Les confessions d'un détenu
Pour les musulmans qui passent traditionnellement la fête de Tabaski en famille, il est difficile de la vivre loin des siens. Encore plus dans un milieu carcéral. Contre mauvaise fortune, ceux qui sont en détention font bon cœur. Un prisonnier raconte l'Aïd el Kebir en taule.
Il est prison depuis 11 ans. Et donc a vécue 11 Tabaski en taule dans un établissement pénitentiaire dont nous tairons le nom, pour protéger notre source. Sous le couverte de l'anonymat, donc, Assane (nom d'emprunt) confie son Aïd El Kebir particulier. ''Les conditions sont difficiles, plus pour certains que pour d'autres, mais on s'habitue'', explique-t-il. D'après lui, le jour-j, un imam est requis pour diriger la prière. ''L'imam apporte un mouton qu'il immole à la fin de la prière. Il arrive que des célébrités, comme le chanteur Salam Diallo, viennent prier avec nous à chaque Tabaski, et pour la Korité (Aïd El Fitr). C'est une manière pour eux de communier avec nous et de nous donner un peu de joie'', narre Assane, condamné à une peine de plus de dix ans pour une affaire d'assassinat. En plus du mouton de l'imam, le directeur de la prison en offre deux à trois aux détenus.
''Mais, déplore notre interlocuteur, les repas préparés avec ces moutons sont souvent peu immangeable. Personnellement, depuis plus de trois ans, je n'en mange plus''. En fait, les prisonniers préfèrent les repas que leur font parvenir les parents. ''Je reçois ma part de la grillade, de la sauce et de la boisson'', confie notre source, notant que les détenus partagent leurs mets avec leurs co-prisonniers étrangers sans attache familiale au Sénégal. A en croire Assane, ''la situation est plus difficile pour les étrangers, ils sont obligés de consommer ce qu'on leur sert à la prison''.
''Je porte un boubous très classe''
Côté sape, Assane dit avoir la possibilité d'être sur son trente-et-un. ''Cette année, j'ai un boubou très classe qui coûte plus de 50 000 francs CFA, bien brodé. J'ai la chance d'avoir des amis friqués, qui me donne des habits et de l'argent''. Tous les prisonniers n'ont cependant cette baraka, souligne-t-il.
Tradition oblige, la Tabaski est l'occasion de battre sa coulpe auprès des autres des proches, amis et autres connaissances. Pour les détenus, cela se fait au téléphone : ''Depuis deux ans, je n'appelle plus ma mère le jour de la Tabaski, parce qu'elle pleure à chaque fois et me fait pleurer par la même occasion. Je préfère attendre le lendemain ou le surlendemain de la fête pour l'appeler'', raconte Assane d'une voix triste.
Ces moments de joie éphémère n'éloignent pas trop les détenus de leur sort. Ils n'ont pas plus de possibilités de se mouvoir que d'ordinaire. Les heures de circulation libre dans la cour de la prison ne change pas le jour de la Tabaski. ''Il n'y a pas de différence entre la Tabaski, la Korité et les jours ordinaires. Dans notre prison, nous avons la liberté de circuler librement dans la cour de 9h à 17h''.
Des exceptions
Cependant, l'administration pénitentiaire offre à des prisonniers veinards le privilège d'aller fêter le mouton à domicile, à en croire notre interlocuteur. ''Il y a des prisonniers qui bénéficient de permission qui leur permet d'aller passer la Tabaski chez eux. Mais ce n'est pas n'importe quel prisonnier qui y a droit, ce sont les prisonniers à qui il ne reste qu'un ou deux mois d'emprisonnement et qui ont fait montre de discipline durant leur séjour carcéral''.
KHADY FAYE
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