. Il faut être prudent.’’
Hier, Ousmane Sonko avait demandé à ses militants et sympathisants de vaquer à leurs occupations et de le laisser seul répondre à la justice. Il avait même demandé aux leaders de Yewwi Askan Wi de ne pas effectuer le déplacement. ‘’Il faut combattre avec intelligence et non pas avec violence. On est dans une guerre tactique. Il faut être stratège. On ne doit pas suivre l'État dans sa stratégie du chaos’’, conseillait-il. Mais certains ont quand même voulu le soutenir. C’est le cas de Basse Cissé, habitant de Keur Massar. ‘’C’est une convocation politique. Parce que c’est en ces périodes où Sonko fait ses tournées ‘Némeeku Tour’ qu’il est convoqué. Ses tournées n’arrangent pas le président Macky Sall. Il y a aussi le scandale des 45 milliards sur l’achat d’armes. La convocation d’Ousmane Sonko est un moyen de noyer cette affaire. On espère qu’il sera libre pour pouvoir continuer ses activités politiques’’, dit-il, regrettant la présence massive des forces de l’ordre. ‘’Ce n’est pas normal qu’on lui fasse subir tout cette peine. Il doit être libéré, parce qu’il a des choses beaucoup plus importantes à faire’’, dit-il.
Aïssatou Camara fait partie des groupes de jeunes qui ont effectué le déplacement, pour soutenir Ousmane Sonko. Militante de Barthélemy Dias, elle habite à la Sicap Baobab. ‘’Je viens le soutenir, parce qu’il aime Barth. Il est vraiment son ami. Ça me fait mal de voir Ousmane Sonko faire des va-et-vient au tribunal. On doit le laisser tranquille, au lieu de le convoquer chaque fois qu'ils en ont l’envie. Le dossier est vide’’.
Chapelet autour du cou, Ndongol Serigne Fallou est trouvé dans un garage en train de jouer aux mots fléchés. Il déclare : ’’La convocation est tout à fait normale. Sonko est un citoyen sénégalais comme nous autres. Quand la justice t’appelle, il faut répondre. Il faut croire en notre justice. On espère que la vérité sera dite.’’
BABACAR SY SEYE