"Ziguinchor'' perd le nord

''Insupportable, inacceptable, invivable''. Voilà les mots qui reviennent chez les riverains et travailleurs, voire passant de la rue Ziguinchor au Point E de Dakar pour qualifier les travaux de renforcement du réseau électrique de la Senelec. Ce chantier sans fin de creusement de tranchées est dénoncé par le voisinage de la rue qui, entre résignation et colère, dénonce l’état de leur rue qu’il juge inadmissible. Les tubes orange de la société Compagnie Sahélienne d'entreprises (C.S.E) chargés de recevoir les futurs câbles électriques ont fini de se frayer un chemin à travers les trottoirs de la voie, laissant sur le bord de la chaussée inondée des tas de gravats et de pavés. Ces travaux qui se font à force de coups de pioches et de pelles visent l’installation d’un réseau d’appoint qui entre dans le cadre de la réalisation de boucle électrique de la Senelec pour le quartier de Point E. Ceci dans la cadre de la mise en œuvre du plan Takkal et qui a comme pilier le transformateur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
''Vous êtes journaliste ?'', interpelle un passant d’une trentaine d’années. Avant même la réponse, il nous prend le bras et se présente comme un propriétaire de deux magasins de vente de produits informatiques qui donnent sur la rue. Comme pour se libérer, il pointe d’un doigt accusateur teinté de désespoir l’état du trottoir défoncé au milieu duquel se trouve un trou rempli d’eau. Les ouvriers l'ont rebouché avec du sable sans l’avoir pompé au préalable, ce qui rend le sol instable, ajoute t-il. ''On n’arrive plus à avoir une vie paisible depuis le début des travaux qui nous causent beaucoup de désagréments, surtout avec l’hivernage qui a cours en ce moment. Le quartier fait face à des problèmes d’eaux stagnantes issues des pluies auxquelles s’ajoutent l’eau de la nappe qui ne manquent pas de remplir les tranchées non asséchées'', dénonce Dame Badiane. D’un geste ferme, il s’essuie le front en sueur avec un mouchoir comme pour se mettre à l’aise sous cette forte chaleur de ce début d’après-midi d'hier, et nous fait entrer dans son magasin vide à côté du siège d'Ecobank. Les vendeurs discutent dans un coin. Badiane confie avec un brin d’amertume connaître une chute de 75% de son chiffre d'affaires du fait d'une baisse de la fréquentation due à un problème d’accès au magasin.
''Pire à l'intérieur des maisons''
Des bandes blanc et rouge sont présentes pour rappeler l’interdiction de stationner pour les automobilistes. Et leurs nombreuses sollicitations auprès du maître d’ouvrage, en l’occurrence la CSE, sont restées vaines. ''La situation est bien pire à l’intérieur des maisons'', confesse de son côté Omar Ouédraogo devant une cavité remplie d’une eau visiblement insalubre à l’entrée d'un restaurant. Ces eaux usées ont envahi toutes les villas, dit-il. Il désigne une maison plutôt discrète. A l’intérieur, les pots de fleurs de la véranda baignent dans une mare d’eaux usées à la surface de laquelle s’accrochent des nuées de moustiques. ''Pensez-vous que ces conditions de vie sont dignes d’un être humain'', lâche la maîtresse des lieux, une femme d’une quarantaine d’années. Comme pour appuyer ses dires, elle s’en va appeler son mari qui arrive d’un pas lourd, la démarche chancelante et visiblement pas bien portant. Ces eaux sales ne facilitent pas sa convalescence. Il nous explique que l’arrière-cour est dans le même état. Il déplore avoir contacté à plusieurs reprises l’Office nationale de l’assainissement (ONAS) et la municipalité, mais il n’a obtenu aucune réponse. L’odeur acre des eaux usées gêne l'homme âgé qui s’empresse de rentrer dans sa chambre laissant à sa femme le soin de lancer une diatribe contre les travaux dans la rue, que les époux désignent être l'origine de tout leur malheur. ''Depuis le début du chantier, le réseau d’égouts dans tout le quartier a été fortement perturbé (…) les eaux usées stagnent désormais dans les maisons'', peste la dame. En outre, en l’absence de trottoirs, les voitures des riverains sont garées sur le bord de la chaussée gênant fortement la circulation des voitures et des passants.
La défense de la CSE
Pourtant, le chef de chantier de la C.S.E, Modou Cissé, trouve que les mots utilisés par les plaignants sont un peu forts. Mais tente de rassurer : ''Nous faisons de notre possible pour limiter au maximum les incidences de notre activité sur la vie des riverains (…) Après avoir rebouché les tranchées, la CSE remettra en état les trottoirs.'' Pour les eaux stagnantes, M. Cissé affirme ne pas pouvoir aller au-delà de ses prérogatives : ''Nous veillons à éviter d’endommager les réseaux d’eau et celui de l’ONAS. Et si par accident ça arrive, nous les appelons pour faire les réparations (…), dès lors notre responsabilité s’arrête là.'' Comme pour prouver sa bonne volonté, il pointe du doigt une motopompe chargée d’assécher les cavités remplies d’eau de pluie ou celle de la nappe. Mais à quand la fin du calvaire des riverains ?
Mamadou Makhfouse Ngom
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